Table des matières
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5.1 Introduction
Le guide est une énumération de questions à poser aux participants pendant les sessions des groupes focaux. Il convient d'y réfléchir attentivement et de se montrer disposé à y apporter, si cela est nécessaire, plusieurs changements. Au plus vous vous exercerez à la rédaction de questions, au plus vous améliorerez vos aptitudes en la matière et plus vite vous parviendrez à élaborer un guide de questions qui ne nécessitera plus beaucoup de modifications. Toutefois, il faut se rappeler que vous ne réussirez probablement pas à pénétrer au coeur des croyances, attitudes et opinions des populations, au terme d'une ou deux tentatives. Si les questions vous paraissent appropriées dès la phase initiale, méfiez-vous: peut-être votre esprit n'est-il pas resté suffisamment ouvert que pour entendre ce que les participants ont réellement dit. Préparez-vous à récrire les questions après chaque groupe focal. Au début de l'étude, chaque groupe focal vous fournira de nouvelles informations dont les éléments devront être progressivement intégrés dans le guide des questions afin que les éléments nouveaux puissent être pris en compte lors du prochain groupe focal.
Le présent chapitre traite des grands points relatifs à la rédaction des questions et à l'élaboration du guide. Vous pouvez si vous l'estimez utile consulter des textes spécialisés sur la recherche par les groupes focaux et la rédaction de questions pour des recherches qualitatives (cf. par exemple, Bernard 1988; Krueger 1988; Morgan 1988; Stewart et Shandasani 1990).
5.2 Faire la connaissance de la communauté
Avant d'entamer la rédaction des questions sur la base de vos objectifs, il vous faudra avoir quelques connaissances sur la communauté avec laquelle vous allez travailler. Le temps que vous y consacrerez sera fonction de votre degré de familiarité avec les gens, leur culture et leurs croyances. Si vous êtes nouveau dans la région, vous pourrez, au cours de la phase de planification, consacrer du temps à améliorer votre connaissance de la communauté.
Vous pouvez en fonction du sujet de l'étude vous entretenir avec les gens de manière informelle sur tout un tus de sujets. Il est également avisé d'apprendre les meilleures manières pour rencontrer les gens, comment les groupes fonctionnent dans cette communauté ainsi que d'autres questions relatives à la façon de diriger des groupes focaux. Essayez de concevoir un dictionnaire des termes locaux ayant trait à votre thème de discussions: il vous sera utile pendant la tenue des groupes focaux et au cours de l'analyse. Naturellement, vous pouvez également profiter des groupes focaux pour constituer un lexique des termes locaux, par exemple, les différents mots utilisés pour désigner la fièvre, la toux ou la diarrhée.
5.3 Qui rédige les questions?
Le choix de la ou des personnes qui seraient chargées de rédiger les questions dépendra de la taille de votre projet et de la nécessité ou non de recourir aux services de traducteurs. Il est recommandé à quiconque impliqué dans le projet d'apporter sa contribution aux questions à élaborer. Les autorités compétentes qui prendront des décisions au vu des résultats obtenus, devraient voir comment sont formulées les questions comme devrait le faire l'équipe qui dirigea les sessions de groupes focaux. Il est nécessaire que tous s'accordent sur le fait que les questions correspondent bien aux objectifs visés.
Si vous travaillez dans une langue étrangère, le modérateur ou les traducteurs devront traduire les questions, de votre langue à la langue parlée par la communauté. Cet exercice exige une bonne compréhension des objectifs du projet. Si vous ne connaissez pas bien cette communauté, le personnel local pourra être utilisé pour vous guider en ce qui concerne l'acceptabilité des questions par les participants.
5.4 Principes généraux de rédaction des questions
La structure des questions
La façon de poser des questions dans les groupes focaux diffère tout à fait de celle des questionnaires d'enquête. Les enquêtes formulent en général des questions pour obtenir, des informations concises et directes, souvent avec des questions formées et un choix de réponses définies. Dans les groupes focaux, les réponses devraient être ouvertes et les gens encouragés à répondre en détail. C'est pourquoi, les sessions doivent être dotées d'une structure souple. Le but principal que vous visez, c'est de cerner un domaine nouveau, d'étudier les attitudes des gens, leurs opinions et leurs croyances sans connaître au préalable l'éventail des réponses qui pourraient être fournies. Il est nécessaire de vous garder de contraindre les gens à répondre de telle ou telle façon aux questions posées, car vous ne pouvez en aucun cas présumer des réponses à une question particulière. Les groupes focaux et d'autres méthodes connexes pour la recherche qualitative, telles que l'entrevue approfondie, permettent aux personnes interrogées de répondre comme elles le veulent et jamais les questions ne doivent orienter vers un type supposé de réponses exigées. Ces genres de questions s'appellent des questions "ouvertes" par exemple:
"Que pensez-vous du programme de lutte contre la lèpre?" (en s'adressant aux adultes qui reçoivent plusieurs traitements contre cette maladie).
Cette question permet aux enquêtés d'aborder les points dont ils sont contents et ceux pour lesquels ils sont insatisfaits. Elle n'attire pas l'attention sur un aspect particulier du programme et n'indique pas à l'enquêté comment devrait se dérouler l'entretien. Le sujet qu'ils choisissent d'évoquer, peut montrer ce à quoi ils accordent la plus haute importance, tout en sachant que les thèmes délicats ou embarrassants peuvent ne pas être abordés de cette façon.
Supposons que vous soyez intéressés de savoir si les gens éprouvent des difficultés pour se rendre dans une structure de soins qui offre des médicaments. Les questions d'ordre général peuvent ne pas conduire à des discussions sur l'accès aux médicaments, alors que vous souhaitez étudier cette question plus en détail. Ceci nécessitera des questions plus structurées mettant l'accent sur un aspect du problème.
Par exemple:
"Vous êtes tous admis à suivre un traitement régulier contre la lèpre. Pensez-vous que vous serez capables d'aller chercher les médicaments nécessaires?"
Cette question laisse à l'enquêté le choix de répondre d'une façon ou d'une autre, tout en évitant de mettre l'accent sur un aspect particulier du programme qui a trait aux objectifs de manière plus étroite. Supposons que vous ayez demandé:
"Quelles difficultés rencontrez-vous pour vous rendre au dispensaire? "
La question aurait montré tout de suite aux enquêtés qu'aller au dispensaire était un problème. Cela force les gens à discuter de l'accès au dispensaire alors que ce point n'a peut-être que peu d'importance pour eux. Ce type de question pourrait vous donner une idée fausse de l'importance que représente l'accès aux dispensaires pour les patients. Pour eux, le fonds du problème est peut-être d'ordre privé: ils peuvent préférer se présenter dans un autre dispensaire où l'accès physique aux soins est encore plus difficile pour éviter que d'autres personnes ne sachent qu'ils suivent un traitement contre la lèpre.
Il est important d'éviter des questions dont la réponse sera oui ou non. Parfois, il peut-être nécessaire d'obtenir un "oui" ou un "non" qu'il faudra ensuite exploiter, mais en général, il ne s'agit pas de bonnes questions, car elles ne suscitent pas une discussion animée. Comme dans les entretiens individuels, les meilleures questions sont celles qui encouragent les gens à s'exprimer plus librement. Vous voulez qu'ils vous parlent d'un sujet particulier ou d'une expérience particulière, la question pourra par exemple, être;
"Certains d'entre vous ont affirmé qu'il est extrêmement difficile de se rendre au dispensaire. Pourriez-vous me dire d'où vient la difficulté?"
Formulation des questions
Bien que la rédaction des questions puisse sembler facile une fois que vous avez défini le type d'informations nécessaires, elle peut réserver des surprises. Parfois, des questions peuvent prêter à confusion ou être mal interprétées. Parfois aussi, il se peut que les participants ne sachent pas de quoi vous parlez: le groupe focal est le premier endroit où ils entendent parler de la question que vous évoquez. Ne supposez pas que vos interlocuteurs soient au courant de ce dont vous les entretenez ou qu'ils ont bien développé des idées à ce sujet.
Il y a quelques règles simples à suivre dans la formulation des questions:
Assurez-vous que les questions soient faciles à comprendre pour les personnes enquêtées.- employez un langage simple.
- veillez à ce que le sens de la question soit clair.
- posez des questions courtes.
- évitez les questions à plusieurs volets Evitez la formulation de questions qui engendrent des sentiments de culpabilité ou d'embarras.
N'émettez aucun jugement de valeur sur ce qui est acceptable ou ce qui ne l'est pas.
Si vous devez traduire les questions, dans une autre langue faites les toujours retraduire dans la langue de départ par une personne qui n'a pas été concernée précédemment par le travail. Ceci vous permettra de vérifier que la question traduite garde le même sens ou la même intention que l'originale. Il s'avère quelquefois nécessaire de faire cet exercice à plusieurs reprises pour s'assurer de l'exactitude de la traduction. Gardez-vous de croire qu'une première traduction est correcte, quelle que soit la compétence de vos traducteurs.
Evitez de trop demander des "pourquoi". Ces questions suscitent l'idée qu'il devrait y avoir une réponse logique. Il arrive que faute de pouvoir donner de telles réponses les gens fassent une réponse toute faite qui semble raisonnable. Les questions demandant "pourquoi" peuvent apparaître comme des investigations ce qui rend les participants méfiants et les amènent à répondre d'une manière qui paraisse socialement acceptable.
Le nombre de questions
En général, la durée des groupes focaux varie entre une et deux heures. La durée jugée idéale est d'une heure et demie. Après, les participants ont tendance à se fatiguer. La durée dépendra aussi de la réussite des débats, de leur degré d'animation et de l'intérêt que le groupe porte à la poursuite des travaux. Nous vous conseillons de rédiger votre guide de questions en prévoyant une durée d'une heure mais en informant les participants que cela pourra durer un peu plus longtemps.
Les groupes focaux sont censés permettre l'étude détaillée des attitudes et croyances. Une telle étude est impossible si votre guide de questions porte sur un trop large éventail de thèmes. Si vous essayez de le faire (ce qui est très tentant), vous constaterez au cours de la session que vous devez aller vite et donc que vous traitez chaque question superficiellement. Par ailleurs, il sera difficile d'approfondir les renseignements et indications donnés par les participants dans leurs réponses aux questions posées, et de ce fait, le groupe focal risque de se transformer en un questionnaire classique d'enquête.
Nous vous recommandons de limiter un groupe focal à deux ou trois idées principales et de prendre le temps de bien les étudier. Si vous ne vous sentez pas à l'aise sans un guide de questions plutôt long et détaillé, l'expérience et le test préliminaire vous permettront de voir clairement ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.
Test préliminaire
Pour faire un test préliminaire, vous devez prendre le guide de questions et vous en servir à titre d'essai pour voir s'il est compris comme vous le souhaitez. Avant ce test, il vous est impossible de savoir comment les gens vont répondre aux questions. Le pré-test constitue donc une étape essentielle de la rédaction des questions. Ne considérez pas le test préliminaire comme la phase finale de la conception du questionnaire. Ce peut n'en être que le début! Bien souvent, les questions devront être ré-écrites et re-testées. Ceci est tout-à-fait normal et il faudra en tenir compte au cours de l'élaboration de votre emploi du temps pour le projet. Le test préliminaire sert également à vérifier l'efficacité de la formation des membres du personnel impliqués dans la conduite des groupes focaux. Il leur offre la pratique nécessaire et aide à développer leur confiance en eux mêmes.
Elaboration des questions courantes
Tout au long du projet, les résultats de chaque groupe focal vous fourniront davantage d'informations et vous aurez progressivement une meilleure idée des questions importantes pour les participants. Chaque nouvel élément d'information devrait vous permettre de modifier un peu le guide de questions afin qu'il aborde mieux le problème et mette l'accent sur les questions principales. Le nombre de modifications à effectuer varie considérablement mais dans certains projets les questions changent à chaque session. Ce processus de collecte évolutive des données, d'analyse permanente et de rétro-information en cours de recherche est désigné sous l'appellation de "méthode itérative" et constitue une caractéristique importante de toutes les méthodes de recherche qualitative.
Les deux tableaux qui suivent (1 et 2) présentent à titre d'exemple, deux séries de questions qui donnent une idée sur le genre de questions utilisées pour les groupes focaux.
A noter qu'il n'y en a que peu pour chaque groupe. Au sein de chaque groupe focal, le modérateur stimulera des réponses aux questions posées en animant la discussion et provoquant des sous-questions pour approfondir les échanges sur chaque thème (voir paragraphe 10.2, Partie 11).
Dans le premier exemple (tableau N° 1), vous cherchez à obtenir des informations sur ce que les gens font lorsque leurs enfants sont malades. Vous vous intéressez d'abord aux symptômes et aux catégories de diagnostic (c'est-à-dire, quelle maladie constatent-ils) et puis aux modes de traitement et aux différentes possibilités de traitement qui leurs sont offertes dont l'automédication et les thérapies traditionnelles, les guérisseurs traditionnels, les agents de santé villageois, les accoucheuses traditionnelles et les infirmières accoucheuses, les unités de santé villageoises et les services hospitaliers. Vous devez découvrir où les gens vont pour se faire diagnostiquer et ce qui va influencer leur décision de se rendre à un service ou à un autre. Si une maladie particulière vous intéresse, insistez-y à un moment de la discussion Toutefois, au début, il vaut mieux poser des questions d'ordre très général concernant les maladies et leurs traitements.
Les séries de questions posées aux groupes focaux ne concernent pas des catégories biomédicales de maladies, mais plutôt la reconnaissance locale des signes et symptômes de maladies. Le modérateur recourt à une gamme de techniques (sondages, provocations, répétitions etc.; cf Partie 11 Chapitre 10) pour étudier différentes expériences et conceptions au sein du groupe, en vue de l'élaboration d'un lexique des maladies identifiées localement (ex "toux", fièvre", "maladie de l'esprit", ´'problèmes d'estomac'´) et acquérir une compréhension élémentaire des types de recours aux soins, y compris les retours chez un même guérisseur ou l'utilisation concurrente ou séquentielle de guérisseurs issus de secteurs différents, par exemple traditionnel et professionnel. Le modérateur ne formule pas les questions exactement de la manière dont elles sont écrites. Par exemple, supposez qu'une mère vous parle de "diarrhée normale" (Abdullah Sani et Al. 199).
Tableau No. 1: Exemple de guide de questions sur les maladies infantiles et les stratégies de traitement s'y rapportant 1. Quelles sont les maladies les plus répandues dans le village? |
Le modérateur ne demande pas "quels sont les signes et les symptômes de la diarrhée normale?" mais plutôt:
"Je me demande si vous pouvez me dire un peu plus sur la "diarrhée normale". Pouvez-vous par exemple, me dire comment reconnaître que votre enfant en souffre?"
et puis insiste et demande:
"Est-ce le seul type de diarrhée? Pouvez-vous me dire, quels autres genres de diarrhée affectent les enfants?"
et également:
"Vous avez mentionné ___________,________, et comme étant différents types de maladie diarrhéiques qui affectent les enfants. Est-ce tout? Existe-t-il d'autres termes que vous pouvez utiliser pour désigner la diarrhée?"
L'ordre général des questions est, cependant, suivi.
Au cours de la discussion, vous pouvez être intéressé par l'étude de l'importance des réseaux et des rapports sociaux au sein d'une communauté pour la prise de décision face à une maladie, le paludisme en particulier. Une façon d'entamer la discussion consiste tout simplement à faire savoir à vos interlocuteurs que vous vous intéressez à leur état de santé, y compris le paludisme, et à leur demander s'ils peuvent vous parler des cas de paludisme qu'ils ont connus. S'il y a eu récemment un cas, l'évoquer est un bon de point de départ pour les discussions. Les questions sous forme d'hypothèse concernant la maladie permettent également d'encourager un échange d'idées quant au diagnostic et au traitement, d'étudier les différentes connaissances à ce sujet et la concordance des idées au sein du groupe. Si des avis divergents ou des opinions contradictoires se font jour, il faut en profiter pour approfondir la discussion. Vous devez être attentifs à la nature des interactions au sein du groupe et noter les points où des personnes se distinguent d'autres, par exemple, si les mères et les filles ne sont pas du même avis. L'exemple présenté au tableau 2, vise à rassembler un maximum de données sur le paludisme, y compris la cause, le diagnostic, le traitement et la prévention. Comme la discussion porte sur une seule maladie, le modérateur commence par des questions sur la maladie mais en abordant le sujet de manière très générale. Ce genre de groupe focal à visée exploratoire permet d'obtenir des données pour alimenter des groupes focaux ultérieurs ou servir de base à des entretiens individuels.
Tableau No. 2: Exemple de guide de questions sur le paludisme 1. Des personnes de ce village m'ont un peu parlé du paludisme. Pouvez-vous me dire à votre tour, comment vous reconnaissez que quelqu'un a le paludisme? |
6.1 Introduction
Il y a plusieurs façons de collecter et de classer les informations obtenues grâce à des discussions de groupes focaux. Nous examinerons certaines façons de classer l'information, en gardant à l'esprit que vous pouvez ne pas avoir accès à toutes les technologies utilisables dans les groupes focaux, telles les ordinateurs, radios cassettes ou même machines à écrire. Vous pouvez parfaitement diriger des discussions en groupes focaux avec un crayon et du papier. Toutefois, cela est susceptible de limiter la taille et l'exploitation des données recueillies. Il s'agit de faire la balance entre vos exigences et vos possibilités.
6.2 Enregistrement des discussions des groupes focaux
Il est possible de recourir à une seule méthode pour récolter les informations issues des discussions de groupes focaux ou encore de recourir à une combinaison de méthodes. La taille du projet ainsi que ce que vous envisagez de faire des résultats obtenus vont déterminer le choix que vous allez faire.
La prise de notes
La méthode de travail la plus simple pour l'observateur du groupe focal consiste à prendre des notes pendant la séance, en recueillant tous les détails possibles. Sans une parfaite connaissance de la sténographie, il n'est pas possible de faire un compte-rendu exhaustif des discussions, d'où la nécessité pour l'équipe de décider de la méthode qu'elle juge la plus appropriée pour récolter autant d'informations que possible. Il peut s'agir de résumer en une phrase chaque réponse donnée par chaque participant, ou bien de noter seulement des mots-clés et de relever textuellement les interventions caractéristiques ou importantes. Si celui qui prend note connaît bien la sténographie, cette connaissance lui sera d'une grande utilité sans toutefois être indispensable. Par contre, s'exercer à la prise de note est capital.
Tableau n° 3: Le modérateur interroge sur la fièvre chez les petits enfants que faites-vous? La femme 1 dit qu'elle "le surveille simplement parce que les enfants ont souvent la fièvre". La femme 2 - Si l'enfant "a l'air pâle" je consulte un guérisseur traditionnel. [D'autres femmes dans le groupe secouent la tête - sont-elles d'accord?]. La femme 4 dit qu'elle amène toujours son enfant au centre de santé, car la fièvre c'est quelque chose de "sérieux". La femme 1 fronce légèrement les sourcils - [La femme 4 donne-t-elle ce qu'elle croit être une bonne réponse?] |
Immédiatement après la session, l'observateur relira les notes qu'il a prises et y ajoutera des détails, afin de faire un compte-rendu complet et précis de la session. Les observateurs sont tenus d'écrire seulement ce dont ils sont certains. Ils ne sont pas supposés apporter durant cette phase des travaux leur jugement personnel, concernant ce que les participants voulaient dire, ils doivent simplement consigner les propos tenus. S'il y a nécessité d'émettre un jugement ou de faire une interprétation concernant une intervention, cela doit faire l'objet d'une mention dans les notes, en soulignant qu'il s'agit d'un commentaire fait par l'observateur et non par les participants. Dans l'exemple qui précède (tableau 3) les commentaires de celui qui prend note sont entre crochets: il s'agit de remarques concernant le comportement et les commentaires non-verbaux sur l'interprétation des informations. Les citations des participants sont rapportées entre guillemets.
Comme le montre l'exemple ci-dessus, l'observateur prend également des notes sur le langage du corps, sur la façon dont le groupe travaille collectivement ainsi que sur toute chose d'intérêt qui n'est pas perceptible par d'autres méthodes de collecte des informations.
L'enregistrement sur cassettes audio
Si c'est possible, l'utilisation d'un enregistrement-cassette est idéale. Bien que l'enregistrement sur cassette ne soit pas indispensable, il permet une analyse plus détaillée et plus complète de l'information, quand c'est nécessaire. Il vous permet aussi à la fois de suivre les sessions auxquelles vous n'avez pas assisté, et d'évaluer le travail du modérateur tout en vous permettant de vérifier les traductions, et de vous offrir un compte-rendu exact et permanent de la session. Il constitue un véritable compte-rendu qu'il est possible de ré-écouter en cas de contestation sur le sens d'une intervention faite pendant la session du groupe focal.
L'utilisation du magnétophone est facultative mais elle offre la possibilité d'une transcription intégrale de la discussion du groupe focal. Cette transcription est un compte-rendu manuscrit ou imprimé de toute la session qui est fait directement à partir de l'écoute de la cassette. C'est un processus plutôt lent mais qui améliorera considérablement la qualité des informations mises à votre disposition. Cette méthode de travail signifie également que vous avez sous la main un document beaucoup plus facile à analyser en détails. Elle réduit aussi l'influence de l'observateur sur l'enregistrement des réponses. Si la prise de notes sommaires par un observateur est la seule méthode pour enregistrer la session, vous devrez nécessairement traiter ces informations avec beaucoup d'attention, car les mots réellement utilisés pourraient faire place à une interprétation, par l'observateur, de ce que voulaient dire les participants.
L'enregistrement vidéo
Ce type d'enregistrement est quelquefois utilisé, en particulier dans les pays développés. Nous l'évoquons ici, surtout en raison de l'existence de nombreux textes qui y font référence. Les caméras vidéo risquent d'être une occasion de distraction pour les participants aux groupes focaux s'ils ne sont pas habitués avec ces technologies. Si vous pouvez avoir accès à une caméra vidéo dont vous êtes sûr que l'usage ne perturbera pas trop les participants, cela peut être très utile. Non seulement l'enregistrement vidéo donne un exposé de ce qui a été dit, mais aussi il présente la manière dont le commentaire a été fait. Il permet de voir les gestes du corps (signes non verbaux) qui pourront être utilisés pendant l'analyse des informations. L'interprétation du langage corporel fera l'objet d'un exposé au Chapitre 11, Partie 11. Les enregistrements vidéo ont été utilisés dans une étude pour évaluer des programmes de planification familiale et ce travail montre qu'ils peuvent être utiles sans être indispensables à l'amélioration de la qualité des données collectées (Khan, Amber et al. 1992).
La vidéo sert parfois non pas à enregistrer le groupe focal, mais à introduire les informations qui vont faire l'objet des discussion entre les participants du groupe focal. Par exemple, dans l'élaboration de méthodes pour des entretiens à visée ethnographique portant sur les IRA (infections respiratoires aiguës), des images d'enfants respirant rapidement ont été présentées aux participants des groupes focaux (Sison-Castillo 1990).
Il est toujours possible de procéder à une quelconque combinaison de ces méthodes. L'approche courante consiste à réaliser un enregistrement sur cassette audio, pour transcription ultérieure et pour l'observateur, à noter tout ce qui ne s'entend pas (par exemple: qui parle, les signes non-verbaux). L'observateur note de manière succincte ce que le groupe a dit en vue d'un compte-rendu immédiat. Il peut aussi noter les principales questions soulevées de manière à pouvoir se référer facilement à l'enregistrement sur bande.
6.3 Préparation des informations à analyser
Au terme de chaque séance de groupe focal, il est très important d'entamer la présentation des informations en vue de leur analyse. Pour les sessions qui s'appuient seulement sur une prise de notes, cela veut dire que l'ensemble de ces notes doit, dès que possible, être mis à jour. Le modérateur aidera celui qui prend note à les rédiger. Si vous dirigez un autre groupe focal avant d'avoir transcrit les notes prises lors de la dernière session, vous risquez facilement de confondre qui a dit quoi, à qui, quand et dans quel groupe focal. Tâchez de mener cette activité selon un plan de travail détaillé et systématique.
Si vous faites usage d'un enregistrement sur cassette audio, les transcriptions doivent en être faites le plus tôt possible. Cela peut prendre toute une journée à un de vos collaborateurs pour écrire toutes les réponses obtenues au cours d'une session. Ce travail devra être fait rapidement, car vous devez disposez des transcriptions le plus tôt possible après la session, pour vous permettre d'en tenir compte pour adapter le guide de questions. Si vous travaillez dans une autre langue, il vous faudra aussi prévoir du temps pour la traduction. C'est une bonne idée, dans ce cas, de faire d'abord écrire l'enregistrement dans la langue de travail du groupe focal et de le faire traduire seulement après, sur base du document écrit. Ceci permet un meilleur suivi quand à l'exactitude de la traduction, étant donné que vous pouvez la vérifier à chaque phase et cela vous permet aussi de vous référer aux termes locaux qui pourraient être importants pour l'étude.
Quelle que soit la méthode d'enregistrement utilisée, il est important de préparer un document d'analyse dans les 24 heures qui suivent la séance. Celui-ci doit être préparé alors que la session est encore fraîche dans votre mémoire. C'est aussi plus facile pour le traducteur de travailler à partir d'un texte écrit. Les mêmes règles s'appliquent en cas d'enregistrement vidéo. En plus de la transcription du langage parlé, vous pourrez dans ce cas ajouter directement sur le texte les observations en rapport avec le langage corporel.
6.4 Classement des informations
L'information peut être rassemblée sous n'importe quel type de classement déjà en service dans votre bureau ou département. Il est inutile d'élaborer un système spécial pour les documents des groupes focaux. Vous devez cependant être conscient du fait que si vous procédez à des transcriptions complètes et à des analyses détaillées d'informations, il vous faudra pas mal de place pour ranger les documents. Un enregistrement sur cassette de 90 mn équivaut à 15 pages de transcription. Il faudra également prévoir de la place pour recevoir les documents que vous pourriez produire en analysant les informations recueillies et les données démographiques de base collectées lors de l'identification de chaque participant.
Même si vous avez la chance de disposer d'un ordinateur, vous devez toujours classer les informations avec soin. Assurez-vous les services d'une personne chargée du maintien d'un bon système de classement, car un fichier désordonné et illogique ne tarderait pas à provoquer de fortes et inutiles frustrations. Et rappelez-vous: si vous utilisez un ordinateur, toujours faire un fichier de sauvegarde des documents. Il est facile et courant de perdre les données saisies à moins de disposer d'un tel fichier!