ISSUE 46: JUIN-AOÛT 2007

Le bulletin de l’Université des Nations Unies et de son réseau
international de centres et programmes de recherche et de formation

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Examiner les failles du modèle libéral de la paix

Les 3 et 4 mai derniers, le Programme de UNU pour la Paix et la Gouvernance a organisé un séminaire à Sarajevo en coopération avec l'Université de Sarajevo, relativement à un projet qui examine les données et les défis posés par la consolidation de la paix dans des sociétés sujettes aux conflits ou en situation de post-conflit.

L'objectif principal du projet est d'évaluer- et voir même de défier- les valeurs et les hypothèses sur lesquelles les acteurs internationaux fondent leurs approches et leurs activités relatives à la consolidation de la paix. Bien que les approches de la construction de la paix au niveau international ont produit des résultats relativement bons dans la limitation des conflits, de nombreux analystes ont affirmé que ces approches ont nettement moins de succès dans la résolution des causes sous-tendant les conflits, et peuvent même parfois exacerber les crises. Un débat a émergé sur la question de savoir si l'effondrement ou la mise en danger des processus de paix ces dernières années, notamment au Burundi, au Rwanda, au Timor Oriental et en Afghanistan, peuvent être en partie expliqués par les valeurs sur lesquelles est fondé le modèle libéral de la paix. La paix libérale est basée sur la démocratie, les droits de l'Homme, l'économie de marché, l'intégration des sociétés dans le processus de globalisation, l'auto-détermination, l'Etat et la citoyenneté. La plupart des processus de paix au niveau international peuvent être caractérisés par ces valeurs, qui sont supposées être le fondement de toute société moderne et stable. Cette affirmation reflète également une tendance politique plus large. Un certain nombre d'Etats mènent une politique étrangère qui vise à promouvoir la démocratie comme un moyen pour répandre la paix au sein des sociétés, ainsi qu'au niveau global. Dans certains cercles, la paix libérale est considérée comme une panacée.

Cependant, la paix libérale, et la manière dont elle est promue dans des sociétés vulnérables et divisées, reste problématique. La démocratie (la démocratie libérale), les droits de l'Homme (notamment les droits civils et politiques), l'économie de marché, l'intégration des sociétés dans le processus de globalisation, l'auto-détermination et l'idée d'Etat ne constituent pas forcément des valeurs universelles. De plus, la paix libérale n'est pas nécessairement adaptée aux sociétés fragmentées et en conflit. En effet, la démocratie et l'économie de marché sont des forces adverses, voir conflictuelles. Ces valeurs ne sont certes pas problématiques dans les sociétés occidentales stables, possédant des institutions fortes, mais ne sont pas toujours adéquates quant il s'agit de les imposer à des sociétés faibles qui ne bénéficient pas d'institutions stables.

La consolidation et la construction de la paix dans des situations de post-conflit ne sont pas des concepts normatifs neutres, et soulèvent d'importantes questions relativement au rôle des organisations internationales dans la cessation des guerres civiles. Dans certaines circonstances, les valeurs et les approches choisies peuvent empêcher l'établissement d'une paix durable, quand, par exemple, elles encouragent la poursuite d'un agenda économique néo-libéral, ce qui peut exacerber les tensions socio-économiques. La démocratie peut aussi accroître les risques de conflits politiques et  renforcer les divisions sociales. Roland Paris, un des participant au séminaire de Sarajevo, affirme que « le processus de libéralisation politique et économique est par nature instable : il peut accroître les tensions sociales et anéantir les projets de paix durable dans des situations fragiles, qui caractérisent les Etats qui sortent juste d'un conflit interne. » Les représentants de la Bosnie lors du séminaire ont attesté que d'organiser des élections en Bosnie six mois après la fin de la guerre a laissé une trace de nationalisme et d'ethnicité dans la politique. En effet, cela a légitimé la partition de facto du pays.

Le séminaire a traité d'une série d'autres défis posés par la consolidation de la paix, dont notamment:

  • La manière d'évaluer les résultats et  les succès des processus de construction de la paix ;
  • Les difficultés de combiner assistance et cœrcition, dans des situations comme la Bosnie ou l'Afghanistan ;
  • Le fait de savoir si la partition, violente ou pacifique, entre différentes communautés, peut constituer une solution durable ;
  • Si la suspension de la souveraineté, de jure ou de facto, peut être une option ;
  • L'examen des tensions qui existent entre les approches top-down pour achever la sécurité et la stabilité (basées sur les négociations avec les détenteurs du pouvoir local, comme en Bosnie) et les approches fondées sur les communautés qui encouragent l'émergence de responsables politiques modérés.

Le projet mènera à la publication d'un policy brief et l'édition d'un volume spécifique.

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