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Problematique economique et la question des terres

Quoi qu'on dise, le système économique et social mis en place dans cette région a atteint, à bien des égards, le but qui lui était assigné, à savoir restreindre le nombre des migrants et organiser une agriculture de subsistance basée à la fois sur les caractéristiques du sol et les éléments démographiques de l'espace.

De nouvelles variables interviennent parfois brutalement dans cet ensemble. Elles vont poser le problème de la colonisation des terres dans cette partie marginale de la Côte d'Ivoire.

Le Nord-Est de la Côte d'Ivoire est une région agricole par excellence. De ce point de vue, il n'y a rien d'anormal au niveau de la nation. Les problèmes découlent principalement de ce que les incitations de l'Etat à en faire une région de pointe par une diversification, un encadrement et, surtout, une liaison agriculture industrie, n'ont pas donné les résultats espérés, surtout dans le Nord.

L'économie régionale est dominée par deux réalités: les cultures vivrières et l'igname.

Les cultures industrielles. Elles se concentrent principalement au Sud de la région avec les deux spéculations essentielles de la Côte d'Ivoire: le cacao et le café. Dans le département de Bondoukou, ces deux cultures intéressent 75 % des chefs d'exploitation.

Le cacao. La cacaoyère couvre près de 40000 ha dont 30000 sont exploités. La production locale est en moyenne de l'ordre de 30 000 tonnes, soit environ 7 % de la moyenne nationale. Le département de Bondoukou est considéré comme une région traditionnelle de production cacaoyère. En dix ans, la production a plus que doublé en raison de l'amélioration des techniques culturales.

Le café. La caféière couvre plus de 40000 ha dont 32 000 en cours d'exploitation. La production moyenne annuelle est de l'ordre de 10 000 tonnes. Cette plante connait moins de succès que le cacao qui trouve dans cette région des terres qui lui sont particulièrement favorables.

Le coton. Le coton a été introduit après l'indépendance dans le but de diversifier et d'accroître les revenus paysans. La production très faible ne dépasse pas 400 kg/ha alors que la moyenne nationale est de l'ordre de 1000 kg/ha.

Problèmes liés à la culture des plantes industrielles. De nombreux problèmes entravent le développement du cacao, du café et du coton: le premier est celui du vieillissement de la plantation de cacao, 30 % de la cacaoyère ayant plus de 25 ans. Les plantations de moins de 7 ans ne représentent que 20 % de la surface totale. Le programme de régénération n'a pas été respecté comme il se devait en raison de l'insuffisance de la main-d'œuvre dans la partie méridionale. L'action de la Société d'assistance technique et de motorisation de l'agriculture en Côte d'Ivoires (SATMACI) se trouve donc limitée par ces réalités du terrain.

FIG. 3. Atlas du Nord-Est de la Côte d'lvoire (sources: Ministère du Plan. ONPR)

La plantation de café, quoique plus jeune, donne des résultats inférieurs à la moyenne nationale. Les aléas climatiques expliquent aussi cette situation qui défavorise gravement le Nord-Est qui, après avoir été une région agricole de pointe (en ce qui concerne le département de Bondoukou), entre maintenant dans une certaine léthargie.

Le coton exploité par la Compagnie ivoirienne de développement des textiles (CIDT) n'a pas atteint les objectifs recherchés en raison des contraintes particulières de sa production et de l'hostilité des paysans du Nord-Est. La CIDT, sans abandonner complètement le coton, s'occupe de programmes multisectoriels incluant la production vivrière et l'aménagement de l'espace rural dans le cadre de la Société de développement rural (SDR Nord).

Les cultures vivrières. Par leur variété et leur adoption par le paysannat, ces cultures offrent de nouvelles possibilités à cette région.

L'igname vient en tête de toutes les cultures vivrières. Culture traditionnelle koulango adoptée par les Lobi, cette plante ouvre de nouvelles perspectives du fait de la forte demande urbaine. La production régionale est de l'ordre de 200 000 t, soit environ 10 % de la moyenne nationale. La production par habitant est de près de 600 kg contre 400 kg pour la Côte d'Ivoires 90 % des exploitations sont concernées par cette culture qui s'associe avec les céréales.

Le succès de l'igname est tel qu'il est devenu aujourd'hui la première spéculation de la région. L'igname de Bondoukou est bien coté sur le marché abidjanais où la quasitotalité de production est vendue.

Les céréales sont des cultures traditionnelles du pays. Elles se composent du duo milsorgho, du maïs et du riz. Le mil et le sorgho sont restés à un stade très domestique alors que le maïs et le riz font l'objet d'un effort de production accrue. La culture du maïs a été introduite dans la région dès la colonisation mais elle a commencé à progresser sous l'effet de la demande intérieure croissante. Le maïs intéresse aujourd'hui 63 % des exploitations de la région. La production régionale est d'environ 9 000 t, soit 4 % de la moyenne nationale.

Le riz avec ses 4 000 t de paddy ne représente que 1 % de la production nationale mais il fait des progrès sensibles. Cette culture a été accélérée par l'effort d'encadrement de la SODERIZ, aujourd'hui dissoute; et par l'aménagement des basfonds dont la région est abondamment pourvue. 30 % des exploitations dans la région de Bouna sont concernées par cette culture dont le développement est associé au problème de l'eau. Le barrage de la Kpoda, resté pendent longtemps à sec, est maintenant pourvu d'eau. Sa capacité d'irrigation est de 250 ha. Pres de 1 100 ha de bas-fonds aménageables ont été reconnus dans la région.

Le développement de la riziculture est conditionné aussi par la mécanisation à cause de la faibless de la main-d'œuvre. Comme on le sait, la région est déficitaire en maind'œuvre malgré l'immigration lobi et cela, en raison des départs massifs des Koulango, principaux cultivateurs de riz.

Tentative de diversification des ressources agricoles. De nouvelles plantes sont visées par l'activitié rurale.

Le verger arboricole traditionnel fait l'objet de nouvelle initiatives, surtout du côté du karité. Les noix ont été commercialisées dès 1974 chez les fabricants de produits cosmétiques. La région dispose d'un verger de près de 20000 arbres. Malheureusement, cette plante n'a guère dépassé le stade de la cueillette.

La culture du manguier intéresse quelques fonctionnaires vivant à Abidjan mais originaires de la région. La résistance de cet arbre aux aléas climatiques lui attribue des perspectives intéressantes de développement. Des essais ont lieu autour de Bouna et de Bondoukou mais le passage à la phase industrielle ne pourrait intervenir qu'avec l'installation d'une unité de traitement de la mangue.

L'économie du Nord-Est: dualité, mythes et réalités

L'economie du Nord-Est est très discutée tant dans les milieux profanes que spécialisés. Selon un certain courant de l'opinion publique, la région n'offre guère d'intérêt en raison des difficultés du milieu naturel.

D'un autre côté, les difficultés interethniques et leurs développements parfois sanglants ont achevé de noircir le tableau local. On sait maintenant que la région souffre de la dualité de son espace et d'un certain nombre de rendez-vous manqués avec l'économie nationale.

L'aspect dualiste de l'espace. En fait, il y a deux Nord-Est. La partie septentrionale dont l'économie est caractéristique de la savane, et le Sud, le prolongement de l'agriculture de plantation bien représentée au Sud. Les deux sous-régions sont si différentes l'une de l'autre qu'elles ont donné lieu à une polémique à propos de la division administrative. D'aucuns ont prétendu que le Nord-Est devrait se limiter au département de Bouna qui, selon eux, forme une entité à part et comme telle, devrait bénéficier d'un programme spécifique de développement.

La partie méridionale de la région a en effet beaucoup de similitudes avec le pays ami voisin dont l'économie est basée sur le binôme café-cacao. Pourtant, le planificateur a voulu rattacher le pays abron à celui de Bouna probablement pour tenir compte de données historiques, mais aussi pour créer un axe économique Bondoukou-Bouna. L'harmonisation et l'articulation des sous-régions n'ont pas été possibles et, alors que Bondoukou a fait des progrès sensibles, Bouna végète encore.

Les circonstances aggravantes. Certaines réalités de l'économie locale ont posé de façon dramatique des problèmes de développement. La région a manqué le train de la restructuration agricole par l'introduction d'une nouvelle génération de cultures telles que le palmier à huile et l'hévéa. La canne à sucre après quelques années d'études n'a pas pu s'y installer sans doute à cause des problèmes liés à la distance.

Si l'on ajoute à tout cela, l'épuisement du patrimoine forestier au Sud et la dégradation constante des conditions climatiques et pédologiques de l'agriculture au Nord, la situation prend des proportions carrément alarmantes.

Problèmes généraux d'occupation et d'utilisation des terres

Dans une région à faible démographie, on imagine mal comment peut se poser le problème des terres. Il est certain que la question des terres est en rapport avec plusieurs facteurs, notamment la nature de l'agriculture, les habitudes culturales et les aptitudes des formations pédoclimatiques.

L'agriculture traditionnelle a tenu compte de la fragilité des sols. Les sols sont en général très sensibles à l'érosion et menacés d'induration. Du fait de leur pauvreté, ils ne peuvent supporter de façon continue la culture des plantes vivrières. C'est ce qui explique à la fois l'itinérance des chefs d'exploitation et la longueur des jachères qui pouvaient, il y a maintenant plusieurs décennies, durer de 4 à 20 ans.

Les informateurs lobi et koulango ont, à propos des sols et des problèmes posés à l'agriculture, donné quelques détails intéressants. Ils ont trait à la manière de localiser la valeur des sols par l'observation de certaines variétés de graminées et la couleur des horizons supérieurs. Les cultivateurs sont très attentifs au niveau annuel des récoltes. Dès qu'une baisse sensible intervient, c'est le signal de départ pour la recherche d'autres parcelles cultivables. Le cycle cultural quadriennal classique est le suivant:

1re année: Ignames + condiments divers
2e année: Mais-sorgho + légumes divers (notamment haricot et arachide)
3e année: Maïs-mil + légumes divers
4e année: Maïs-mil + légumes divers

Se année: début de la jachère.

Ce type d'agriculture est bien adapté à la faiblesse des densités et du niveau de la production. Les changements de conjoncture démographique et alimentaire vont introduire des problèmes nouveaux de dégradation des sols dont il sera question plus tard.

Le développement de la culture de l'igname et ses conséquences pour le système spatio-économique du Nord-Est. L'observation du cycle cultural montre que traditionnellement les céréales ont une plus grande fréquence dans la rotation des cultures. L'igname qui demande des sols meubles et moins appauvris n'est cité qu'une fois dans le cycle. La production massive de l'igname du fait du développement de la demande, va changer les données régionales. Les Lobi qui ont adopté l'igname et qui trouvent dans cette culture des sources de revenu vont errer à la recherche de terres convenables. La jachère va donc se raccourcir et exposer ainsi le milieu à des risques de dégradation accrus.

Les raisons des migrations constantes des Lobi ont fait l'objet de nombreuses versions. On a évoqué toutes sortes d'explications, notamment psychologiques et idéologiques. Il est vrai que les paysans lobi sont extrêmement portés à faire une interprétation mystique des choses. C'est ainsi que des décès suspects ou provoqués par des épidémies peuvent être considérés comme un avertissement des divinités et donner l'occasion d'un départ.

Aujourd'hui, il semble bien que les raisons économiques expliquent le mieux l'instabilité de la population. Cette observation est étayée par ce que les Lobi disent des conditions d'exploitation des terres. Notre informateur raconte:

"Le problème est certes moins grave ici qu'à Gaoua d'où nous sommes venus mais il nous est pratiquement impossible de rester toujours sur place comme on nous le demande. Du côté de Vonkoro, près de la vallée, les mouches détruisent les animaux et empêchent les hommes de travailler; autour de Doropo, Varalé et Bouna, l'eau n'est pas toujours abondante et la terre, depuis quelques années, n'est plus généreuse. Nous sommes contraints d'aller à la recherche de bonnes terres vers le Sud, dans des conditions très difficiles parfois".

Il semble que les contraintes de la culture d'igname, les problèmes climatiques et sanitaires conditionnent les migrations. La section II de cette étude a pour objectif d'analyser l'impact de cette instabilité sur l'occupation et l'utilisation des terres.

La variable lobi dans l'occupation actuelle des terres

La descente lobi vers le Sud n'est pas sans poser des problèmes d'occupation des terres et de rapports interethniques.

Les grands axes migratoires. Les descentes lobi se font généralement le long des voies de pénétration. Pendant longtemps, les axes routiers Doropo-Bouna et BounaBondoukou ont orienté cette pénétration. Aujourd'hui, on assiste à une diversification des voies.

Le Nord de Bouna. Deux grands axes:
(i) Doropo-Bouna en passant par Varale, premier centre d'expérience de fixation lobi;
(ii) Varalé-Ouango-Fitini autour du Parc national de la Comoé.

Ces deux premières directions n'ont pas connu un grand développement à cause du barrage que constitue la réserve intégrale de la Comoé.

Le Sud de Bouna. Surtout à partir de 1970, les infiltrations se font plus fréquentes au Sud de Bouna. D'abord en direction de la zone Kolodio-Binéda, ensuite selon deux autres axes l'un conduisant à Nassian et dans les environs; l'autre le long de la frontière du Ghana. (cf. croquis: Développement des infiltrations lobi). Les terres frontralières sont d'accès difficile tant du côté de Bouna que de celui de Bondoukou. Au Nord de Tambi, à la hauteur de Tagadi, Poukoubé et Débango, on trouve des contrées presque vides d'hommes. On comprend pourquoi ces régions ont attiré les colons lobi qui ont le souci d'échapper à l'hostilité des terriens.

Les paysans lobi autour de Bondoukou. Les migrations paysannes en provenance du Nord ont maintenant atteint et dépasse le 8e parallèle. Les buttes lobi apparaissent dans les cantons de Soko, Goumére et Dadiassé. De nouveaux problèmes se posent au contact des zones denses.

Les confrontations foncières. Le contexte qui prévalait jusqu'en 1970 à notablement changé, parfois même radicalement, et cela, pour plusieurs raisons: le développement de l'agriculture vivrière et surtout le passage de l'igname du statut domestique au statut marchand. Les Koulango se sont trouvés rapidement débordés par les nouveaux arrivants. Les maîtres de terres se sont donc montrés de plus en plus exigeants dès la fin de la première décennie du développement. Le problème posé trouve une certaine complication dans le comportement indépendant d'une frange de la population lobi, surtout parmi les jeunes.

C'est dans ce contexte qu'il faut placer les confrontations foncières qui ont lieu dans la région. Les autorités administratives et judiciaires de la région sont de temps en temps secouées par des affrontements mettant aux prises colons lobi et terriens. Pour comprendre la situation créée, il faut se référer au grand itinéraire lobi. Au Sud de la zone Kolodio-Bineda, les colons lobi prennent deux directions: l'une vers la frontière ghanéenne. Comme nous l'avons signalé plus haut, ce secteur est relativement sans problème. Dans la région de Tagadi, les paysans Koulango nous ont informé de leur acceptation totale de la présence lobi.

La seconde direction est du côté de Nassian où les conditions sont différentes. Dans ce secteur, l'humanisation des terroirs est plus intense grâce à une densité de 10 hab./km2. Il faut ajouter à cela que la présence de sols de qualité moyenne mais supérieure à ceux du Nord accélère les implantations koulango.

Si les infiltrations dans le pays de Nassian se heurtent à des difficultés, elles se trouvent en face d'un véritable écran du côté de Sandégué où commencent les plantations de café et de cacao. Aujourd'hui, les itinéraires tentent de contourner ces secteurs, notamment à l'Est.

La présence des colons lobi autour du 8e parallèle n'est pas encore massive. Certains chefs de terre ont même accepté de les accueillir dans les jachères ou les parcelles appauvries. Si les conflits se développent c'est à cause des mauvais rapports de voisinage et de l'image de marque attribuée aux colons lobi. Dans plusieurs régions, des conflits sanglants sont nés de vols de récoltes et de bétail attribués aux nouveaux occupants.

Il existe de la part des habitants des alentours de Bondoukou une très grande méfiance à l'égard des immigrants qu'ils soupçonnent souvent de pratique de sorcellerie, de brigandage et de profanation des lieux sacrés.

On peut donc tenter de résumer en quelques observations les axes majeurs du problème foncier dans le Nord-Est du pays.

(i) Le Nord-Est demeure encore terre d'accueil des migrants mais la conjoncture économique et sociale a changé en raison de la grande place que les nouveaux venus prennent dans la production;
(ii) La place récente prise par certaines denrées agricoles, surtout l'igname, accélère la consommation de l'espace et pose déjà la question des rapports hommesterres disponibles;
(iii) C'est donc dans ce contexte qu'il faut placer la crise foncière naissante et le développement de conflits plus ou moins violents au Sud du 8e parallèle.

A vrai dire, l'intervention de la puissance publique a toujours visé la stabilisation et l'amélioration de l'agriculture. Elle n'a jamais obtenu les résultats programmés mais elle reste d'une grande actualité.

Les initiatives publiques et les nouvelles conditions du développement dans le nord-est

Quoique n'ayant pas été l'objet d'actions spectaculaires, la région a toujours préoccupé les organes de planification qui ont mis au centre de la problématique du développement, la question de la stabilisation de l'agriculture dans la savane.

Au regard de la mentalité de base des populations lobi, cette stabilisation pose de sérieux problèmes que nous tenterons d'analyser dans cette partie de l'étude.

Quelques années après l'indépendance du pays, les services techniques de l'agriculture se sont préoccupés de moderniser et de stabiliser l'agriculture. De 1963 à 1980, deux projets ont vu le jour: l'opération de Varalé au Nord de Bouna et l'opération dite Zone Koladia-Bineda (ZKB) au Sud.

Le secteur pilote de Varalé

C'est en 1963 qu'exécutant sur le terrain les recommandations du Plan concernant la restructuration régionale et la consolidation des pays de savane, le Ministère de l'agriculture a mis en route le projet Varalé. L'objectif est d'exploiter les migrations lobi en provenance de la Haute-Volta.

Conception du Projet. L'opération est agropastorale car les conditions semblent réunies pour sa réussite. Nous avons sur le terrain des paysans courageux, amoureux non seulement de la terre, mais aussi, et cela est assez rare en Côte d'Ivoire, des animaux. Il suffit de parcourir le pays lobi pour s'en rendre compte de par l'extraordinaire fréquence des parcs à bœufs. Il s'agissait donc de créer des exploitations capables d'associer l'élevage et l'agriculture et, du coup, de lancer l'utilisation de la force animale à des fins de production. Le projet pilote reposait sur quatre éléments: le coton, le riz, le stylosanthès et le bœuf. La présence du stylosanthès, légumineuse utilisée comme plante de couverture, marque le souci des responsables du projet de prévenir la dégradation des sols et d'en assurer l'enrichissement. Cette plante entrera plus tard dans d'autres projets destinés aux savanes, notamment dans celui de l'Autorité pour l'aménagement de la vallée du Bandama (AVB).

Mise en route et résultats du projet. Ce groupe n'a plus reçu de financement. Pourtant, les parcelles ont été choisies à l'issue de nombreuses prospections pédologi ques et aménagées. Un centre de dressage des animaux a été installé. Quelques colons lobi ont accepté de participer au projet. Qu'est-ce qui a motivé l'arrêt de ce projet dans lequel beaucoup d'espoirs ont été placés?

FIG. 4. Les principaux axes de migration Lobi et les aires de confrontations foncières

Le premier facteur qui a joué négativement est sans doute l'instabilité de la population. Dans ce genre d'opération, c'est bien connu, il faut un minimum d'approvisionnement en force de travail. Le nombre optimal de chefs d'exploitation attendu n'a pas été réuni. D'un autre côté, les paysans locaux n'ont pas adhéré au programme coton qui constituait un volet important du projet.

Le coton a toujours posé un problème dans un milieu marqué par l'instabilité. C'est une culture qui exige assiduité et discipline et qui ne saurait s'accommoder de l'itinérance. Après quelques années d'essai, la Compagnie française de développement des textiles (CFET) s'en est rendu compte.

Mais le coup de grâce a été porté au projet par de graves litiges opposant Koulango et Lobi à propos de l'institution du domaine foncier propre à l'opération.

L'aménagement de la zone Kolodio-Binéda

L'opération Kolodio-Binéda a suscité de grands espoirs après l'échec de l'aménagement du secteur de Valaré. Voyons sa conception et son exécution.

Conception du projet. L'opération ZKB prend comme celle de Varalé, la formule agropastorale. Ses objectifs sont:

(i) préparer les surfaces cultivables localisées après prospection pédologique;
(ii) mettre en place des exploitations intégrant élévage et agriculture;
(iii) canaliser les flux migratoires et fixer les populations;
(iv) mettre en place une véritable action de développement en responsabilisant les chefs d'exploitation.

Dans la pratique, il s'agissait de désengager la zone dense située entre Doropo et Bouna et d'asseoir une agriculture viable sur des terres bonifiées par la généralisation de la rotation incluant le coton. Le projet prévoyait ensuite la création de villages sur lotissement et l'établissement d'un réseau de pistes capables de désenclaver la région.

Mise en route et résultats. Dès septembre 1967, la première piste a été ouverte vers la zone à partir de Bouna. Le réseau de pistes que l'on a prevu ne verra malheureusement pas le jour.

De 1967 à 1968, une mission de prospection a permis de dégager 300 ha de terres favorables à l'agriculture. La MOTORAGRI en a défriché 150. Les plates-formes aménagées revenaient aux chefs d'exploitation régulièrement inscrits.

Malheureusement, le peuplement de la zone n'a pas suivi le plan arrêté. Non seulement il a été lent mais, surtout, de nombreuses défections sont venues affaiblir la capacité des colons à mettre en valeur les parcelles aménagées (tableau 2).

TABLEAU 2. La situation démographique de la zone selon le recensement de 1975

Nom des villages Année de création Population totale Nombre de familles Adultes Enfants d'âge scol.
1) Ondéfidous 1970 1 200 103 351 849
2) Tessedouo 1970 500 45 157 343
3) Sepidouo 1971 900 80 245 655
3) Katiédouo 1972 250 25 90 160
5) Sayalédouo 1972 177 60 67 110
Total 1975 3027 313 910 2117
Totala 1984 2585 282 802 1929

aNotre enquête de septembre 1984.

Les résultats enregistrés par le projet appellent plusieurs remarques:

(i) Seuls cinq villages ont pu être créés de 1970 à 1972; c'est le signe que l'approvisionnement humain du projet ne s'est pas réalisé comme prévu. On constate d'un autre côté que l'évolution démographique des villages n'est pas régulière. En 1975, seul Ondéfidouo se présente comme la plus importante localité de la zone.

(ii) Cette situation va naturellement avoir une influence néfaste sur la capacité de mise en culture des parcelles cédées par le projet. La situation devient encore plus préoccupante au regard des chiffres d'aujourd'hui, qui montrent que la population a diminué à la suite des départs vers le Sud. De nombreuses platesformes sont abandonnées à la brousse autour des principaux villages.

(iii) Sur le plan purement agricole, les paysans n'ont pas adopté le système cultural moderne intégrant l'élevage, le riz et le stylosanthès. Ils sont retournés à la culture de l'igname qui, comme nous l'avons souligné, a l'inconvénient d'exiger constamment des sols neufs.

Au total, le projet est bloqué du fait de la faible intégration des populations et de l'insuffisance de financement. L'équipement socio-collectif est particulièrement défaillant. A Ondéfidouo, une équipe de volontaires allemands apporte des soins de santé aux populations mais cela n'est guère suffisant par rapport aux besoins.


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