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Choix d'essences legumineuses pour l'agroforesterie au Cameroun

Anthony Mapri Maimo
Institut de la recherche agronomique, Yaoundé, République Unie du Cameroun

Résumé

Entre 1977 et 1981 I'lnstitut de la recherche agronomique du Cameroun (IRA) a mené par l'intermédiaire de son Centre de recherche forestière d'Édéa un projet ayant pour objectifs d'identifier les facteurs climatiques et écologiques d'Édéa (à partir de la bibliographie, des relevés météorologiques et des analyses de sols), d'étudier les systèmes agricoles et l'utilisation des produits forestiers dans la zone de forêt dense humide (par des enquêtes et des observations auprès des agriculteurs), et de sélectionner des essences légumineuses présentant un intérêt agronomique et forestier (par des essais d'élimination). Les analyses de sols ont confirmé que ceuxci étaient pauvres en éléments nutritifs. L'étude des systèmes agricoles a montré que les paysans d'Édéa cultivent de 0,5 à 4,2 ha, et que la culture collective est l'exception. D'autre part, le système agricole est essentiellement la culture itinérante comportant une jachère de trois à sept ans. Les cultures mixtes sont courantes, et les travaux agricoles font appel à des techniques très simples (machette, houe, et feux). Les terres utilisées par la collectivité sont souvent soumises à l'érosion. Enfin la population paysanne tire sa subsistance principalement du manioc, des taros (Colocasia esculenta et Xanthosoma sagittifolium), de l'igname, de la patate douce, des bananes (douces et plantains), et plante également du mais, des arachides et des haricots. Les essences forestières que l'on trouve associées aux cultures traditionnelles sont, comme dans la zone forestière humide du Nigeria (Getahan, 1980), Leucaena leucocephala, qui est planté comme arbre d'ombragé dans les cacaoyères et les caféitières, Treculia africana, gabonensis, Dacryodes edulis, Samenea (Pithecolobium) saman, Cassia siamea, Pterocarpus soyauxii. Des essais d'élimination ont conduit à une sélection préliminaire (basée sur la hauteur moyenne à dix-huit mois); par ordre d'importance croissante, Albizia falcataria, Samanea saman, Albizia lebbeck, Leucaena leucocephala et Pterocarpus soyauxii ont été retenus pour des essais ultérieurs à Édéa, en raison de leur intérêt comme supports pour l'igname, comme arbres d'ombragé, pour l'amélioration du sol, et pour la production de bois à pâte- question d'importance capitale pour la CELLUCAM, entreprise de fabrication de pâte établie à Édéa.

Introduction

L'importance de la recherche agroforestière en tant qu'instrument d'amélioration de la production agricole, et par conséquent du niveau de vie de la population, dans la zone tropicale humide, fut démontrée au secteur de la recherche de la République unie du Cameroun (l'Office national de la recherche scientifique et technique à l'époque) en 1976 par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), cette importance résidant, affirmait-on, dans la possibilité qu'a la recherche de formuler des systèmes agroforestiers susceptibles de remplacer la culture itinérante qui prédomine dans de nombreuses régions des tropiques humides. En particulier, I'agroforesterie permet d'espérer que l'utilisation des arbres - notamment d'essences légumineuses - pour remplacer la jachère arbustive assurera l'amélioration du sol tout en fournissant des produits forestiers qui procureront des revenus aux paysans.

Un projet agroforestier fut donc conçu et approuvé en 1976 par le CRDI et la République unie du Cameroun. La première phase du projet devait durer trois ans - soit jusqu'à avril 1980 - mais en fait elle ne s'est achevée qu'en mars 1981, en raison pour une large part du retard dans l'acquisition de véhicules pour le projet.

Objectifs

Les objectifs définis pour le projet étaient: l'identification des facteurs climatiques et écologiques d'Édéa, qui est situé dans la forêt dense humide de la Province littorale; l'étude des systèmes agricoles et de l'utilisation des produits forestiers dans cette zone; la sélection d'essences légumineuses présentant un intérêt agronomique et forestier dans la zone étudiée et la détermination des techniques de propagation de ces essences; la mise en place de plantations expérimentales ayant pour objet d'étudier l'influence des essences légumineuses sur des sols appauvris par la culture itinérante.

Méthodes

L'étude des facteurs climatiques et écologiques s'est effectuée en partie par l'analyse de la bibliographie existante, en partie par consultation du service météorologique à Édéa, et enfin par l'analyse, au laboratoire pédologique d'Ekona, d'échantillons prélevés dans les principaux types de sols de Mangombé, dans la région d'Édéa. En ce qui concerne ce dernier point, six échantillons de sol sableux (30 carottes de sol étaient réunies pour former un échantillon) prélevés à Mangombé en zone haute (sous forêt, sous cultures vivrières, et sous jachère), furent analysés au laboratoire d'Ekona. En mai 1978, on préleva à nouveau 15 échantillons à différentes profondeurs dans des sols sous forêt secondaire spontanée, cultures vivrières, jachères de cinq ans, et essences forestières légumineuses (Afzelia pachyloba, Piptadeniastrum africanum)*. Les études pédologiques de mai 1978 furent répétées en mai 1979 en y incluant aussi bien les zones hautes que les deux autres types de sols de Mangombé, à savoir les sols graveleux et les sols hydromorphes.

L'étude des systèmes agricoles était essentiellement un exercice de recensement. On demandait à des paysans choisis au hasard de répondre à un questionnaire type sur leurs activités agricoles. Ces données étaient complétées par la visite et le mesurage de leurs exploitations. Certaines difficultés furent rencontrées du fait de l'absence d'un chercheur compétent pour entreprendre une étude socioéconomique détaillée d'Édéa et de ses environs. Dans l'étude de l'utilisation des produits forestiers dans l'agriculture traditionnelle. les agents du projet observaient et notaient les espèces d'arbres d'ombragé plantées dans les cacaoyères et caféières traditionnelles, et les arbres à usages multiples se rencontrant dans les plantations permanentes autour des habitations.

La sélection d'essences légumineuses intéressantes pour l'agroforesterie s'est faite par des essais d'élimination visant à identifier les essences locales ou exotiques donnant de bons résultats dans les conditions écologiques d'Édéa. On rechercha des semenciers de légumineuses à Édéa et à Kumba, tandis que des semences de légumineuses exotiques étaient acquises auprès de divers fournisseurs privés et instituts de recherche forestière. Les disponibilités de semences et les difficultés de germination pour certaines espèces limitèrent considérablement la portée de ces essais d'élimination.

Le premier essai d'élimination, implanté en août 1978, couvrait 2 ha. Il portait sur des essences légumineuses de huit lots de semences seulement; cinq de ces lots furent plantés selon un dispositif statistique (blocs aléatoires complets, cinq traitements, quatre répétitions) à espacement de 4 x 4 m sur des parcelles mesurant 40 x 25 m (66-70 arbres par parcelle). Les trois autres lots, en raison du petit nombre de semences, furent plantés simplement en parcelles sans répétition. Les lots de semences plantés lors de l'essai de 1978 comprenaient: Pterocarpus soyauxii, P. osun, Afzelia pachyloba, Acacia sp., Tetrapleura tetraptera, et trois lots de Leucaena leucocephala.

L'essai d'élimination de 1979 comprenait 23 lots de semences, qui furent semés entre février et avril 1979, et transplantés en juillet 1979, sur une surface d'un peu moins de 2 ha. En raison de la faible germination d'une grande partie des semences, la plantation ne fut pas faite selon un dispositif statistique strict. Le principe des répétitions était cependant respecté, avec dans chaque bloc 23 parcelles correspondant aux différents lots de semences. L'espacement était de 3 x 2 m, mais par suite de la quantité limitée de plants disponible on adopta pour les parcelles unitaires deux dimensions différentes, les petites parcelles mesurant 36 m² et les grandes 72 m² Il y avait 21 plants par grande parcelle, tandis que sur les petites parcelles le nombre de plants allait de 1 à 9. Dans les 23 lots de semences il y avait un des lots employés dans les essais de 1978 (Tetrapleura tetraptera).

La préparation du terrain pour les essais de 1978 et 1979 consistait en abattage des grands arbres, défrichement du sous-bois, brûlage, piquetage et trouaison. Les plants utilisés en 1978 comprenaient des plants effeuillés, des semis naturels et des stumps. Pour l'essai de 1979 seuls des plants de semence élevés en sachets de polyéthylène furent utilisés.

Résultats

Facteurs climatiques et écologiques

Mangombé est situé dans la région d'Édéa à 4°00' de latitude N. 10°15' de longitude E. Son altitude est de 32 mètres au-dessus du niveau de la mer. La pluviométrie annuelle moyenne est de 2 600 mm. La répartition des pluies est généralement régulière, et il y a des précipitations même pendant la saison sèche (novembreavril). Les températures sont élevées; les températures maximales et minimales moyennes mensuelles ont été respectivement de 27,8 °C et 23,2 °C en 1978.

Selon une étude effectuée par le CTFT (1969), il y a à Mangombé trois types de sols distincts:

Les analyses de laboratoire ont montré que les sols sableux des parties hautes étaient acides (pH 4), et qu'il y avait peu de variations à cet égard entre les deux profondeurs étudiées (0-20 cm, 40-60 cm). D'une manière générale leurs caractéristiques physiques sont très bonnes. L'eau du sol est bien répartie sauf au cours de fortes pluies. La teneur en argile est de 35-40 pour cent sous forêt, 45 pour cent sous cultures vivrières, 3740 pour cent sous jachère. Il y a une bonne répartition des éléments fins et très fins, et absence de pierres.

Les caractéristiques chimiques sont médiocres, sans doute en raison d'un fort lessivage. Selon les analyses de 1977 la teneur en azote total tend à croître avec la profondeur, à partir de 0,09-0,14 pour cent pour les sols sous forêt, 0,09-0,13 pour cent pour les sols cultivés. Le total des bases échangeables est dans l'ensemble bas, de même que le phosphore assimilable. Dans l'étude de 1978 on a constaté une diminution de la matière organique avec la profondeur, à l'opposé de la tendance observée sur les échantillons de 1977. La teneur en azote décroissait également avec la profondeur dans les échantillons de 1978 (de 0,1 pour cent en surface à 0,06 pour cent à 110 cm de profondeur). Les résultats opposés obtenus pour les teneurs en matière organique et en azote en 1977 et 1978 sont déconcertants, à moins que ceux de 1977 ne soient erronés; cette possibilité est renforcée par les résultats des échantillons de mai 1979.

Les sols sous essences forestières légumineuses (Afzelia pachyloba et Piptadeniastrum africanum) montraient une teneur légèrement plus élevée en matière organique (1,511,22 pour cent à 0-40 cm) que les sols sous forêt, cultures et jachère.

Systèmes agricoles

Les agriculteurs des environs d'Édéa ont des exploitations allant de 0,5 à 4,2 ha. L'agriculture collective est assez rare, bien qu'il y en ait un exemple, le Groupe des agriculteurs modernes, soutenu par le FONADER (Fonds national de développement rural, souvent désigné sous le nom de banque agricole).

Le système agricole est essentiellement une culture itinérante comportant une période de jachère de trois à sept ans. Les cultures mixtes sont courantes, et la préparation du terrain consiste en défrichement et brûlage partiels ou totaux, ce qui entraîne des risques d'érosion.

La population paysanne tire sa subsistance principalement des taros: Colocasia esculenta et Xanthosoma sagittifolium (macabo ou chou caraïbe), de l'igname, de la patate douce, des bananes douces et plantains. Le maïs, l'arachide et les haricots sont également cultivés. Les deux principales cultures industrielles de la Province littorale sont le caféier robusta et le cacaoyer. La région de la Sanaga maritime (Édéa) est la troisième parmi les régions de la Province littorale pour la production de café et de cacao. On y trouve également des plantations industrielles d'hèvéa et de palmier à huile.

Les essences forestières que l'on trouve associées à l'agriculture traditionnelle sont, comme dans la zone de forêt humide de l'ouest du Nigeria (Getahun, 1980), Leucaena leucocephala, planté comme arbre d'ombragé dans les cacaoyères et caféières, Treculia africana, Irvingia gabonensis, Dacryodes edulis, Samanea saman, Cassia siamea. Pterocarpus soyauxii, qui sont des arbres à usages multiples présents dans les plantations permanentes autour des habitations.

Sélection d'essences forestières légumineuses

La hauteur moyenne était la seule mesure effectuée à dixhuit mois dans les essais d'élimination. Aucune analyse statistique n'a été entreprise pour déterminer si la différence des hauteurs moyennes entre deux lots de semences donnés était significative ou non. Néanmoins, les résultats (tableau 1) semblent justifier certaines conclusions:

Conclusions et recommandations

Du travail réalisé par le projet agroforestier il semble ressortir que les essences légumineuses suivantes: Albizia falcataria, Samanea saman, A. Iebbeck, Leucaena leucocephala et Pterocarpus soyauxii doivent être provisoirement retenues comme donnant de bons résultats dans la zone humide d'Édéa. Un élément de la plus haute importance pour l'avenir du projet de recherche agroforestière d'Édéa est que la majorité des essences retenues à la suite de nos essais d'élimination montraient une grande capacité naturelle de formation de nodosités. L. Ieucocephala est la seule essence susceptible d'être utilisée dans nos travaux ultérieurs qui ne formait pas de nodosités, soit en pépinière, soit sur le terrain. Ces aspects méritent d'être étudiés de plus près. Étant donné les potentialités des essences légumineuses ainsi choisies en matière d'amélioration des sols, d'emploi comme arbres d'ombragé et de production de bois à pâte, on doit les considérer en priorité lorsqu'il s'agira de sélectionner les essences à utiliser dans les plantations expérimentales.

Étant donné le rôle important que la CELLUCAM est appelée à jouer à bref délai dans le développement socio-économique de la région d'Édéa, les plantations expérimentales devraient également inclure des essences pour bois à pâte (par exemple Pinus caribaea, Eucalyptus urophylla, Gmelina arborea qui ont été retenues pour le prochain programme quinquennal de reboisement de la CELLUCAM.

Les objectifs spécifiques des plantations expérimentales devront comprendre:

Remerciements

Notre immense gratitude va à Patrick Shiembo, assistant de recherche agroforestière à Édéa, qui a aimablement accepté d'effectuer les mesures définitives des essais d'élimination de 1979.

TABLEAU 1. Lots de graines semés en 1979. Germination et hauteur à 18 mois (m)

Espèce

Date de semis

Date de germination

Nb. semées

Nb. germées

Hauteur moyenne à 18 mois

Abrus precatorius 13/2/79 1712179 22 3 (volubile)
Acacia eburnea 13/2/79 17/2/79 24 14 3.36
Adenanthera pavonina 13/2/79 17/2/79 18 4 2.48
Albizia falcataria 13/2/79 17/2/79 700 690 9.1
A. Iebbeck 13/2/79 20/2/79 500 4 5.0
A. procera 13/2/79 17/2/79 600 593 2.54
A. saponaria 13/2/79 17/2/79 45 1 3.51
Caesalpinia spinosa 23/4/79 28/4/79 260 11 (mort)
Calliandra collotyrsus 23/4/79 29/4/79 20 12 3.93
C. surinamensis 13/2/79 17/2/79 48 32 2.6
Cassia alata 13/2/79 17/2/79 200 3 (mort)
C. mimosoides 13/2/79 17/2/79 600 10 (adventice)
Dalbergia retusa 23/4/79 30/4/79 696 650 3.0
Enterolobium cyclocarpum 23/4/79 29/4/79 77 59 2.55
Erythrophleum suaveolens 13/2/79 18/2/79 13 9 3.3
Leucaena lencocephala (K6) 23/2/79 28/2/79 150 149 4.42
L. Ieucocephala (K8) 23/2/79 28/2/79 150 150 4.33
L. Ieucocephala (K67) 23/2/79 28/2/79 150 148 4.32
L. Ieucocephala (K132) 23/2/79 28/2/79 150 147 4.26
Leucaena sp. (Sta. Cruz Porrillo) 14/2/79 21/2/79 22 22 2.0
Piptadeniastrum africanum 14/2/79 22/2/79 500 480 1.32
Samanea saman 23/4/79 30/4/79 854 800 5.52
Tetrapleura tetraptera 14/2/79 22/2/79 500 480 1.51

 

Aspects forestiers dans l'agroforesterie au Nigeria

F. A. Akinsanmi
Département de l'aménagement des ressources forestières, Université d'lbadan, Ibadan, Nigeria

Résumé

Il y a une demande croissante de terres pour diverses utilisations, qui toutes doivent être satisfaites. L'agroforesterie, qui se définit comme l'intégration de l'agriculture, de la forét et de l'élevage sur une même terre, offre une solution au problème de la pénurie de terres. C'est aussi une solution possible au déséquilibre entre offre et demande de produits forestiers. Les analyses indiquent que les dernières taches de forêt dense qui subsistent au Nigeria auront disparu vers 1995, mais que la demande continuera d'augmenter. La demande de nouvelles terres agricoles pourra être satisfaite en encourageant la poursuite du système taungya dans des zones réservées au reboisement. Le recours à une jachère plantée dans le cycle de culture itinérante est recommandé, étant donné qu'il accroît considérablement les superficies disponibles pour les plantations forestières et écarte le danger de déclassement des forêts.

Introduction

La notion d'utilisation multiple des terres est de plus en plus largement acceptée en raison de la demande croissante de terres pour l'agriculture, les forêts, le développement industriel, l'urbanisation et les loisirs. Cela est particulièrement le cas dans les pays dont l'économie repose en grande partie sur les produits de la terre. La superficie de terres disponibles est fixe, face à une demande croissante. On recherche par conséquent des moyens qui permettent d'utiliser efficacement les terres disponibles au profit des divers utilisateurs.

Une terre soumise à une culture continue perd sa fertilité. Celle-ci, cependant, se reconstitue si la terre est laissée en jachère pendant cinq à dix ans. La pression croissante sur les terres du fait d'une population en expansion a eu pour résultat une réduction de la durée de la jachère à trois ou quatre ans, ou même moins. La terre n'a par conséquent pas toujours le temps de recouvrer sa fertilité. Les terres couvertes de forêts sont fertiles, et sont devenues l'objet de la convoitise des agriculteurs. Les forestiers répugnent à abandonner des terres à l'agriculture, parce que les surfaces disponibles pour les activités forestières sont également limitées. Tel est le tableau général dans la plupart des pays d'Afrique.

Systèmes agroforestiers

L'agroforesterie est une technique d'aménagement des terres qui, selon Combe et Budowski (1979), comporte la combinaison d'arbres forestiers avec des cultures agricoles ou avec des animaux domestiques, ou les deux. L'agroforesterie a pour buts, en ce qui concerne l'agriculture, d'accroître les rendements, en ce qui concerne la sylviculture d'amplifier le rôle de la forêt, et en ce qui concerne l'élevage, d'aménager le pâturage (Dosne, 1979). Il apparaît par conséquent que l'agroforesterie offre une solution aux problèmes posés par la demande croissante de terres. Le présent exposé a pour objet d'examiner dans quelle mesure l'agroforesterie a dans l'ensemble satisfait à l'aspect forestier de ses objectifs, plus particulièrement au Nigeria. Il présente en outre des suggestions sur la manière dont on peut obtenir un rendement maximal du secteur forestier en mettant à profit les possibilités offertes par l'agroforesterie. Combe et Budowski présentent un inventaire complet des systèmes agroforestiers, qu'ils classent selon le type de production agricole, les fonctions de l'élément forestier, et la répartition dans le temps et dans l'espace. Le premier concerne le type de production agricole associée aux arbres forestiers: végétale, animale, ou les deux. Le second indique les principaux objectifs de l'élément arborescent dans un milieu non forestier: production, protection, ou services. Le troisième se rapporte à la rotation tant des cultures que des peuplements forestiers, ainsi qu'à la distribution spatiale des espèces.

L'agroforesterie peut être pratiquée soit à l'intérieur soit en dehors des réserves forestières. Dans les forêts classées, l'objectif est d'installer des plantations d'essences choisies pour remplacer le sous-étage spontané. L'accent est mis dans ce cas sur la production ligneuse, tout en satisfaisant la demande des agriculteurs en terres fertiles: c'est le système taungya Selon King (1968), le taungya permet de réaliser des reboisements qui n'exigent pas de lourds investissements. Elle offre une solution au problème de la culture itinérante, et concilie les intérêts souvent antagonistes des forestiers et des agriculteurs tropicaux.

Lorsque l'agroforesterie est pratiquée sur des terres agricoles en dehors des forêts classées, le but principal est la production vivrière. Les arbres y jouent un rôle secondaire, quoique important. Si les arbres utilisés sont des légumineuses ou autres capables de fixer l'azote, il y a augmentation de la fertilité du sol. Le peuplement forestier peut être associé à la fois à des cultures vivrières et à l'élevage. Les arbres sont plantés pour le fourrage, l'ombrage, ou comme clôtures vives.

Ressources forestières du Nigeria

Au début du siècle, la forêt du Nigeria était très étendue et riche en grands arbres. Avec l'accroissement de la population, les surfaces boisées commencèrent à diminuer par suite de la demande de terres agricoles et autres. Peu à peu, toutes les forêts disparurent, à l'exception des forêts classées. En 1978, la superficie totale des réserves forestières était de 20 443 km², non comprises les forêts de marécages d'eau douce et de mangrove, qui couvraient un total de 778 km² (FAO, 1979). La plus grande partie des bois propres à des usages industriels provient des forêts classées de la zone tropicale humide. Dans une étude sur la sylviculture et l'aménagement des forêts denses du Nigeria, utilisant les résultats de l'inventaire indicatif des réserves forestières, la FAO (1976b) évalue à 2 549 523 ha la superficie totale de forêts classées dans les États d'Ogun, Oyo, Ondo, Bendel, Kwara, Anambra, Imo, Cross River et des Rivières. Sur ce total, 128 053 ha sont des plantations, 608 545 ha sont improductifs, et 1 766 290 sont potentiellement disponibles pour la production. Par la suite (FAO, 1979), ces informations ont été complétées par une étude d'ensemble des systèmes de production dans le secteur forestier au Nigeria. Les conclusions sont que l'abattage des forêts naturelles existantes au cours d'une période de 20 ans a porté sur 436 000 à 1 400 000 ha, et que le rythme de plantation dans la zone de forêt humide de plaine a été de 15 000 ha/an entre 1975 et 1980, avec un accroissement projeté pour atteindre 20 000 ha/an vers 1990-1995. Ces données indiquent que les forêts naturelles subsistant au Nigeria auront disparu vers 1995 si la demande suit les prévisions élevées.

Le Nigeria doit assurer l'approvisionnement en matière première de deux usines de pâte, soit 100 000 tonnes par an pour chacune d'elles, Seules des plantations à grande échelle d'essences à bois de pâte permettront la fourniture continue de cette matière première.

Concurremment avec cette pression en vue d'accroître la productivité des zones boisées, il y a une demande croissante de terres forestières pour l'agriculture, I'industrialisation, le développement urbain, etc. Bien souvent le climat politique et les désirs des politiciens conditionnent le succès de la résistance au déclassement. La plupart des fonctionnaires favorisent l'agriculture au détriment de la forêt en raison des revenus plus rapidesmais pas nécessairement plus élevés - qu'elle procure.

Pourtant, comme le déclare la FAO (1978b), aucun pays ne doit dilapider sa part d'héritage naturel représentée par la flore de la forêt dense et par l'habitat qu'elle procure à la faune indigène. La FAO recommande en conséquence qu'une superficie de forêt dense égale à 1 pour cent soit réservée à perpétuité. A l'heure actuelle, le Nigeria n'a pas une telle réserve, et la forêt est coupée à blanc à un rythme effarant.

Recommandations

La pratique actuelle de plantation en taungya doit être maintenue, parce qu'elle réduit les dangers de la monoculture au premier stade de l'installation du peuplement. La FAO (1979), par exemple, recommande que les associations de cultures agricoles et de plantations forestières soient favorisées et développées, et en particulier que le système de taungya traditionnelle soit encouragé, tout en développant d'autres formes d'agrosylviculture. Une plus grande place doit être accordée à la production combinée d'aliments et d'arbres dans les réserves forestières.

Les superficies de terres disponibles pour la forêt pourraient être considérablement accrues si les surfaces en jachère- dans le cycle de la culture itinérante étaient consacrées à des plantations forestières. On estime que 3 millions d'hectares seraient ainsi aisément disponibles dans la zone de forêt humide (FAO, 1979). Le volume de plantations existantes pourrait d'autre part être considérablement augmenté grâce à des incitations au reboisement auprès des particuliers et des entreprises commerciales, en dehors des réserves forestières.

 

Résumé de la discussion: Activités actuelles en agroforesterie

Étant donné que les communications présentées portaient sur une grande diversité d'idées et de techniques, la discussion a également abordé un grand nombre de sujets dont certains avaient déjà été discutés auparavant mais dans un contexte différent. En particulier, un certain nombre de commentaires ont été faits sur les interactions entre plantes, et à ce propos on a souligné la nécessité de nouvelles recherches et observations. Il faut être très prudent dans l'interprétation des résultats, et on a cité un cas où les travaux d'entretien avaient eu plus d'effet sur le rendement du maïs, que la présence ou l'absence d'un peuplement arborescent. Dans un autre cas on a constaté que la croissance de Gmelina arborea variait selon la culture annuelle, mais cela pouvait être dû aux techniques différentes de désherbage pour le mars et le manioc plutôt qu'à l'espèce cultivée. On a noté en particulier que le manioc était tolérant vis-à-vis des adventices, et avait un effet négatif sur les arbres lorsqu'on le plantait trop serré. En bref, la conduite de la culture fournit un nouvel ensemble de variables qu'il faut examiner lorsqu'on évalue les techniques agroforestières.

On a pu constater que les expériences en matière d'association de Terminalia superba avec cacaoyer. caféier et bananier étaient assez comparables au Gabon, au Congo et au Sierra Leone. Les résultats obtenus avec le cacaoyer sous T superba au Congo étaient particulièrement médiocres après vingt ans en raison de l'ombrage excessif. Comme au Sierra Leone, le peuplement forestier aussi bien que la culture arboricole en sous-étage seront coupés à blanc à l'âge de quarante ans.

Les résultats meilleurs obtenus avec des cultures vivrières dans d'anciennes plantations de Cassia siamea par comparaison avec le teck (Tectona grandis) ont suscité beaucoup de commentaires. On a mentionné un certain nombre de facteurs pouvant en être la cause, tels que le pouvoir de fixation d'azote du Cassia, la décomposition plus rapide des feuilles de Cassia par rapport a celles de teck, la fréquence relative des feux de surface dans les plantations de teck, et le fait que les Cassia avaient été exploités en taillis à plusieurs reprises, opération qui a pour conséquences une végétation herbacée plus vigoureuse, une teneur plus élevée du sol en matière organique, et une meilleure aération du sol.

L'introduction réussie de variétés améliorées dans le sud du Nigeria a ensuite été commentée. La technique de base employée consiste à greffer des bourgeons d'arbres adultes en âge de fructifier sur de jeunes sujets, ce qui permet d'obtenir une fructification précoce à faible hauteur. Les travaux se concentrent actuellement sur les espèces indigènes, et la demande de matériel amélioré des agriculteurs locaux excède les disponibilités. Étant donné que les nouvelles variétés sont destinées à être utilisées en association avec d'autres cultures vivrières, il n'y a pas substitution d'une production fruitière à des cultures vivrières de première nécessité. On a noté qu'un nombre relativement faible de cultures avaient été introduites avec succès, mais puisque l'agroforesterie vise à une production soutenue plutôt qu'à des rendements élevés à court terme, elle pourrait s'avérer être un véhicule plus efficace pour introduire de nouvelles espèces ou variétés cultivées. Dans le cas du Rwanda, la diffusion des techniques agroforestières auprès des agriculteurs locaux a été simplifiée par le fait qu'on leur demandait de travailler sur des parcelles de démonstration dans chaque collectivité. De cette manière ils étaient mis en contact avec de nouvelles techniques et de nouvelles cultures, et avec le temps un grand nombre d'entre eux les adoptaient.

En réponse aux questions sur le rôle des animaux et des espèces fourragères dans les systèmes agroforestiers des tropiques humides, un orateur a noté que les espèces fourragères herbacées et ligneuses pouvaient jouer un rôle important en réduisant l'incidence de l'érosion et des feux, mais que cela était conditionné par une gestion appropriée et une sélection des espèces. Dans le cas de l'érosion on doit maintenir une couverture basse du sol suffisamment dense sous le peuplement forestier, et limiter le pâturage en conséquence. La possibilité de concurrence entre fourrages ligneux et herbacés a été évoquée, mais au moins dans le cas de Gliricidia sepium il n'est pas apparu qu'un problème se poserait, en raison sans doute de l'enracinement relativement profond de la plante. L'utilisation des légumineuses ligneuses comme fourrages a également été discutée, la question de la toxicité ayant fait l'objet d'une attention particulière. Il semble en général qu'on puisse y remédier en mélangeant la légumineuse riche en protéines avec divers autres fourrages; les niveaux de tolérance spécifiques doivent être déterminés pour chaque animal vis-à-vis de chaque espèce légumineuse. La toxicité peut aussi être diminuée par un traitement du fourrage et par la sélection génétique; la localisation est également un autre facteur important à prendre en compte.

Constatant les pertes importantes de certains éléments nutritifs par volatilisation, notamment les pertes d'azote lorsqu'on utilise des émondes de Leucaena comme paillis, on a émis l'idée que le mieux serait de faire consommer les résidus de récoltes et autres matières végétales par les ruminants. Cela permettrait une utilisation plus efficace de l'azote, et peut-être également de la matière organique.


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