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Possibilités agroforestières dans les plantations de palmier a huile de Côte d'Ivoire

M. Tchoumé
Laboratoire de botanique agricole, École nationale supérieure agronomique d'Abidjan, Abidjan, Cote d'lvoire

Résumé

La Côte d'lvoire est un pays de grandes cultures industrielles: cacaoyer, caféier, bananier, hévéa, cocotier, palmier à huile. Bien qu'étant généralement des monocultures, certaines de ces plantations sont faites traditionnellement selon un système taungya. Dans les zones forestières tropicales les besoins de cultures vivrières, d'une part, et la pénurie de protéines, d'autre part, ont amené à envisager une utilisation complémentaire des grandes plantations arboricoles. En particulier, l'utilisation de la végétation adventice dans les plantations de palmier à huile est prise en considération, de même que l'introduction de cultures vivrières et commerciales entre les arbres. Des espèces fourragères ont été identifiées dans la végétation, et certaines cultures, telles que le cacaoyer, s'avèrent intéressantes en culture intercalaire.

Introduction

Le palmier à huile (Elaeis guineensis Jacq.) est une plante africaine originaire du golfe de Guinée. Sa répartition en Afrique occidentale s'étend du Sénégal à l'Angola où existent des peuplements naturels exploités depuis toujours par les indigènes à des fins multiples, essentiellement alimentaires, artisanales, pharmaceutiques, religieuses, etc.

En Côte d'lvoire, ces palmeraies spontanées se constituent soit dans les plantations traditionnelles de cacaoyer (Theobroma cacao L.) ou de caféier (Coffea spp.), formant un sous-produit très intéressant, soit dans les cultures vivrières grâce aux nombreux animaux disséminateurs, friands des fruits et graines du palmier à huile: singes, rongeurs, oiseaux, et même l'homme par ses travaux d'entretien et d'exploitation.

Les premières plantations industrielles de palmier à huile furent créées dès 1920-1926 par l'Union tropicale des plantations (UTP) et la Société des plantations et huileries de Bingerville (SPHB). Mais c'est à la suite de l'obtention par l'Institut de recherche pour les huiles et oléagineux (IRHO) d'une forme hybride très productive, le tenera issu du croisement de dura x pisifera, que la culture du palmier à huile a connu son plus grand essor dans le pays. En effet jusqu'en 1964, avant la création de la Société d'État pour le développement du palmier à huile (SODEPALM), les palmeraies industrielles ne couvraient que 10000 ha. A la fin de 1966, la SODEPALM avait planté près de 19 000 ha; l'ensemble des plantations de palmiers à huile couvrait alors près de 30000 ha. En 1970 cette superficie fut portée à 76000 ha, et en 1980 elle atteint 100 000 ha.

Face à une telle extension, le problème de l'utilisation maximale des aires occupées par les palmeraies se pose avec beaucoup d'intérêt, et le but de ce travail est de rechercher les moyens susceptibles de rentabiliser au mieux l'exploitation de ces vastes étendues, soit en les associant à d'autres cultures: industrielles (café, cacao) ou vivrières (manioc, mais, etc.), soit en utilisant leur végétation pour l'élevage. Deux stations ont été choisies pour l'étude de la végétation adventice: l'une située sur sols sableux dans la région de Bingerville, appartenant à la Société des plantations et huileries de Bingerville (SPHB), l'autre située sur sols argileux dans la région de La Me, appartenant à l'Institut de recherche pour les huiles et oléagineux (IRHO).

La végétation

La Côte d'lvoire forestière fait partie des régions tropicales humides de l'Afrique. Son climat, de type guinéen, est subéquatorial. Au point de vue phytogéographique, elle appartient au massif forestier guinéo-congolais. La végétation primitive est la forêt dense ombrophile sempervirente, avec quelques savanes incluses arborées, ou lagunaires herbeuses: savanes d'Adiaké, de Moossou, de Dabou, de Tiévissou, d'Azagny, de Grand-Lahou, etc. Les palmeraies industrielles sont réparties sur trois types de sols: sols sableux, sols argilo-sableux plus compacts, et sols nettement argileux et compacts, à forte rétention d'eau.

Les deux stations retenues pour l'étude étaient couvertes par des végétations originelles bien distinctes. La région de Bingerville est située au sein de la forêt dense psammohydrophile sempervirente à Turraeanthus africanus et Heisteria parvifolia (Mangenot, 1954). En outre, on y observe çà et là quelques étendues savanicoles à Brachiaria brachylopha et Anadelphia africana (Adjanohoun, 1962). La région de La Me fait partie de la forêt dense pélohydrophile sempervirente à Mapania et Diospyros (Mangenot, 1954).

Le spectre biologique de la végétation adventice des palmeraies de la SPHB (Bingerville) révèle les proportions suivantes: phanérophytes 56,5 pour cent, thérophytes 17,9 pour cent, chaméphytes 14,5 pour cent. Les hémicryptophytes sont rares (7,4 pour cent), tandis que les géophytes sont insignifiants (3,7 pour cent).

Le paysage végétal sous les palmiers est très varié. Ses aspects les plus frappants sont: sa vitalité. La végétation phanérophytique et chaméphytique est toujours verte. Les floraisons et fructifications y sont rares, limitées à quelques plantes herbacées; sa composition floristique à la fois monotone et hétérogène selon que l'on considère les parcelles isolément ou l'ensemble de la surface plantée; son grégarisme permettant fréquemment des enrichissements locaux de la flore en telle ou telle espèce, ce qui lui confère ses multiples faciès, caractère qui atteint son maximum avec certaines espèces herbacées et ligneuses bouturables. Dans l'ensemble, les taches suivantes ont été observées: Dissotis rotundifolia; Aspilia africana; Melanthera scandens; Eupatorium odoratum; Thaumatococcus daniellii; Axonopus compressus; Commelina nudiflora, C. forskalaei, C. africana, C. condensata; Imperata cylindrica; Rottboellia exaltata; Nephrolepis biserrata; Pteridium aquilinum; Anchomanes diffomis; Acroceras zizanioides; Paspalum scrobiculatum var. commersonii, P. conjugatum, Panicum repens, P. brevifolium, Sporobolus pyramidalis; Borreria latifolia, Diodia rubricosa, D. scandens; Eleusine indica, Mariscus umbellatus, M. flabelliformis, souvent mêlés à Cyperus sphacelatus; Palisota hirsuta; Asystesia gangetica; Selaginella myosurus; Scleria barteri, S. naumanniana; Setaria magaphylla, S. chevalieri.

La dispersion de ces nombreux faciès résulte des opérations culturales: défrichement, labour, etc., qui provoquent soit des concentrations anormales des diasporas d'espèces données en certains points, alors que d'autres aires en sont totalement dépourvues, soit leur dispersion sur toute l'étendue cultivée. Les conditions écologiques locales peuvent également intervenir et favoriser la localisation de certains éléments: espèces héliophiles, sciaphiles, psammophiles, etc.

Possibilités agroforestières

Palmier à huile avec élevage

Des études phytosociologiques, floristiques et agrostologiques ont été menées pour évaluer les possibilités d'élevage bovin dans les palmeraies. Elles ont conduit à l'identification d'espèces ayant une valeur fourragère élevée en vertu de leur appétibilité, de leur biomasse et de leur position dans des associations stables et productives. Les associations les plus importantes sont les suivantes:

Des tentatives d'évaluation de la biomasse et de la régénération de la végétation dans diverses associations il ressort que pour les jeunes plantations (un à sept ans) le poids souvent important de matière végétale à l'hectare (près de 100 t/ha dans certains cas) diminue fortement avec l'âge. De même, la repousse de la végétation, vigoureuse au début, devient pratiquement nulle lorsque le couvert se ferme. La végétation des palmeraies âgées de huit à dix-huit ans devient de plus en plus pauvre et clairsemée (photo n° 6). Elle revient progressivement avec l'éclaircissement du couvert après la dix-huitième année.

De nombreux facteurs autres que l'âge influent sur la composition et la physionomie de la végétation sous les palmiers à huile; parmi ces facteurs on peut mentionner les activités humaines, le climat, le degré de pâturage, le type de bétail.

Palmiers à huile avec cultures

En Côte d'lvoire il est possible d'envisager la culture du palmier à huile en association avec d'autres cultures industrielles telles qu'hévéa, caféier et cacaoyer. De nombreuses études ont déjà été entreprises sur l'association palmier à huile - cacoyer. Il y a deux raisons principales en faveur de cette combinaison:

Dans les plantations villageoises traditionnelles l'association palmier à huile-cacaoyer constitue un système viable, étant donné que les palmiers à huile ne sont pas plantés par l'agriculteur mais simplement maintenus à une certaine densité. L'expérience a montré cependant qu'il n'en était pas de même pour les plantations industrielles, où la densité est calculée pour un rendement maximal et devient un obstacle au développement convenable du cacaoyer. En effet, les cacaoyers hybrides qui sont maintenant courants sont plus héliophiles que sciaphiles. En outre, la place que les racines du palmier à huile occupent dans le sol est telle que, en dépit des différences entre les systèmes radiculaires, les cacaoyers poussent mal et peuvent même dépérir (photos n°s 8 et 10). On peut faire n'importe quelle culture vivrière intercalaire entre les rangs d'une jeune plantation (photo n° 11), mais aucune ne poussera plus dans une palmeraie lorsque les cimes se rejoindront. La seule précaution à prendre est d'assurer l'élimination des espèces cultivées dont les éléments subsistant après la récolte risquent de se développer de manière envahissante et de gêner considérablement et pendant une longue période les jeunes palmiers; c'est le cas par exemple du manioc (Manihot utilissima) (photo n° 9). Une fois que le couvert se ferme, les seuls espaces pouvant être utilisés pour des cultures vivrières sont les trouées créées par le dépérissement naturel des palmiers, ou les endroits qui, pour une raison ou une autre, sont dépourvus de palmiers.

Conclusion

L'élevage dans les palmeraies, bien que possible du point de vue des espèces fourragères présentes, ne peut être envisagé que d'une manière extensive, et même dans ce cas il nécessitera un apport d'alimentation complémentaire important. C'est particulièrement le cas pour les plantations âgées, où la régénération de la végétation est très lente et difficile. En ce qui concerne les cultures associées, seules les espèces dont la durée de vie est au maximum de sept à dix ans peuvent être cultivées sans mesures spéciales dans les plantations existantes. Dans les palmeraies industrielles existantes, des associations profitables avec d'autres cultures pérennes ne sont pas possibles, pour des raisons purement écologiques.

 

Influence des cultures vivrières sur la croissance des arbres en Tanzanie

J. F. Redhead et J. A. Maghembe
Division des forêts, Université de Dar-es-Salam, Morogoro, Tanzanie

Résumé

Les reboisements villageois doivent répondre au besoin de revenus tangibles rapides des agriculteurs. L'introduction de cultures vivrières parmi les jeunes arbres semble être une incitation prometteuse. Les auteurs décrivent les recherches visant à déterminer les espèces et les mélanges appropriés, ainsi que les espacements et durées de révolution propres a assurer une production maximale.

Les cultures vivrières fournissent de bons rendements lapremière année de culture intercalaire, mais ils diminuent fortement à partir de ladeuxiéme année lorsque les arbres sont à faible espacement. Des espacements plus larges permettront sans doute de prolonger lapériode utile de cultures vivrières. Les arbres avec culture vivrière intercalaire présentent une croissance aussi bonne, ou presque, que les plantations désherbées en plein, et bien supérieure à celle des plantations non désherbées ou désherbées par placeaux.

Il est recommandé de mettre en place des essais analogues pour diverses essences forestières et diverses cultures vivrières dans une large gamme de conditions écologiques. Ces essais auront en même temps un rôle utile de parcelles de démonstration.

Introduction

King et Chandler (1978) soulignent que le terme d'agroforesterie peut s'appliquer à un large éventail d'utilisations combinées des terres, allant de la taungya ou agrosylviculture - à l'utilisation sélective des arbres en rideaux-abris dans un système à prédominance agricole.

De nombreux systèmes agricoles traditionnels comportent déjà la culture permanente d'un mélange équilibré d'espèces arborescentes et de plantes agricoles. Les arbres fournissent souvent un revenu économique immédiat sous forme de produits directs, en sus des avantages indirects d'amélioration des conditions écologiques pour les cultures vivrières et les animaux.

Des exemples dans des zones pluvieuses sont ceux des systèmes agricoles intégrés mis au point en Amérique latine, avec Cordia alliodora et Cedrela odorata plantés audessus de citronniers, bananiers et plantains, surmontant eux-mêmes une plantation de caféiers, ou encore les jardins d'épices de Kandy à Sri Lanka, dans lesquels, en dessous de cultures arboricoles telles que muscadier, giroflier, jaquier, sont plantés des caféiers, des bananiers, des poivriers et des légumes (voir exposé de Watson dans le présent volume, pp. 00). En Afrique un bon exemple est le mode d'utilisation des terres sur les pentes du mont Kilimandjaro, où les caféiers, bananiers et cultures vivrières annuelles sont mêlés à des arbres à bois d'œuvre tels que Grevillea robusta.

Les arbres ont également été associés à des combinaisons plus simples de cultures agricoles. Le système taungya, par exemple, était conçu avant tout pour l'installation de peuplements forestiers permanents. Il a réussi surtout dans les régions où l'on manquait de bonnes terres agricoles. King (1968) exprime l'opinion que la maind'œuvre paysanne est exploitée, parce que le service forestier profite de ses efforts sans lui payer de rémunération. Cependant il convient de noter que, en dépit d'une densité moindre des cultures mélangées aux arbres, le rendement à l'hectare que les agriculteurs en retirent est plus élevé que sur les terres dont ils disposent hors forêt. En fait, Hofstad (1978) a calculé que dans le nord-est de la Tanzanie la valeur des cultures vivrières faites en taungya peut excéder de loin la valeur actualisée du peuplement forestier qui leur succèdera.

Les paysans de tous pays sont par nature conservateurs: le changement comporte généralement des risques, et ils ne sont pas disposés à l'entreprendre s'ils n'ont pas une garantie suffisante d'avantages personnels financiers ou matériels. Ils n'ont que des réserves en argent très limitées pour subsister, le changement doit par conséquent apporter un revenu immédiat ou à court terme. En outre, les paysans appartiennent à des collectivités étroitement intégrées, qui sont économiquement interdépendantes. Les changements proposés doivent profiter à l'ensemble de la collectivité, et causer un minimum de perturbation dans les structures sociales existantes et dans les pratiques coutumières.

Les « besoins ressentis » des collectivités rurales sont ceux d'un système stable d'aménagement des terres qui produira suffisamment de nourriture pour les humains et les animaux, maintiendra la fertilité et l'équilibre hydrique, et fournira une source renouvelable de bois de feu et de perches de construction à portée du village à pied. Pour réussir, un système agroforestier dans une collectivité agricole doit répondre à des besoins spécifiques dans la région considérée, procurer à l'agriculteur des avantages personnels évidents à court terme, et dans toute la mesure du possible être compatible avec les habitudes de travail traditionnelles et avec les structures locales de maind'œuvre familiale.

Le mélange d'espèces arborescentes choisies et de cultures agricoles peut donner lieu à une concurrence ou à une association bénéfique. Les systèmes traditionnels, au cours d'une longue évolution, ont sélectionné des mélanges efficaces; la mise au point de nouveaux systèmes nécessitera des recherches portant sur de nombreux facteurs, tels que le choix des espèces et des mélanges, et les espacements et durées de rotation assurant une production maximale.

La Division des forêts à Morogoro (Tanzanie) entreprend actuellement des recherches en vue d'évaluer les effets et la productivité de mélanges d'espèces arborescentes choisies et de cultures vivrières de base pendant une longue période.

Recherche agroforestière à Morogoro (Tanzanie)

La pluviométrie annuelle à Morogoro est d'environ 800 mm. Les pluies tombent principalement entre mars et mai, mais des précipitations abondantes produisent parfois en novembre; malheureusement pour l'agriculteur elles sont irrégulières et imprévisibles. Bien que Morogoro ne soit pas situé dans les tropiques humides, les recherches qui y sont menées ont une plus large application. Les dispositifs de recherche sont simples, le travail de terrain est facile à exécuter, et applicable à une large gamme de conditions écologiques. Un autre point important est que ce type d'essais donne rapidement des résultats provisoires bien visibles et compréhensibles.

Essais d'Eucalyptus melliodora avec différentes cultures agricoles

Le dispositif d'essai et les premiers résultats ont été décrits précédemment par Maghembe et Redhead (1981). Des plants d'Eucalyptus melliodora élevés en récipients ont été mis en place en février 1978 sur un terrain agricole qui avait été labouré et hersé, à l'espacement de 2,5 x 2,5 m. Des cultures intercalaires de maïs, sorgho et haricots ont été plantées respectivement à 90 x 30 cm, 60 x 15 cm et 40 x 20 cm et répétées en 1979 et 1980. Les rendements de maïs et de haricots ont été mesurés; le sorgho n'a pas été récolté, ayant été dévoré par les oiseaux. Des placettes d'E. melliodora totalement désherbées et non désherbées ont également été mises en place comme témoins. Aucun engrais n'a été utilisé, et l'expérience a été disposée en carrés latins. Chaque placette contenait 5 x 5 arbres, et les 3 x 3 arbres centraux étaient périodiquement mesurés. Toute la surface a été coupée à blanc en mars 1981, et la litière de feuilles et la biomasse sur pied ont été évaluées. Les mêmes cultures vivrières ont été resemées, de façon à pouvoir évaluer leur rendement avec le taillis.

Le rendement du mais a été de 1 280 kg/ha la première année, et 100 kg/ha la seconde année. La troisième année il n'a pas fleuri. La culture du sorgho était faite sur le même modèle; cependant les rendements n'ont pas été enregistrés. A espacement de 2,5 x 2,5 m, les arbres étaient trop serrés pour permettre un éclairement suffisant du maïs, et du sorgho après la première année. Les rendements de haricots ont été mauvais les trois années; la première année, alors que la récolte s'annonçait bonne, les plants ont été fortement attaqués par un champignon non identifié. La seconde année les haricots paraissaient sains, mais le rendement n'a été que de 150 kg/ha. La troisième année les haricots étaient étiolés, et la récolte a été insignifiante.

Au moment de la première récolte, la hauteur moyenne des eucalyptus dans les placettes non désherbées était nettement inférieure à celle des eucalyptus avec culture intercalaire ou totalement désherbés, dont les hauteurs ne différaient pas de manière significative. Les arbres des placettes avec haricots et des placettes désherbées en plein étaient nettement plus robustes et plus branchus que les arbres avec maïs et sorgho, qui étaient fusiformes en raison de la concurrence pour la lumière (fig. 1-2). Le taux de survie des arbres était approximativement de 90 pour cent, à l'exception des placettes non désherbées où la moitié dépérirent au cours des deux premières années.

A l'âge de trois ans, le peuplement a fourni plus de l 000 perches à l'hectare utilisables pour la construction, et plus de 6 m³/ha de bois de feu. La taille moyenne des arbres avec culture de haricots n'était pas sensiblement différente de celle des arbres des placettes désherbées, et les arbres avec culture intercalaire de maïs et de sorgho avaient une taille des deux tiers de celle des arbres désherbés en plein. La récolte de maïs, et de sorgho compenserait manifestement en valeur la perte de volume des arbres.

Il ressort de cet essai que l'on peut escompter des récoltes normales des cultures agricoles la première année, avec peu d'effet sur le peuplement forestier dans le cas d'eucalyptus melliodora, mais pour avoir une production vivrière les années suivantes il faut un espacement plus large des arbres.

Essais d'arbres à différents espacements avec des cultures

Pour déterminer essentiellement jusqu'à quel écartement les arbres pourraient être plantés tout en produisant encore un volume acceptable de bois de feu ou de perches de bonne forme, une série d'essais à long terme plus élaborés fut mise en place en 1980. Un autre objectif était de tester les essences forestières pouvant fournir à la fois du combustible et du fourrage. Quatre essais furent établis: 1 ) Eucalyptus camaldulensis (pour la production de bois de feu et de perches) avec maïs et haricots; 2) Acacia albida (pour la production de fourrage et de bois de feu) avec mais et haricots; 3) Lencaona leucocephala (pour la production de bois de feu) avec mais et haricots; 4) Leucaena leucocephala (pour la production de fourrage) avec maïs et haricots.

Le dispositif d'essai a été décrit par Maghembe et Redhead (1981). En bref, les plants forestiers, élevés en récipients, ont été mis en place sur un terrain laboure et hersé. Chaque essai comportait un plan en parcelles subdivisées (« splitplot layout »), les cultures vivrières (maïs et haricots) et le mode de désherbage (par placeaux ou en plein) définissant les parcelles, et l'espacement des arbres les sousparcelles. Le mais était planté à 75 x 30 cm, en laissant un cercle de 50 cm de rayon autour de chaque arbre; une fumure à la dose de 400 kg/ha de sulfate d'ammonium et 200 kg/ha de superphosphate triple a été apportée en deux fois. Les haricots étaient plantés à 40 x 20 cm, en laissant un cercle de 20 cm de rayon autour de chaque arbre; on a apporté 200 kg/ha de sulfate d'ammonium et 200 kg/ha de phosphate triple d'ammonium, le premier étant appliqué lorsque les haricots étaient bien installés. Le désherbage en plein était fait à la herse, et complété par un binage à la houe; aucune fumure n'était apportée dans les parcelles ainsi traitées. Le désherbage par placeaux était fait à la houe sur 50 cm de rayon autour de chaque arbre, selon la pratique normale dans les forêts tanzaniennes; aucun engrais n'était apporté. Ce traitement par parcelles a été omis dans les essais 2 et 4.

FIG. 1. Hauteur moyenne d'Eucalyptus melliodora avec cultures intercalaires de maïs, sorgho et haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein et non désherbés. Morogoro, Tanzanie

FIG. 2. Volume d'E. melliodora avec cultures intercalaires de maïs, sorgho et haricots, comparé à celui d'arbres désherbés en plein et non désherbés. Morogoro, Tanzanie.

FIG. 3. Hauteur moyenne d'Eucalyptus camaldulensis d'un an avec cultures intercalaires de mais et de haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein et par placeaux. Morogoro, Tanzanie.

FIG. 4. Hauteur moyenne d'Acacia albida d'un an avec cultures intercalaires de maïs et de haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein.

FIG. 5. Hauteur moyenne de Leucaena leucocephala d'un an planté pour le combustible, avec cultures intercalaires de mais et de haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein et par placeaux.

FIG. 6. Hauteur moyenne de Leucaena leucocephala d'un an planté pour le fourrage, avec cultures intercalaires de mais et de haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein.

Les barres verticales indiquent des différences significatives au seuil P = 0,05. Les lettres N.S. indiquent des différences non significatives au seuil P = 0,05.

FIG. 7. Surface terrière moyenne d'arbres d'un an avec cultures intercalaires de maïs et de haricots, comparée à celle d'arbres désherbés en plein et par placeaux. Morogoro, Tanzanie.

Les barres verticales indiquent une différence significative au seuil P = 0,05. Les lettres N.S. indiquent une différence non significative.

En ce qui concerne l'espacement. les essais 1 et 3 comportaient des sous-parcelles avec des arbres plantés à 3 x 3 m, 4 x 4 m et 5 x 5 m. Dans l'essai 2, l'espacement 3 x 3 m était remplacé par 6 x 6 m. afin d'obtenir une production maximale de fourrage. Aux mêmes fins, dans l'essai 4, Leucaena leucocephala était planté en lignes à intervalles de 3, 4, 5 et 6 m, la distance entre les arbres sur la ligne étant de 1 m seulement. Dans les quatre essais, des sous-parcelles sans arbres étaient cultivées comme témoins.

Une étude pédologique à long terme est en cours; elle permettra de comparer les sols sous Eucalyptus, Acacia et Leucaena avec les sols sous jachère ou cultures vivrières pures. La fixation d'azote par les Acacia et Leucaena est mesurée à l'aide d'un chromatographe à phase gazeuse portatif.

Dans tous les essais, les arbres étaient trop jeunes pour avoir un effet marqué sur les rendements de mais et de haricots au cours de la première saison de culture, en dehors de l'espace qu'ils occupaient. On s'attend à voir apparaître des différences à partir de la seconde année, lorsque le couvert commencera à se fermer. Malheureusement, le rendement du mais et des haricots n'a été normal que dans une seule série de parcelles avec Leucaena. Dans celle-ci, le rendement moyen de maïs était de 1 645 kg/ha, ce qui se compare favorablement avec les rendements obtenus à la ferme de l'université, et représente plus du double de la moyenne nationale de Tanzanie, qui est de 670 kg/ha (Acland, 1971). Le rendement moyen des haricots a été de 401 kg/ha, ce qui correspond à un rendement moyen chez les paysans (Acland, 1971).

Dans les autres essais les époques de semis et de floraison du maïs coïncidèrent avec une forte sécheresse, et les rendements furent très bas et irréguliers. La sécheresse provoqua de grandes variations dans l'interaction entre cultures vivrières et arbres, masquant les résultats.

A l'opposé du faible effet qu'ont eu les arbres sur la culture vivrière, le maïs en particulier a eu un effet marqué sur les arbres, parce que c'est une culture haute qui fait beaucoup d'ombre (fig. 3-6). Dans tous les essais, au moment de la récolte du mais, les jeunes arbres au milieu du mais étaient plus hauts que ceux des autres parcelles - 24 pour cent de plus dans les deux plantations de Lencaena, 20 pour cent de plus dans les eucalyptus. Les différences de hauteur étaient statistiquement hautement significatives, sauf dans les parcelles d'Acacia albida, où les arbres avec culture de mais étaient seulement de 13 pour cent plus hauts. Après la récolte, les arbres désherbés en plein ont eu la meilleure croissance, et dans tous les cas leur hauteur dépassait à la fin de l'année celle des arbres des autres traitements. Le désherbage par placeaux s'est avéré nettement inférieur aux autres traitements, et les arbres avaient une hauteur inférieure d'un tiers à celle des arbres désherbés en plein, et de 20 pour cent environ à celle des arbres en association avec maïs ou haricots. Ces tendances sont encore plus marquées si l'on compare les diamètres au collet (fig. 7).

Discussion

Les résultats démontrent que l'on peut obtenir de bons rendements des cultures vivrières, tout au moins la première année de culture intercalaire avec les arbres. Les arbres profitent mieux du désherbage associé aux cultures vivrières que du désherbage par placeaux, tel que normalement pratiqué en Tanzanie. En outre, ce dernier permet une végétation herbacée dense dans les intervalles, constituant un sérieux danger d'incendié. Le désherbage en plein donne la meilleure croissance, mais il ne serait pas réaliste de l'envisager dans les projets de reboisements communautaires.

Il sera intéressant de suivre les rendements des cultures vivrières des années suivantes avec les espacements plus larges des arbres. Si une production appréciable de perches et de bois de feu est proche de la récolte au moment où le rendement des cultures vivrières baisse sérieusement, cette forme d'agroforesterie pourrait devenir une pratique courante dans les projets de reboisement communautaires. Si les associations de cultures et d'arbres s'avèrent bénéfiques pour la régénération des sols, cela aura une portée considérable pour les régions où la pénurie de terres interdit une longue jachère spontanée.

Il serait souhaitable d'établir des essais sur le même modèle pour une gamme d'essences forestières et de cultures vivrières dans des conditions écologiques variées en Afrique tropicale. Ils joueraient un rôle de démonstration important, tout en fournissant des données utiles pour le reboisement.


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