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Considérations sur l'avenir de l'agroforesterie

La mise en œuvre des systèmes de production agroforestiers
Le point de vue du PNUE sur l'agroforesterie
L'agroforesterie au Kenya: Perspectives et problèmes
L'agroforestier aux pieds nus: Un catalyseur possible
Gliricidia sepium: Un moyen possible en vue d'une production agricole soutenue
Le rôle des arbres dans les systèmes de production et de consommation des populations rurales du Sénégal
Résumé de la discussion: Considérations sur l'avenir de l'agroforesterie

La mise en œuvre des systèmes de production agroforestiers

T. M. Catterson
Service de politique et planification, Département des forêts, FAO, Rome, Italie

Résumé

L'auteur considère l'agroforesterie comme un système de production issu d'une harmonisation entre besoins des populations et ressources disponibles. Il émet l'idée que la mise en œuvre de l'agroforesterie en tant que stratégie de développement doit passer du stade actuel d'expérimentation et de démonstration à des réalisations en vraie grandeur. Il fait ressortir que, alors que des efforts considérables de recherche ont été consacrés à définir les dimensions biophysiques des systèmes agroforestiers, d'autres éléments ont été perdus de vue. Il s'agit des facteurs institutionnels, administratifs, politiques et socioéconomiques, qui fourniront en définitive le cadre des systèmes de production agroforestiers, Afin de bien comprendre ce cadre et d'y réagir, il faut dès maintenant entreprendre des réalisations sur le terrain; il est évident que le seuil du décollage de l'agroforesterie est atteint.

L'auteur examine ensuite en détail les éléments constituants d'un système de production agroforestier. Au cœur de la réalisation se trouvent les décisions politiques du gouvernement et une reconnaissance de l'agroforesterie en tant que forme possible de mise en valeur. Ce qu'il faut, ce sont des objectifs et programmes à court, moyen et long terme. Pour aider aux prises de décisions, une information de base étendue et diversifiée sera nécessaire. Lorsqu'on définit les besoins et les souhaits des populations rurales, on ne saurait trop souligner la nécessité de les faire participer et de les organiser. Pour réaliser le programme sur le terrain, il faudra une intégration administrative conduisant à la coopération et à la coordination entre services étatiques, ainsi qu'une législation et une réglementation appropriées. Les ressources financières nécessaires à l'exécution des plans et programmes devront être assurées. Une formation adéquate du personnel, organisée en un programme efficace de vulgarisation, est nécessaire. Lorsqu'on demande aux paysans de prendre des risques par rapport à un équilibre économique fragile, il faut envisager des incitations, des garanties et des aides financières.

Certaines caractéristiques d'un ensemble de techniques agroforestières sont également discutées en termes généraux. L'analyse économique des projets agroforestiers en conditions de terrain est d'une importance capitale. Elle doit être menée en tenant compte des coûts d'option a consentir pour la déstabilisation socio-économique et la dégradation de l'environnement.

Dans une dernière section l'auteur rappelle brièvement les activités du Département des forêts de la FAO en matière d'agroforesterie, en mettant en lumière celles du programme régulier et du programme de terrain ainsi que le programme financé sur fonds de dépôt: « La forêt au service du développement des collectivités locales ».

Introduction

L'agroforesterie, comme son nom l'indique, associe agriculture et forêt dans un même système de culture ou de production. En tant que forme de mise en valeur, elle a son origine dans les besoins divers de l'agriculteur et les ressources naturelles dont il dispose, qui ne peuvent être conciliés simplement par les systèmes de cultures vivrières labourées traditionnels. Elle a pour objectifs l'amélioration du niveau de vie d'agriculteurs au stade de subsistance grâce à une utilisation plus productive des ressources en terres et en arbres, et le remplacement de systèmes de production qui empêchent plus qu'ils ne favorisent la conservation du sol et des eaux.

Cette orientation, notamment lorsqu'elle s'applique a l'agriculture itinérante, est riche de promesses pour l'avenir. Il ne s'agit pas de faire disparaître la culture itinérante ou de la bannir des vastes zones forestières dans lesquelles elle est actuellement pratiquée, mais bien d'élaborer des systèmes de mise en valeur durables qui satisfassent les besoins essentiels de nourriture et autres des populations tout en maintenant la stabilité indispensable de l'environnement. Les potentialités de I'agroforesterie sont particulièrement évidentes dans les bassins versants montagneux où la culture itinérante détruit le couvert forestier. Les effets s'en font sentir bien au-delà des limites des humbles lopins des pauvres gens qui doivent couper et brûler la forêt pour produire de quoi manger. En aval, les projets de mise en valeur agricole de même que les barrages hydroélectriques peuvent se trouver menacés par un régime des eaux instable et un alluvionnement intense. Dans le passé, on s'est efforcé de déloger les cultivateurs itinérants des bassins versants boisés dangereux, et on a parfois tenté de les réinstaller ailleurs. La rareté des terres pouvant convenir à cette réinstallation, et l'inacceptabilité socioculturelle de beaucoup de ces programmes, ont conduit les responsables à considérer l'installation des cultivateurs sur place comme une possibilité viable si leur système de production permet non seulement de satisfaire leurs besoins essentiels mais en même temps de conserver les ressources en sol et en eau.

L'agroforesterie en tant que formule de développement peut satisfaire à ces exigences. Son aptitude à répondre aux besoins essentiels est grande. Une séparation rigide entre agriculture et forêt a eu pour conséquence, par exemple, d'engendrer une pénurie de bois dans bien des régions à travers le monde. Dans beaucoup de terres arides le couvert arborescent qui subsistait a été décimé, et ne peut plus répondre aux besoins locaux en énergie, c'est-à-dire en bois de feu et charbon de bois. L'agroforesterie peut résoudre le problème du bois de feu, et les arbres peuvent procurer une amélioration de l'environnement dont bénéficiera l'agriculture, par exemple en constituant un brise-vent qui ralentira l'évaporation de l'eau du sol. Les arbres enrichissent le sol en matière organique par leur litière, et en fournissant du bois de feu ils permettent aux déchets agricoles et au fumier de faire retour au sol au lieu d'être brûlés. Tout en renforçant les écosystèmes relativement fragiles dont dépend l'agriculture des zones arides, I'agroforesterie peut contribuer à satisfaire les besoins fourragers, fournir des matériaux pour les constructions rurales, et procurer des matières premières pour des industries forestières locales (comme dans le cas de la gomme arabique).

On a consacré beaucoup d'efforts à rassembler des informations sur les arbres et les plantes de culture, et à identifier les associations biologiques se prêtant à l'élaboration de nouvelles formes appropriées de mise en valeur des terres. Le temps est venu d'y ajouter les autres dimensions nécessaires qui permettront à l'agroforesterie de prendre sa juste place comme système de production viable.

Les éléments constituants de l'agroforesterie

Les composantes d'un système de production agroforestier valable se trouvent bien au-delà des limites des champs labourés et semés. Elles comprennent les gouvernements, qui doivent adopter une politique et une volonté d'action favorables aux projets d'agroforesterie. Actuellement les autorités officielles, dans les tropiques humides, se concentrent sur l'exploitation forestière et sur la colonisation agricole. Les forêts, toutefois, ont souvent été exploitées de manière destructrice, et leur production soutenue, telle qu'elle est prévue dans les plans d'aménagement, est une utopie. Les écosystèmes forestiers tropicaux sont encore trop mal connus, et l'exploitation sélective qui y est pratiquée contraste vivement avec la riche diversité d'essences qu'ils renferment. Les défrichements qui ont été faits dans le cadre des projets de colonisation agricole dans les tropiques humides n'ont le plus souvent signifié qu'une institutionnalisation de l'agriculture de subsistance, de la pauvreté et de la culture itinérante. La politique gouvernementale doit chercher à réaliser des projets forestiers et agricoles dont le principe fondamental soit la sage administration de la terre et de ses ressources.

Une politique officielle d'intégration de l'agriculture et de la forêt doit reconnaître explicitement que l'agroforesterie est un mode d'utilisation des terres à prendre en compte dans la planification de l'aménagement. Un aménagement qui classerait les terres simplement en terres à vocation agricole ou à vocation forestière devrait être révisé. Cette révision est particulièrement importante dans les régions tropicales humides de basse altitude, où les potentialités des sols fragiles les feraient classer comme aptes uniquement à la forêt, alors que de plus en plus de terres forestières sont défrichées pour faire place à l'agriculture. Dans les bassins versants montagneux des tropiques, les terres en pente sont, par routine, décrites comme terres forestières, en dépit de la disparition à peu près totale du couvert boisé dont il ne reste que de rares vestiges. Une meilleure compréhension du rôle des arbres et du couvert forestier pourra conduire à un aménagement des terres qui tienne compte du prudent équilibre nécessaire pour satisfaire les besoins en nourriture, en combustible, en fourrage et autres. Une approche novatrice de l'aménagement des terres qui tienne compte de l'agroforesterie pourra concilier les besoins des populations locales avec la nécessité de mesures d'intérêt général de conservation de l'environnement telles que la lutte contre l'érosion, la protection des bassins versants, et l'arrêt de la désertification. A présent, les tentatives de stabilisation de l'environnement sont dispersées, et ont peu de chances d'atteindre un volume suffisant avant que des actions de restauration, et non plus d'aménagement, ne soient devenues la seule issue possible.

Pour l'application pratique de l'aménagement des terres, les informations dont disposent les responsables devront être élargies. Des données traditionnelles telles qu'inventaires forestiers et cartes pédologiques devront être complétées par des informations plus précises sur la pression démographique dans les zones concernées, les modes d'utilisation actuels, le rythme d'aliénation des terres forestières, ainsi que sur les pratiques, besoins et aspirations des populations rurales. L'aménagement des terres doit tenir compte des gens qui les utilisent. Il n'y a pas de meilleur moyen de discuter des besoins des gens que de les interroger; de même, le meilleur moyen d'instaurer un dialogue utile est de faire participer les gens à l'édification de structures efficaces pour les services d'assistance technique et financière. La Conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural a appelé les organismes de développement à encourager l'organisation des populations rurales et leur participation aux efforts visant à les faire accéder à l'indépendance économique. Les hommes sont l'élément central de l'agroforesterie, et c'est seulement en les faisant participer depuis la planification jusqu'à la réalisation que les organismes officiels, et notamment les services forestiers, pourront espérer répondre aux besoins de ceux qui sont appelés à devenir leurs principaux interlocuteurs.

Les organismes officiels chargés de promouvoir l'agroforesterie doivent coordonner leurs actions. La séparation entre agriculture et forêt, dont l'origine remonte à des textes législatifs arrêtés il y a bien des années, est un obstacle majeur aux projets agroforestiers. Par exemple, certains agriculteurs qui cultivent des terres forestières se voient refuser l'assistance technique et financière dont ils ont besoin pour entreprendre l'agroforesterie. Dans d'autres cas, la culture itinérante est sommairement rejetée par la loi, et elle est vouée à l'extirpation plutôt qu'à l'amélioration. De telles lois ont un effet négatif, et doivent être remplacées par une législation qui donne sa juste place à l'agroforesterie. Dans un premier temps, chaque pays pourrait examiner la législation en vigueur en vue de déterminer si elle en empêche ou en favorise la pratique (voir l'exposé d'Adeyoju dans le présent volume, p. 00).

Si l'agriculture et la forêt sont considérées comme des formes d'utilisation des terres concurrentes, les administrations qui en sont responsables sont souvent rivales également. Une politique officielle résolument orientée vers le développement agroforestier doit, pour réussir, surmonter ces difficultés. De plus, constituant un pas vers le développement rural intégré, la promotion de l'agroforesterie peut mettre en jeu, outre les services agricoles et forestiers, d'autres organismes tels que le ministère du plan, les services de réforme agraire, les instituts de recherche agronomique et forestière, les institutions de crédit agricole, etc. Toutes ces institutions, lorsqu'il y a lieu, doivent concourir dans une approche globale pour concrétiser l'agroforesterie au-delà des actions d'expérimentation et de démonstration actuellement en cours dans de nombreux pays. La coordination et la coopération doivent s'étendre du haut en bas de la hiérarchie, jusqu'aux agents de vulgarisation notamment, afin d'éviter qu'ils ne se disputent l'intérêt et les maigres ressources de la clientèle paysanne. Embrasser l'agroforesterie comme politique de développement implique que l'on s'assure les ressources financières nécessaires pour mettre en œuvre les programmes prévus.

Pour remédier au divorce entre agriculture et forêt, ce sont sans doute les universités et centres de formation qui peuvent avoir l'action la plus efficace. A présent, la formation que reçoivent forestiers et agronomes ne mentionne que peu ou ignore les potentialités de l'agroforesterie et le rôle qu'ils peuvent y jouer. Au niveau universitaire, un appui à l'agroforesterie peut être apporté par des changements dans les programmes de cours, reflétant la politique décidée par le gouvernement, les activités sur le terrain, et les résultats de la recherche en cours. Une formation appropriée est particulièrement importante pour les personnels techniques qui, du fait que leur formation est souvent plus pratique que théorique, éprouvent le plus de difficulté - et auraient sans doute le plus souvent l'occasion de le faire - à répondre à des demandes qui sortent du cadre défini de leurs attributions. Pour des généralistes de niveau universitaire, qu'ils soient forestiers ou agronomes, des notions générales d'agroforesterie peuvent être suffisantes. Lorsqu'il s'agit de réaliser un programme précis, les agents de vulgarisation au niveau des collectivités locales doivent recevoir une formation plus explicite concernant le programme qu'ils sont censés mener à bonne fin, leur donnant une notion claire de la place de l'agroforesterie dans les plans nationaux de développement rural, de leur rôle individuel dans cet effort et du rôle des autres, et de l'assistance technique et financière qu'il faut y apporter.

Un personnel bien formé est une condition essentielle du succès des projets de développement de l'agroforesterie, mais son travail doit être soigneusement organisé dans le cadre d'un programme de vulgarisation. Si nous insistons sur ce point, c'est que trop souvent des programmes techniques bien conçus ne parviennent pas à combler le fossé qui existe dans la communication entre services étatiques et populations rurales pauvres. Il est peu probable que les cultivateurs itinérants et autres groupes déshérités admettent que du jour au lendemain ceux qui étaient leurs adversaires, et qui cherchaient ouvertement à les chasser de la forêt, soient devenus leurs bienfaiteurs; un programme de vulgarisation destiné à instaurer un dialogue et à obtenir la participation de la population peut y aider. La philosophie de la vulgarisation doit être d'éduquer plutôt que de réformer. Ses objectifs doivent être bien définis et portés à la connaissance des populations rurales concernées, et bien compris par elles; la nécessité d'une participation et d'un dialogue ne saurait être trop soulignée. La clé d'un bon fonctionnement est un personnel bien formé et motivé, conscient de ses responsabilités à l'égard de ses interlocuteurs ruraux. Le contexte socio-culturel de l'agroforesterie dans la collectivité locale doit être pris en compte. Les programmes doivent viser à ne pas rompre la fragile maîtrise que les paysans ont sur la stabilité économique ou, s'il y a un risque à cet égard, fournir les garanties, les incitations et les aides financières nécessaires. Les éléments éducatifs d'un programme doivent être appuyés par des démonstrations appropriées.

Avant de réunir un ensemble de techniques agroforestières pour les diffuser auprès des populations rurales, il faut commencer par examiner les pratiques courantes dans le pays. Un changement radical peut être nécessaire, mais lorsqu'il est justifié il faut rechercher les autres contraintes qui pourraient freiner le développement rural. L'agroforesterie n'est pas une panacée; les autres problèmes tels que la répartition inéquitable des terres, la désorganisation des circuits de distribution et de commercialisation, le manque d'infrastructures rurales, et les questions plus larges de développement national, ne peuvent pas être simplement laissés de côté. La structure des collectivités locales et l'économie d'une région ne doivent pas être admises comme allant de soi. Il faut fixer des objectifs à réaliser à court, moyen et long terme, traduisant les besoins des populations concernées et les possibilités d'amélioration continue de leur niveau de vie. Un projet agroforestier doit avoir pour complément un aménagement forestier au sens classique du terme, de sorte que toutes les potentialités de la mosaïque de forêts et de terres agricoles soient utilisées au mieux. Il faut également que des circuits de distribution et de commercialisation soient organisés pour que les paysans puissent s'élever au-dessus du niveau de subsistance.

On manque encore de données sur les coûts et profits des activités agroforestières, nécessaires pour calculer le taux de rentabilité interne, élaborer des programmes de crédit aux agriculteurs, et faire des prévisions d'investissements à grande échelle, nationaux ou internationaux. Les chiffres préliminaires dont on dispose sont encourageants, en particulier si on les considère sous l'angle des coûts d'option, tels que la déstabilisation économique d'un grand nombre de ruraux pauvres, ou la dégradation écologique avec ses effets en aval. Il faudra davantage de données sur les activités économiques des paysans des zones forestières tropicales, telles que consommation de bois de feu, utilisation de produits ligneux, production agricole non améliorée, offre et demande de menus produits forestiers, pour compléter l'analyse économique des projets agroforestiers qui est indispensable pour une réalisation à grande échelle.

Contribution de la FAO à l'agroforesterie

Bien qu'intimement mêlées et s'épaulant mutuellement, les activités de la FAO en matière d'agroforesterie peuvent se diviser en deux catégories: les travaux du programme régulier- essentiellement ceux effectués par le siège ou par son intermédiaire - et les activités du programme de travaux sur le terrain ou les projets par pays exécutés par la FAO, avec diverses sources de financement externe et interne.

Programme régulier

L'agroforesterie reçoit depuis longtemps un soutien au titre du programme régulier du Département des forêts de la FAO. En fait, lors des premières sessions du Comité FAO de mise en valeur des forêts dans les tropiques (1967 et 1969), les potentialités des systèmes agroforestiers pour l'amélioration de la culture itinérante ont été mentionnées. Vers la fin des années soixante-dix, I'agrosylviculture et la forêt au service du développement communautaire furent adoptées comme sujets de sous-programmes concertés dans le cadre du programme régulier du Département des forêts. Ces sous-programmes faisaient partie d'un effort plus vaste visant à regrouper au sein du département un programme intitulé « La forêt au service du développement des collectivités locales », dont l'agroforesterie est une composante importante. La décision d'intensifier les efforts dans ce domaine de la foresterie a été prise à la suite de la reconnaissance du rôle très important que la forêt peut jouer pour améliorer la condition des ruraux pauvres dans les pays en développement. Plus de 1500 millions de personnes sont tributaires du bois pour cuire leur nourriture quotidienne. Des centaines de millions de personnes vivent dans la forêt et en dépendent pour leur nourriture même. Convenablement aménagées, les forêts peuvent satisfaire nombre de besoins essentiels, améliorer les revenus et le bien-être des gens, et contribuer à maintenir l'environnement indispensable à une production végétale et animale continue.

Au cours de la période biennale 1978-1979, un effort particulier a été consacré au rassemblement d'une bonne information de base sur le rôle de la forêt dans le développement des collectivités rurales en vue des actions futures, et à la diffusion de cette information. Deux publications, « Le rôle des forêts dans le développement des collectivités locales » et « La forêt au service des communautés rurales », ont été éditées, la seconde en trois langues et la première en quatre langues, dont l'arabe. Un inventaire récent de stocks a révélé que plus de 14 000 exemplaires de ces deux documents ont été distribués dans le monde entier. Trois séminaires, pour les pays hispanophones, anglophones et francophones, ont eu lieu aux fins d'accroître les échanges d'expériences et d'informations entre pays. Le thème de l'agroforesterie occupait une place prédominante dans toutes ces manifestations. Des études plus spécifiques, analysant les facteurs techniques, économiques et sociaux responsables de la réussite des systèmes agro-sylvo-pastoraux existants, furent entreprises pour des systèmes choisis en Asie méridionale et en Afrique centrale; les rapports pertinents se trouvent maintenant à la FAO. Les expériences d'agroforesterie ont été mises en vedette lors de voyages d'étude organisés à l'intention de forestiers de pays en développement en Asie et en Amérique latine.

Fin 1979, un important programme FAO/SIDA (Office central suédois pour l'aide au développement international) sur fonds de dépôt, intitulé « La forêt au service du développement des collectivités locales », est devenu opérationnel. Ce programme, d'une durée prévue de cinq ans, est destiné à aider les pays à stimuler le développement forestier communautaire par des actions à petite échelle servant de catalyseurs. Trois catégories d'actions sont prévues: des petits projets a effet rapide sur le terrain pour lancer ou renforcer des projets ou programmes à plus grande échelle; des colloques, séminaires et stages de formation destinés à accélérer le transfert de connaissances sur la foresterie communautaire; et enfin un soutien à la FAO dans l'élaboration de documentations et matériels pédagogiques pour les besoins du terrain et des stages de formation. Les activités de terrain pouvant recevoir un appui au titre de ce programme sont, entre autres, les suivantes:

Outre la documentation, et les séminaires, voyages d'étude et projets de terrain réalisés dans le cadre du programme, une diffusion de l'information et des activités connexes sont entreprises. Elles comprennent:

Le programme FAO/SIDA « La forêt au service du développement des collectivités locales » se poursuivra pendant un certain nombre d'années. Les projets de terrain, la diffusion de l'information et les activités connexes continueront de se développer, et I'agroforesterie restera un élément important du programme.

Au cours de la période biennale 1980-1981, la forêt au service du développement rural a été élevée au rang de programme, pour répondre à l'importance accordée par la Conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural à la diversification des activités économiques rurales, y compris le développement forestier intégré. L'objectif que s'est fixé le programme est de développer et renforcer les activités forestières et connexes qui contribuent à un développement rural sain et à la satisfaction des besoins des ruraux pauvres.

Bien que l'on ait accordé une grande attention aux problèmes de caractère institutionnel qui restreignent les actions forestières au service du développement rural, I'agroforesterie a maintenu sa prééminence. L'élément le plus pertinent du programme est une étude à long terme sur la production alimentaire tirée de la forêt. L'aménagement des terres sous les tropiques est le sujet d'un manuel en préparation. En outre, un effort considérable a été consacré à l'utilisation de la faune sauvage et à l'aménagement de ses ressources au niveau du village, élargissant ainsi les perspectives de contribution de la forêt au développement rural. Une grande partie des ressources du programme régulier pour l'agroforesterie va à des actions d'appui aux activités à grande échelle du fonds de dépôt.

Les prévisions de programme et de budget pour la période biennale 1982-1983 reflètent la permanence de cette orientation vers la forêt au service du développement rural et vers l'agroforesterie. Les objectifs du programme démontrent clairement l'attitude générale de la FAO à l'égard de ces importantes orientations du développement. Ils comprennent:

Une première ébauche de plan d'action pour cette période biennale met l'accent sur l'approche par systèmes adoptée par le Département des forêts de la FAO pour promouvoir la foresterie communautaire. Le travail se poursuivra sur l'identification de systèmes efficaces pour la foresterie au niveau des collectivités. Les études de cas d'expériences réussies de foresterie communautaire seront étendues, et une analyse comparative sera amorcée en vue de préciser les principes et les conditions de succès requises. Le travail antérieurement effectué sur la planification des projets sera étendu à l'élaboration de directives pour la conception et l'exécution de projets forestiers communautaires. Ces directives s'appuieront sur des études de cas. Des études de cas seront également entreprises en vue de contribuer à l'élaboration de directives pour renforcer le rôle des institutions rurales villageoises, tribales et autres dans les activités forestières. La participation volontaire des ruraux à des projets forestiers sera renforcée par de nouveaux efforts portant sur les incitations et la vulgarisation. Deux séminaires sur les incitations se tiendront en Afrique et en Asie pour des responsables de projets de conservation en montagne. Des films et vues fixes sur la production de bois de feu et les petites industries du bois seront réalisés pour les besoins des agents de vulgarisation. Les activités artisanales basées sur la forêt seront encouragées par la rédaction d'un guide sur la production, la transformation et la commercialisation des oléorésines, et par une étude ayant pour objet de rassembler des informations sur le rôle des plantes médicinales en Afrique et en Amérique latine.

Un sous-programme pour le développement agrosylvopastoral appelle des techniques d'utilisation conjointe des terres, forestière et agricole, qui soient à la fois écologiquement saines et directement profitables pour les populations rurales. L'élaboration de techniques meilleures d'aménagement des terres sera également encouragée. Une étude sera menée pour rassembler toute l'expérience acquise en Afrique par la mise en œuvre de systèmes destinés à remplacer la culture itinérante, de façon à pouvoir les améliorer. Des modèles de systèmes de production agroforestiers incorporant des techniques de conservation seront élaborés et testés dans des zones pilotes. Des directives pour de nouvelles approches de l'aménagement sylvo-pastoral dans les zones arides seront aussi élaborées. Des auxiliaires de vulgarisation seront préparés pour des programmes visant à intégrer les arbres dans l'agriculture en sec. Des rapports sur les arbres forestiers fournissant des aliments seront publiés.

Programme de terrain

Le vaste programme d'action sur le terrain - mis en œuvre par la FAO sous la forme de projets dans les pays en développement- offre de nombreux exemples d'agroforesterie. Il y a à l'heure actuelle 22 projets FAO/PNUD et 11 projets assistés par le PAM (Programme alimentaire mondial) qui s'occupent partiellement ou totalement de développement de l'agroforesterie. Les exemples qui suivent illustreront les divers aspects de ce programme de terrain.

En Thaïlande, le Projet d'aménagement intégré de bassins versants et d'utilisation des terres forestières de Mae Sa (THA 76/001 ) combine agroforesterie, travaux de conservation des sols, vulgarisation rurale et techniques agricoles améliorées dans une action de formation et de démonstration largement applicable à une grande partie du nord du pays. Aux Philippines, le Projet d'aménagement forestier à fins multiples (PHI 77/011 ) comporte une forte composante agroforestière concernant l'amélioration des pratiques culturales des petits agriculteurs dans les bassins versants montagneux; l'objectif est de promouvoir les cultures fruitières et vivrières et la culture du caféier en association avec des mesures de lutte contre l'érosion. Au Honduras, un Projet FAO d'aménagement intégré des bassins versants (HON 77/006), récemment achevé, a accordé une grande attention à l'association des arbres aux cultures sur des terrains soustraits à l'agriculture traditionnelle; il concernait plusieurs bassins versants, dont l'un sur lequel la surexploitation de versants montagneux par les cultures labourées traditionnelles de haricots et de maïs, conjuguée avec un ouragan, avait provoqué une inondation désastreuse et des pertes de biens et de vies humaines. La protection des forêts par des plantations d'anacardiers le long des limites de parcelles, dans le Projet de protection et mise en valeur des forêts de Casamance au Sénégal (SEN 78/002), procure aux villages voisins des aliments et un revenu provenant des ventes de noix de cajou, et fait obstacle aux feux de forêt non contrôlés. Le Projet de développement forestier communautaire au Népal (NEP 80/030) plante des arbres spécifiquement pour répondre à la demande de produits forestiers de la population locale, et par là mettre un frein au déboisement et à l'érosion généralisés; on a choisi des essences qui fournissent des fruits, des noix, du fourrage, du bois de feu et des matériaux de construction rustique. Au Maroc, la FAO exécute un projet destiné à promouvoir le développement communautaire par l'aménagement sylvopastoral. En Haïti, I'agroforesterie joue un rôle important dans le Projet de protection et aménagement des bassins versants de Limbé (HAI 77/005), en raison de la forte pression démographique et de la nécessité de la production vivrière dans cette région essentiellement montagneuse. En Haute-Volta, un projet FAO de développement des ressources forestières (UPV 78/004) comporte une enquête sur les besoins de bois de feu des villages, de façon à pouvoir intégrer les arbres dans des projets de production agricole dans la région. Au Soudan, un projet FAO qui démarre actuellement au Kordofan a pour objet d'aider la population locale à comprendre les causes du déclin de la production de gomme arabique et à faire face aux pressions qui pèsent sur le système agricole de cette région.

Dans le cadre du Programme FAO/SIDA « La forêt au service du développement des collectivités locales », financé sur fonds de dépôt, un certain nombre de projets de démonstration et de projets pilotes d'agroforesterie sont en cours d'exécution. Par exemple, à La Paz ` (Bolivie), un projet de développement des collectivités rurales, au stade de projet pilote, tend à améliorer le niveau de vie des paysans par l'introduction de techniques agrosylvicoles pour la conservation des sols et des eaux et l'accroissement de la production d'aliments, de fourrage et de bois pour les besoins locaux. A Cuba, un projet destiné à identifier et promouvoir des systèmes agro-sylvopastoraux stables dans la Sierra Maestra contribuera à un vaste programme d'amélioration de l'économie rurale de la région, et préparera des dossiers de projets pour une asssistance extérieure en vue de mettre en pratique ces systèmes. Le projet de développement forestier intégré de Diarén, à Panama, a pour objet d'aider à l'introduction de techniques agroforestières pilotes dans une région tropicale soumise à une forte pression due à la colonisation des terres. Un projet de développement agro-sylvo-pastoral est en cours à Nueva Sepovia au Nicaragua.

Les projets agroforestiers au niveau national exécutés par la FAO devraient connaître une expansion considérable dans les dix années à venir. Au fur et à mesure que les pays atteignent un seuil de décollage en agroforesterie, la FAO lance un vaste projet régional de démonstration et de formation, pour mettre à profit les grandes possibilités offertes dans ce domaine par la Coopération technique entre pays en développement (CTPD). Un document de projet préliminaire pour la région Amérique latine a été élaboré, et soumis à un bailleur de fonds. Des efforts analogues suivront pour l'Afrique et l'Asie, et un autre est prévu pour relier ces trois régions.


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