This is the old United Nations University website. Visit the new site at http://unu.edu
Pour la deuxième phase, transformation/conservation, l'étude a été réalisée selon le mode de transformation utilisé, c'est-à-dire, pour la pêche artisanale, les produits braisés, fumés et séchés où les énergies consommées sont le soleil et le bois ou un substitut (paille, coques d'arachide) et pour la pêche industrielle, les conserves, la farine et les produits congelés où domine la consommation d'électricité et de fuel.
Les enquêtes auprès des transformatrices artisanales ont révélé que c'est principalement la paille qui est utilisée comme combustible, ceci pour les produits fumés tandis que pour les poissons braisés, on utilise du bois, qui est brûlé dans des fours en parpaing. Selon le type de poisson transformé que l'on désire obtenir, la consommation d'énergie variera de 7.000 à 9.000 kcal par tonne de poissons frais.
Il est important de noter que la transformation artisanale n'est pas seulement, comme on l'a souvent pensé, une activité marginale, simple utilisatrice de surplus, mais représente également parfois une concurrence pour les mareyeurs, lors de l'achat de poissons frais. De plus, "ne nécessitant ni connaissance, ni capital, elle se présente comme un marché du travail à libre entrée et sortie et, pour ces raisons, elle ne possède pas de contrainte de production minimale ou maximale" [1].
Dans le domaine industriel, trois groupes d'usines se partagent le secteur de la transformation: les usines de produits surgelés, les conserveries et les fabriques d'huile et de farine de poisson.
La dépense énergétique s'élève respectivement à 690.000 kcal par tonne de poissons surgelés, à 1.059.000 kcal pour les conserves et à 3.945.000 kcal pour la farine. Les industries sont, pour la plus grande part, situées à Dakar, où elles s'approvisionnent directement aux ports, principalement auprès des unités de pêche industrielles mais également auprès des petits pêcheurs. Le marché est essentiellement celui de l'exportation, exception faite pour la farine qui approvisionne les industries d'aliments pour bétail, situées à Dakar, chez lesquelles l'exportation ne constitue un débouché qu'en cas de surplus.
Transport
Le dernier maillon de la filière étudiée est la phase de transport. Dans le cas de l'activité artisanale, les poissons frais sont transportés par les mareyeurs vers divers lieux de consommation et principalement vers Dakar. En effet, le poisson étant une denrée très facilement périssable, surtout dans les pays tropicaux, les régions éloignées des centres de pêche et de transformation sont difficilement approvisionnées. Les mareyeurs sont obligés de conserver leur marchandise en utilisant de la glace, mais les véhicules n'étant, en général, pas équipés de système isotherme, il est nécessaire de compter un kilo de glace pour un kilo de poissons. Pour certains longs parcours, la quantité de glace par rapport à celle de poissons est supérieure à 100 pour cent, et parfois il faut réapprovisionner la glace en cours de route.
Les poissons transformés, quant à eux, sont emballés dans des toiles de jute, mais cela parait suffisant, dans l'état actuel des produits, même s'ils sont déjà largement souillés de larves de mouches. Ce transport ne présente pas de difficultés, puisqu'il n'y a pas urgence à le commercialiser, surtout quand il a été préalablement saupoudré de DDT, pratique de plus en plus courante.
La demande de poisson sec est três importante et ce produit se vend dans pratiquement tout le pays. Du fait que les consommateurs ne s'attachent pas à la qualité apparente du poisson transformé (c'est l'odeur qui compte), il n'y a pas de perte et donc pas beaucoup de risque de mévente pour les transformatrices. Le poisson transformé est un aliment très apprécié dans tout le Sénégal et sert notamment dans la confection des sauces, comme condiment. Il est donc impensable à ce niveau de vouloir le remplacer par du poisson frais. Mais, alors que le poisson transformé devrait suppléer le poisson frais dans l'approvisionnement des zones éloignées des côtes, sa distribution n'est pas assez étendue, ceci en raison de difficultés d'accès (pistes, souvent de mauvaise qualité) mais aussi en raison du faible niveau de pouvoir d'achat des populations.
L'énergie dépensée dans cette phase variera entre 230.000 kcal pour le transport des poissons transformés, quand seule la consommation de carburant est à prendre en compte, et 390.000 kcal pour le transport de poissons frais où il est nécessaire d'ajouter la dépense d'énergie pour la fabrication de la glace.
TABLEAU 4
Type d'énergie utilisée et quantité par tonne de poissons | Consommation d'énergie en 1.000 kcal par tonne de poissons | Type et prix (FCFA) à l'unité de l'énergie utilisée | Valeur en 1.000 FCFA | |
Peche artisanale | 2000 - 2200 | 20 à 30 | ||
Phase do capture | ||||
Piroque | Bois | |||
Moteur | Carburant: 199 l | 1 800 | Carburant: 91 F/l | 18 |
(1 1 =9 100 kcal) | ||||
Phase de transformation | ||||
Fumage | Paille: 2,6 t | 9 | ||
(1 t = 3 500 kcal) | Combustible: 0,5 à 1 F/kg | 2 | ||
Braisage | Bois: 2 t | 7 | ||
(1 t = 3 400 kcal) | ||||
Phase de transport | ||||
Moteur | Carburant: 25 l | 230 | Carburant: 290 F/l | 7 |
Conservation (glacé) | Electricité: 70 kwh | 160 | Electricité: 74 F/kwh | 5 |
(1 kwh = 2 300 kcal) | ||||
PECHE INDUSTRIELLE | 1 300 à 23 000 | 30 à 200 | ||
Phase do capture | ||||
Bateaux | Acier et bois | |||
Moteur et système de | ||||
conservation | ||||
-chalutiers | Carburant: 1 371, 5 l | 12 000 | Carburant: 56 F/l | 77 |
-thoniers | Carburant: 2 079, 5 l | 19 000 | Carburant: | 120 |
-sardiniers | Carburant: 176 l | 1 600 | Carburant: | 11 |
Electricité: 23 kwh | Electricité: 45 F/kwh | |||
Phase do transformation | ||||
Congélation | Electricité: 300 kwh | 700 | Electricité: identique | 14 |
Farine | Carburant: 400 | 4 000 | Carburant: 300 F/l | 87 |
Electricité: | 150 kwh | Electricité: identique | ||
Conserverie | 1 000 | 22 | ||
-préparation du poisson | Carburant: 63 l | Carburant: identique | ||
Electricité:137 kwh | 850 | Electricité: identique | ||
-boîte de conserve | Gaz: 4,2 m³ | Gaz: 185 F/m³ | ||
Electricité:57 kwh | 150 | Electricité: identique |
La phase de transport pour l'activité industrielle n'a pas été étudiée, les produits étant pour la plupart exportés.
La pêche artisanale consomme aux alentours de 2.000.000 kcal par tonne de poissons, depuis la capture jusqu'au consommateur (tableau 4). Il est intéressant de mettre ce chiffre en relation avec le contenu en kcal de la tonne de poisson (1.000 kcal), ce qui nous donne un rendement de la pêche artisanale sénégalaise de 1/2. Par contre, le vendement pour la pêche industrielle est de 1/20 (tableau 4).
Il est également intéressant de mentionner ici l'énergie humaine dépensée lors des différentes phases de la filière artisanale (les données sont pratiquement impossibles à obtenir pour la pêche industrielle). Les sorties en mer durent environ 4 heures mais une base de 1 2 heures semble mieux correspondre à l'activité des pêcheurs. Nous ferons cette même hypothèse pour le travail des femmes. On obtient ainsi, pour la phase de production, une dépense humaine de 3.000 kcal pendant une journée de travail (douze heures) pour une moyenne de deux tonnes de poissons pêchés. La dépense énergétique des transformatrices s'élève, quant à elle, à 2.500 kcal pour une moyenne de 0.4 tonne de poissons transformés par jour.
Enfin, une analyse des dépenses monétaires des deux filières confirme une meilleure efficacité de la pêche artisanale prise dans son ensemble, par rapport à l'activité industrielle.
Energie et choix technologique dans la peche
Le développement de la pêche artisanale est lié à une série d'opérations qui concernent tant les hommes que les outils et l'organisation en amont et en aval de la production. Mais si les techniques contribuent au processus de développement, encore convient il qu'elles répondent aux besoins et capacités du pays concerné.
Amélioration du rendement énergétique au niveau do la production
L'évolution la plus récente, en ce qui concerne l'outil de production, le bateau, est très certainement l'introduction de la motorisation dans les années 70 et principalement du moteur hors bord. Ce progrès technique a d'autant plus facilement pénétré, qu'il ne remettait pas en cause les modes de production et d'organisation du secteur et qu'il nécessitait peu d'adaptation des hommes.
Malheureusement, ce moteur, qui a été conçu pour le tourisme, revient finalement très cher puisqu'il ne dure que deux ans et que proportionnellement au moteur à bord, il consomme beaucoup trop de carburant. Face à ces deux problèmes, deux orientations ont été préconisées: le passage du hors-bord au in-bord diesel, plus résistant et plus économique et/ou la réhabilitation de la voile, qui, tout en ne s'opposant pas au moteur, complète plutôt ce mode de propulsion.
Dans la pêche artisanale, il existe encore actuellement des pirogues équipées uniquement de voile, comme par exemple la pêche à la ligne. Mais pour comprendre la réticence des pêcheurs face à une utilisation à nouveau quotidienne de la voile, il faut savoir que la production pour l'année 1982 a été d'environ 0.3 tonne par pêcheurs pour la pêche à la ligne contre cinq tonnes pour la sonne tournante.
La motorisation a permis un accroissement très important du nombre des captures et de la production par pêcheur et il semble difficile de réintroduire la voile, si cette initiative ne provient pas des pêcheurs eux-mêmes, ce qui ne semble pas être le cas.
Le problème de la consommation de carburant semble soulever de nombreuses propositions afin d'améliorer le rendement énergétique lors de la phase de capture. En effet, l'augmentation du coût du carburant s'est traduite par une hausse importante des charges d'exploitation (+ 20 pour cent en deux ans, dont 9 pour cent directement imputables au carburant), laquelle n'a pas été répercutée dans les mêmes proportions sur le prix du poisson (12 pour cent en deux ans). Mais il faut tout de même garder à l'esprit que la pêche artisanale dans son ensemble consomme 199 litres de carburant par tonne de poissons débarqués (10 à 20 pour cent du chiffre d'affaires) contre 450 litres pour la pêche industrielle (25 à 30 pour cent du chiffre d'affaires), sans compter le carburant utilisé dans la réfrigération.
Ainsi, au niveau national, il serait plus intéressant d'envisager une amélioration de l'efficacité énergétique des unités industrielles mais on s'acharne à vouloir "surmonter" le caractère "dépassé" de la pêche traditionnelle, en voulant remplacer la pirogue, pourtant parfaitement adaptée au contexte de la pêche en mer dans les eaux sénégalaises, par des embarcations, qui non seulement se sont révélées être des échecs mais qui ont de plus un coût de revient nettement plus élevé que celui de la pirogue actuelle.
Face à ce "problème", l'adoption du moteur diesel, qui a un meilleur rendement que le moteur hors-bord, semblerait être une solution, bien qu'elle nécessite une modification dans la conception de la pirogue.
Les inconvénients de la pirogue traditionnelle sont l'utilisation de troncs d'arbres pour la quille, que l'on aura, à long terme, des problèmes à trouver du fait de la progression de la déforestation, l'absence de caisse isotherme pour la conservation du poisson et l'utilisation du moteur hors-bord, fort consommateur de carburant.
On trouve actuellement une réponse de la part des villages de pêcheurs qui ont, d'une part, mis au point une pirogue faite uniquement de planches en bois et, d'autre part, ont adopté des caisses amovibles ayant la forme intérieure de la pirogue et composées de deux compartiments, l'un pour la glace, l'autre pour le poisson.
Enfin, l'utilisation du moteur diesel à bord pose certains problèmes: en premier lieu, il nécessite un arbre qui dépasse sous la coque et est donc susceptible d'être brisé lors du halage sur la plage. Contrairement au moteur hors-bord qui ne nécessitait que peu de connaissances techniques pour l'entretien et les réparations courantes, l'introduction du moteur à bord nécessite une formation de mécaniciens dieselistes dans les villages de pécheurs. Enfin, les pêcheurs sont parfois des travailleurs saisonniers et leur activité annexe ne se situe pas nécessairement sur le lieu de poche. Ce nomadisme oblige les pécheurs à laisser la pirogue sur la plage, alors qu'ils emportent le moteur. Une telle précaution contre les vols ne serait pas possible avec les moteurs diesels.
La transformation artisanale
Le deuxième aspect "d'économie d'énergie" se situe au niveau de la phase de transformation, lors du fumage et du séchage. Pour le premier mode de traitement, il serait intéressant d'introduire des techniques susceptibles non seulement d'allonger la durée de conservation du poisson transformé (le fumage à ciel ouvert donnant des résultats inégaux) mais aussi d'économiser le bois (baobab ou palétuvier) que l'on utilise lors du fumage des poissons dans les fours en parpaings.
Au niveau de la consommation de bois, au Mali, a été proposée une version de four traditionnel amélioré (ban ak suf) permettant le fumage du poisson mais, si elles ne sont pas négligeables, les économies de combustible réalisées devraient se situer aux alentours de 20 à 30 pour cent et cela, seulement dans le cas où toutes les conditions d'optimalité sont réunies. De plus, il ne permet pas de fumer une quantité importante de poissons alors que les fours en parpaings contiennent jusqu'à 560 kg de poissons. Quand les femmes sont confrontées à un problème crucial d'approvisionnement en bois, elles cessent simplement d'acheter du poisson et donc de le transformer.
La deuxième technique de transformation/conservation du produit est le séchage, qui se caractérise principalement par le faible niveau de modernisation puisque les poissons sont simplement exposés sur des claies en bois. Le problème de ce mode de traitement est d'une part une infestation du produit par les insectes et d'autre part l'obligation de ranger le poisson tous les soirs pour éviter les condensations nocturnes et les vols éventuels.
On ne peut pas vraiment parler d'économie d'énergie dans le cas du séchoir solaire puisque la seule énergie susceptible d'être économisée est le soleil mais il a été conçu dans le but d'amoindrir les risques de contamination, d'améliorer la qualité du produit et d'accroître la productivité par rapport au procédé traditionnel.
Une des critiques apportées par les transformatrices à propos des séchoirs installés a été que le poisson n'était pas correctement séché puisque lors des hautes températures de midi. En effet le produit avait tendance à cuire, les séchoirs étant dépourvus de système de régulation et d'homogénéisation de l'air. D'autre part, les transformatrices ont déploré la mauvaise qualité des bâches qui se déchiraient au bout de quelque temps (notamment à cause du vent), nécessitant donc des réparations continuelles et qui jaunissaient très vite au soleil. Enfin, face aux différents arguments avancés en faveur de l'installation de séchoirs solaires (diminution des pertes, accroissement de la productivité, amélioration de la qualité du produit), les transformatrices, tout en reconnaissant ces avantages, n'en demeurent pas moins sceptiques quant à leur utilité. Les femmes n'ont pas remarqué d'amélioration dans les produits provenant des séchoirs, puisque, disent-elles, le poisson ainsi obtenu n'est pas plus demandé par les consommateurs. En fait, les techniques telles qu'elles existent actuellement sont non seulement efficaces et bonnes en elles-mêmes et surtout elles ont l'avantage de produire un produit très apprécié par les Sénégalais. Le problème des séchoirs installés jusqu'à maintenant est qu'il n'y a eu que peu ou pas de suivi par l'organisme à l'origine du projet, qui aurait pû permettre une amélioration de l'outil, au vu des remarques des utilisateurs.
L'utilisation du froid pour la conservation du poisson
L'introduction d'une chaîne de froid peut être intéressante car elle peut fournir aux ateliers de transformation de la matière première de bonne qualité et éviter les pertes importantes lors de la commercialisation. Mais plusieurs problèmes se posent. D'un point de vue nutritionnel, le brillant de la teinte dorée qui rend le fumé appétissant est obtenu difficilement avec le poisson congelé, et pour le guedj (poisson fermenté), le goût habituel ne peut pas être obtenu par le froid. De plus, cette technique nécessite du matériel d'emballage adéquat pour la conservation. S'il paraît sans fondement d'introduire dans le circuit de la pêche artisanale un système de conservation par la congélation, il s'avèrerait certainement utile d'améliorer et même d'implanter des techniques de conservation par le froid, qui font pratiquement défaut lors de la phase de captures et qui sont susceptibles d'être largement améliorées lors de la commercialisation.
Mais il est important de savoir, qu'une fois établie, "la résistance d'une chaîne de froid est conditionnée par celle de son moindre maillon," c'est-à-dire q'une telle chaîne ne supporte pas de discontinuité: dès que l'action du froid soit suspendue, la décomposition reprend. On comprend donc que ce mode de conservation nécessite un coût élevé et des exigences techniques importante.
Les impasses d'une étude exclusivement technicienne
Le choix d'une technologie se déterminera en fonction d'éléments répondant à divers critères, sociaux, économiques ou "naturels". On distinguera quatre espaces de pensées:
- L'espace "dynamiques sociales"
regroupe divers problèmes tels que: l'absence de productivisme
chez les femmes, les problèmes liés à l'insuffisance
éventuelle des revenus des pêcheurs; l'opposition marché/hors
marché (articulation pêche/agriculture dans un même village);
l'évolution des styles alimentaires; et les rapports
mareyeurs/pêcheurs et mareyeurs/transformatrices.
- L'espace "dynamiques écologiques" est axé autour de
deux principaux éléments: l'état actuel et futur de la
ressource; et les conséquences du déboisement sur la
construction des pirogues et l'approvisionnement en bois pour la
transformation.
- L'espace "dynamiques internationales" fait
essentiellement référence: au marché mondial du poisson; au
prix de l'énergie et plus particulièrement des hydrocarbures;
et à la crise du système financier international. L'espace
"systèmes techniques" comprend toutes les innovations
technologiques qui ont été proposées dans le but d'améliorer
la pêche au Sénégal: dans la phase de captures,
réhabilitation de la voile, utilisation de matériaux de
substitution au bois, introduction du moteur à bord; dans la
phase de transformation, introduction des séchoirs solaires et
d'une chaîne de froid; et dans la phase de commercialisation,
amélioration du système de réfrigération.
Ces différents espaces seront reliés d'une part à la "contrainte énergétique centrale" qui consiste en un bilan énergétique en énergie commerciale, et d'autre part à la filière regroupant les différentes activités ayant trait à la pêche.
Ainsi, l'introduction ou la non-introduction d'une technique doit résulter de la confrontation de divers domaines d'étude. Mais cette méthodologie implique, pour qu'un choix soit possible, qu'un a priori stratégique (par exemple, l'amélioration de l'approvisionnement des populations) soit posé, ce qui signifie que cette analyse ne prétend pas à une optimisation mais présente, au contraire, d'importantes marges de liberté quant à la détermination du choix, dans la mesure où l'on se trouve, en fait, devant un problème sous-déterminé (système où les variables sont plus nombreuses que les contraintes).
CONCLUSION
Le développement de la pêche industrielle dans son ensemble présente actuellement et présentera une certaine vulnérabilité liée à sa consommation élevée d'énergie (carburant et électricité) dans la mesure où une forte hausse des prix du pétrole n'est pas exclue; une hausse des prix de 1 à 2 d'ici à la fin du siècle semble être l'ordre de grandeur.
En effet, cette activité nécessite une dépense moyenne de 1,4 tonnes équivalent pétrole (tep) par tonne de poissons débarqués, ce qui correspond à une consommation totale, pour la production actuelle (95.000 tonnes) de l'ordre de 130.000 tep. La pêche industrielle représenterait ainsi 13 pour cent de la consommation d'énergie commerciale du Sénégal.
Mais il est intéressant de noter que les consommations de carburant varient énormément pour la pêche industrielle (écart de 1 à 12) selon le type de pêche pratiqué alors qu'elles sont à peu près identiques dans la pêche artisanale (1 à 4).
Ainsi, en considérant que la dépense d'énergie est la même, quel que soit le mode de transformation, la filière sardiniers entraînera une consommation d'énergie de 0.23 tep par tonne de poissons débarqués contre 2.29 tep pour la filière thoniers. La pêche industrielle la plus viable (par rapport à la crise de l'énergie) est donc celle pratiquée par les sardiniers senneurs. Mais cette technique se trouve en concurrence directe avec la pêche à la senne tournante artisanale, d'une part parce qu'elle nécessite une consommation moindre de carburant (176 litres pour les sardiniers contre 210 litres pour les sennes tournantes), d'autre part parce qu'elle puise dans le même stock (les pélagiques) et contribue ainsi à une surexploitation de cette ressource.
Si cette pêche est avantageuse du point de vue des importations de pétrole, puisqu'elle consomme moins d'énergie, elle ne répond pas à l'objectif de l'approvisionnement des populations locales, sa production étant destinée aux exportations. On se trouve devant l'alternative apport de devises/approvisionnement du marché intérieur.
Par ailleurs, le développement de la pêche industrielle et plus particulièrement des sardiniers pose le problème de la destination des captures. En effet, une partie de celles-ci est transformée en farine destinée aux fabriques d'aliment pour bétail. Si la filière poisson (r) farine (r) protéines est probablement moins intéressante du point de vue énergétique qu'une filière poisson (r) protéines (dans la mesure où, a priori, les pertes de rendement s'accumulent quand les chaînes s'allongent), le débat sur la compétition élevage/pêche quant à la fourniture de protéines ne peut pas pour autant être considéré comme définitivement clos. Cette problématique renvoie en effet: - à l'analyse complète des contenus énergétiques des produits de l'élevage; et - à la prise en compte des dynamiques sociales et écologiques des systèmes pastoraux.
Les perspectives relativement favorables qu'offre le marché mondial du poisson peuvent cependant favoriser une gestion "ex ante", selon l'expression d'l Sachs, des compétences désastreuses entre pêche artisanale et pêche industrielle (alimentation versus exportations). Sur le marché international des produits halieutiques en effet, la demande devrait augmenter d'ici à la fin du siècle à un taux de 3.3 pour cent par an dans l'hypothèse des tendances actuelles, ce qui devrait entraîner une augmentation des prix, la production ne devant, quant à elle, augmenter que de 1 pour cent par an.
Par ailleurs, de nombreuses recherches ont visé une amélioration de la filière artisanale qui permette un meilleur approvisionnement du marché intérieur, surtout quant à la qualité du produit mais aussi quant à son prix. Mais ces innovations se heurtent à des obstacles aussi bien techniques (non adaptation aux conditions rurales) ou sociales (absence de productivisme), qu'écologiques, ce qui semble montrer que la pêche est extraordinairement bien adaptée à son environnement.
Le problème de l'approvisionnement des villes et des régions de l'intérieur se heurte principalement à un manque d'infrastructure routière et d'installations permettant une bonne conservation du poisson. Il serait intéressant, en premier lieu, de rationnaliser ce maillon de la filière, d'une part par une amélioration des véhicules de transport eux-mêmes mais aussi du système de réfrigération. Il devrait être possible, par ailleurs, de développer les chaînes de conservation/transport sans pour autant prendre trop de risques sur le plan énergétique. En effet, l'analyse énergétique nous a montré que la phase de transport nécessitait relativement peu d'énergie 418 pour cent de la dépense totale de la filière artisanale), la phase de production étant de loin la plus énergivore (82 pour cent de la consommation totale).
Une stratégie de développement endogène de la pêche pourrait donc exiger une attention particulière à l'innovation technique au niveau de la conservation, qui semble être, actuellement, le goulot d'étranglement technique sur la voie d'une meilleure alimentation des populations de l'intérieur.
Note
The author supplied an extensive bibliography that could not be included. Interested persans should contact her directly for this information et: Ensia-Gret, 1, avenue des Olympiades, 91305 Massy Cedex, France; Tel.: (6) 920-05-23; telex: 692-174 F ENSIA.
Reference
1. M. H. Durand, Aspects socio-économiques de la transformation artisanale du poisson de mer au Sénagal (CRODT, Dakar, Sénégal, 1981), p. 95.