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Activités actuelles en agroforesterie

Intégration de la production animale dans l'agroforesterie
Associations agrosylvicoles de cacaoyer et bananier avec terminalia superba dans le mayombé (Republique populaire du Congo)
Un exemple d'agroforesterie en zone tropicale de montagne
Associations arbres-cultures agricoles
Essences forestières pour l'agroforesterie dans le sud du Nigeria
Rendement des cultures vivrières dans des plantations de teck et cassia Siamea du sud-ouest du Nigeria
Possibilités agroforestières dans les plantations de palmier a huile de Côte d'Ivoire
Influence des cultures vivrières sur la croissance des arbres en Tanzanie
Choix d'essences legumineuses pour l'agroforesterie au Cameroun
Aspects forestiers dans l'agroforesterie au Nigeria
Résumé de la discussion: Activités actuelles en agroforesterie

Intégration de la production animale dans l'agroforesterie

J. Lazier, A. Getahun et M. Velez
Programme petits ruminants, Centre international de l'élevage pour l'Afrique, et Institut international d'agriculture tropicale

Résumé

Les races naines d'ovins et de caprins d'Afrique occidentale se montrent susceptibles de satisfaire la demande croissante de protéines animales des zones humides d'Afrique occidentale. Les auteurs décrivent le mode de gestion actuel des troupeaux, et discutent de leur intégration - de même que de celle des bovins dans les systèmes agroforestiers. La plantation de végétaux ligneux fourragers tels que Gliricidia sepium et Leucaena leucocephala peut permettre de surmonter les obstacles à la production animale dus au manque de nourriture pendant la saison sèche. Le pâturage en forêt dans les reboisements et dans les systèmes de culture en allées est également discuté.

Introduction

La population des pays de la zone humide de la côte occidentale d'Afrique s'élève à environ 160 millions de personnes, et s'accroit de plus de 2,5 pour cent par an (Unesco, 1980). L'accroissement démographique a pour résultats une diminution de la taille des exploitations agricoles et une expansion des grandes villes, ainsi qu'une demande croissante de protéines animales. La viande qui ne peut être produite dans chacun de ces pays doit être importée. C'est ainsi qu'au Nigeria, si la production et la consommation de protéines animales par personne restent inchangées, on estime qu'en 1985 il faudra en importer 200 000 tonnes.

A l'heure actuelle, de nombreux villageois africains tirent leurs protéines animales des forêts et des brousses secondaires, qui sont des refuges pour la faune sauvage. On estime que 50 pour cent de la population vivant au sud du Sahara utilise des protéines animales provenant d'espèces non domestiquées telles que poissons, insectes, escargots et rongeurs. Dans les États du sud du Nigeria, où la trypanosomiase empêche l'élevage des bovins, la « viande de brousse » est particulièrement importante; elle représenterait 20 pour cent de la consommation de protéines animales, pour une valeur estimée à 30 millions de naira (Afoloyan, 1980).

Le remplacement des forêts naturelles par des reboisements limitera les disponibilités de viande de brousse, à moins qu'un aménagement attentif n'assure la présence constante de jeunes peuplements pour favoriser l'existence de faune sauvage. Un des moyens d'y parvenir consiste à ètaler les plantations sur une période suffisamment longue.

Les bovins, les races naines d'ovins et de caprins d'Afrique occidentale, et les volailles, sont les principales sources de protéines animales de production locale dans la zone humide d'Afrique occidentale. La trypanosomiase étant endémique dans cette région, les races de ruminants que l'on y trouve sont principalement des races trypanotolérantes, c'est-à-dire résistantes à la maladie (tableau 1).

TABLEAU 1. Effectifs de bétail trypano-tolérant en Afrique tropicale humide (millions de têtes)

Bovins
N'dama 3,4  
Bovins à cornes courtes d'Afrique    
occidentale, race de savane 1,7  
Bovins à cornes courtes d'Afrique   7,6
occidentale, race naine 0,1  
Zébus x N'dama 1,0  
Zébus x bovins à cornes courtes 1,4  
Ovins nains d'Afrique occidentale   11,5
Caprins nains d'Afrique occidentale   15,0
Total   34, 1

Source: CIEA (1979)

Dans le développement de la production animale, les ruminants joueront un rôle important parce qu'ils sont capables d'utiliser des fourrages de qualité médiocre, tels que les graminées, pouvant être produits sur des sols marginaux. Il en résulte que ces animaux n'entrent pas nécessairement en concurrence avec les humains pour les ressources alimentaires ou pour les terres de culture.

Les limitations à un accroissement rapide du cheptel de ruminants comprennent les maladies, le taux de reproduction, les disponibilités fourragères, et la gestion du troupeau. Comme on ne dispose d'aucune solution à bref délai simple et d'efficacité générale contre la trypanosomiase, le bétail trypanotolérant continuera de fournir la plus grande part de la viande produite dans les zones humides d'Afrique occidentale. Les races naines d'ovins et de caprins sont susceptibles de devenir une source de protéines animales plus importante que les bovins, en raison de leur rythme de reproduction beaucoup plus rapide (1,5 descendant par an à partir de la seconde année).

Gestion actuelle du cheptel

Jusqu'à 90 pour cent des familles villageoises possèdent de 3 à 5 ovins et caprins. La mortalité est élevée en raison des maladies et accidents, et les prélèvements (vente et autoconsommation) sont en moyenne de l'ordre de 15 pour cent (Okali, comm pers ).

Bien que laissés en liberté, les animaux pâturent à proximité du village. Des études ont montré (Carew, 1981) que dans la zone forestière du sud du Nigeria les ovins de race naine passaient 98 pour cent de leur temps de pâturage à brouter des végétaux ligneux, et les caprins 95 pour cent. Dans les savanes secondaires, où il y a une proportion plus élevée de graminées, la part du broutage dans le temps de pâturage est respectivement de 47 et 62 pour cent. Les déchets ménagers - épluchures de manioc, d'igname, de bananes, balle de maïs, - sont considérés comme des éléments déterminants de l'alimentation de ces animaux, pouvant décider du nombre de têtes entretenues dans un ménage.

Les chiffres de temps de broutage et de pâturage montrent que les graminées peuvent constituer une part importante de l'alimentation des moutons et des chèvres, bien que ces dernières préfèrent les végétaux ligneux. Le broutage est la règle dans tous les villages de la région pour les bovins, les ovins et les caprins, notamment pendant la saison sèche, où les graminées et autres plantes fourragères herbacées ont été consommées ou ont une valeur nutritive très faible et ne sont pas appétées. Les fourrages ligneux non décides fournissent du feuillage vert pendant toute la saison sèche.

Les légumineuses ligneuses sont particulièrement nutritives. Des essais effectués sur six espèces de fourrages ligneux (Ficus exasperata, F sp, Newbouldia laevis, Aspilia africana, Spondias mombin, Cylicodiscus gabunensis), toutes montrèrent des teneurs en protéines brutes aussi élevées que Panicum maximum (13 pour cent), la plus riche étant A. africana avec 17 pour cent. Les six espèces montraient une digestibilité in vitro au moins aussi élevée que P. maximum (Carew, 1981). La valeur nutritive èlevée des fourrages ligneux et leur bonne production potentielle en saison sèche permettent de penser que l'on pourrait grâce à eux s'affranchir de la dépendance vis-à-vis des déchets ménagers, et entretenir des troupeaux plus nombreux.

Amélioration de la production des ruminants

L'aménagement de pâturages permanents permettrait de supprimer l'adjonction de déchets ménagers à l'alimentation des moutons et chèvres de race naine de la région. Ces pâturages seraient surtout envisagés pour les terres marginales, où les exploitations sont de plus grandes dimensions, et où la faible pluviométrie et le manque de fertilité des sols ou leur sensibilité à l'érosion rendent les cultures agricoles non économiques.

Certaines graminées indigènes peuvent fournir un pâturage adéquat en début de saison des pluies, mais comme les pâtures sont généralement composées d'espèces appétées aussi bien que non appétées, les premières sont abondamment consommées et disparaissent. Les graminées qui subsistent sont en général des espèces à maturité précoce, fibreuses, et par conséquent de faible valeur fourragère. Si c'est possible économiquement, il sera préférable de remplacer les graminées indigènes par des espèces pérennes productives telles que Panicum maximum, Brachiaria decumbens cv. Basilisk, ou Cynodon neumfluensis cv. IB 8. Il faut planter des cultivars de faible hauteur pour les chèvres naines, du fait qu'elles ne pâturent pas dans l'herbe humide.

L'adjonction dans les pâturages de légumineuses fourragères sélectionnées des genres Stylosanthes, Centrosema, Desmodium ou Macroptillum peut en améliorer la productivité. Ces légumineuses fournissent un feuillage dont la valeur nutritive est plus élevée que celle des graminées et se maintient pendant toute la durée de la saison sèche. Le transfert d'azote des légumineuses aux graminées améliore la croissance de ces dernières, et du fait que beaucoup de légumineuses ont un enracinement profond leur végétation se poursuit pendant plus longtemps à la saison sèche. La légumineuse doit être appétée, mais de façon suffisamment faible pour que la plante ne soit que très peu consommée jusqu'à la saison sèche, afin que le maximum possible de matière sèche puisse être accumulé.

Bien que les graminées fournissent un pâturage suffisant à la saison des pluies, et que des légumineuses fourragères herbacées convenablement choisies puissent prolonger la production fourragère en début de saison sèche, la rigueur et la durée de celle-ci dans une grande partie des tropiques humides rendent indispensables d'autres sources de nourriture. La conservation de fourrage sous forme de foin ou d'ensilage, ou l'utilisation de cultures fourragères telles que sorgho ou mais, ne sont ni pratiques ni économiques pour le petit agriculteur. C'est pourquoi la production de fourrages ligneux, comme cela se fait dans les villages, est sans doute la solution la plus viable.

La plantation de fourrages ligneux dans les pâturages permanents peut présenter un intérêt à d'autres points de vue que celui de la production fourragère. Les légumineuses arborescentes favorisent la végétation des graminées pastorales et améliorent la fertilité du sol. Elles fournissent à l'agriculteur des bois de construction et du combustible, et peuvent parfois être vendues comme bois d'œuvre. Les végétaux ligneux fourragers peuvent encore être utiles pour l'ombrage et la constitution de haies vives et de rideaux-abris. Samanea (Pithecolobium) saman et Ceiba pentandra sont deux espèces arborescentes existant localement qui sont broutées et fournissent un bon ombrage et un excellent bois d'œuvre. Des espèces telles que Gliricidia sepium, qui se propage aisément par boutures, sont utiles comme pieux de clôture vivants; bien que restant assez faibles pendant la première année, jusqu'à ce qu'ils soient bien enracinés, ils résistent au feu et à la pourriture, et on peut les émonder pour nourrir le bétail. Cependant, lorsqu'il y a de grandes surfaces à clôturer et que la main-d'œuvre est chère, il peut s'avérer coûteux d'élaguer les arbres aussi souvent qu'il est nécessaire. Des rideaux d'arbres fournissant du bois, du fourrage et de l'ombrage peuvent être établis entre les enclos. Ils seront moins utiles que dans un climat tempéré pour régulariser la température et protéger du vent, mais en période de déficit hydrique ils accroîtront l'humidité relative dans les parcelles voisines (Marshall,1967). Ils pourront aussi permettre d'allonger le temps de pâturage des caprins, en réduisant le refroidissement de l'atmosphère par temps de pluie.

Les fourrages ligneux peuvent être dissémines sur toute la surface du pâturage, ou plantés en haies à quelques mètres d'intervalle. On peut les maintenir à faible hauteur, de façon que les animaux puissent les brouter toute l'année, ou les laisser pousser pour y couper du fourrage à la saison sèche.

Les espèces ligneuses fourragères sont généralement des légumineuses, qui peuvent être des arbustes, des petits arbres ou de grands arbres. Leurs caractéristiques agronomiques doivent être entre autres une croissance vigoureuse, une bonne production de semences, un feuillage abondant ne tombant pas à la saison sèche, un enracinement profond, une bonne aptitude à rejeter et une bonne appétibilité. Elles doivent avoir une teneur élevée en azote et une bonne digestibilité, et être dépourvues de toxicité pour les animaux.

L'espèce qui a le plus retenu l'attention jusqu'à présent est la légumineuse arborescente Leucaena leucocephala, qui est vigoureuse, bien appétée, produit des semences en abondance, mais peut malheureusement avoir des effets toxiques en raison de sa teneur en mimosine (Jones, 1979). On s'est intéresse à l'utilisation possible de Desmanthus virgatus (Skerman, 1977) et de Codariocalyx gyroides (Lazier, 1981 ) comme fourrages ligneux. Gliricidia sepium, petit arbre utilisé comme pieu de clôture vivant et comme ombrage dans les plantations, est intéressant en Afrique occidentale en raison de sa facilité de propagation par boutures, de son feuillage abondant et de sa végétation vigoureuse pendant la saison sèche.

On peut le planter dans les pâturages en boutures longues dont le sommet soit hors de portée des animaux, de façon à conserver les pousses supérieures pour la saison sèche. Des essais récents ont démontré qu'on pouvait alimenter des ovins avec une ration comprenant jusqu'à 80 pour cent de G. sepium (Chadhokar et Khantarija, 1980).

Au Nigeria, les premiers essais faits avec G. sepium ont montré que des plants bouturés de dix-huit mois donnaient un rendement de 350 à 450 9 de matière sèche de feuilles au cours de la saison sèche. S'il faut une ration journalière de 600 9 de matière sèche par animal, il suffira de deux plants bouturés pour couvrir ces besoins, et environ 300 plants par animal pour une saison sèche de cinq mois. Pour une charge de 15 animaux par hectare ii faudrait 4 500 plants.

Si l'on place les boutures à espacement de 0,5 à l m, il faudra sur un pré d'un hectare planter entre le dixième et la moitié de la surface en fourrage ligneux. Au fur et à mesure que les plants seront bien établis. il en faudra de moins en moins pour entretenir le même nombre d'animaux, et on pourra augmenter la charge.

Une expérience séculaire a appris aux éleveurs d'Afrique occidentale à reconnaître une grande variété de végétaux ligneux fourragers. Une recherche bibliographique non exhaustive a permis de dresser une liste de 95 arbres et arbustes fourragers. On connaît peu de chose sur le mode d'utilisation de ces espèces et sur leurs effets vis-à-vis des animaux. On peut noter en particulier dans cette liste les espèces légumineuses suivantes: Albizia adianthifolia, A. Iebbeck, A. zygia, Dalbergia sissoo et Daniellia oliveri. Un important travail reste à faire pour sélectionner des espèces et des cultivars vigoureux parmi ceux utilisés par les villageois.

Intégration de l'élevage à la forêt

De vastes superficies de forêts d'Afrique sont aménagées en vue de la production de bois d'œuvre, de pâte ou de bois de feu. La présence d'un sous-étage arbustif dans les forêts est un sérieux sujet de préoccupation pour les forestiers, en raison du danger d'incendie qu'il représente et de la concurrence qu'il exerce sur les jeunes arbres. Bien qu'il soit possible d'utiliser le bétail pour limiter cette végétation, aucun rapport ne mentionne cette pratique sous les tropiques (Adams, 1975). Un des arguments en faveur du pâturage des animaux domestiques en forêt est qu'il permet de réduire le coût du débroussaillement, et l'économie réalisée peut compenser en partie le coût des plantations forestières et des travaux sylvicoles.

Des études ont montre que les dégâts causés par les bovins qui piétinent les jeunes plants et se frottent aux arbres, et par les moutons qui en broutent le feuillage, peuvent être réduits au minimum par un bon aménagement (Adams, 1975). Les dégâts s'accroissent avec la charge de bétail, et dépendent de facteurs tels que le stade de croissance des arbres et l'époque de l'année. Les forêts de pins du sud des États-Unis sont un bon exemple (Halls et al., 1964) de réussite de l'élevage en forêt. On considère toutefois qu'il n'est pas indiqué d'introduire des chèvres en forêt, parce qu'elles se nourrissent en grande partie du feuillage des jeunes arbres, et également de l'écorce de certaines essences. On a observé, dans le Programme petits ruminants du Centre international de l'élevage pour l'Afrique (CIEA) au Nigeria, que les chèvres de race naine d'Afrique occidentale mangent l'écorce des arbres principalement à la saison sèche, lorsqu'il y a pénurie d'autres aliments. Par conséquent, un aménagement approprié, comportant un affouragement suffisant, l'interdiction du pâturage tant que le feuillage des arbres est à la portée des animaux, et l'utilisation d'essences dont l'écorce n'est pas consommée, permettrait d'admettre avec succès le pâturage des chèvres en forêt, et en particulier dans les reboisements.

Toutefois des difficultés se présentent souvent dans la mise en œuvre d'une politique pastorale, parce que le moment où les dépenses de débroussaillement sont le plus élevées est celui où les arbres sont le plus jeunes, et le plus vulnérables au broutage et au piétinement. L'établissement de clôtures, la création de points d'eau, le recrutement de personnel compétent pour mener les opérations, et les infrastructures nécessaires, représentent une mise de fonds considérable. Les forêts se trouvant le plus souvent dans des régions écartées et peu peuplées, il faut prévoir des logements, et il est difficile de recruter un bon personnel d'encadrement. D'autre part, la conduite du bétail au milieu des arbres est malaisée, en particulier sur de grandes surfaces. L'éloignement favorise les larcins tels que vols de clôtures et de bétail.

Les grandes variations de disponibilités fourragères au cours de l'année ont pour résultat soit une pénurie de fourrage à la saison sèche, soit un sous-pâturage des fourrages ligneux à la saison des pluies, d'où accumulation de fourrage grossier non appété à la saison sèche. Pour que le bétail prospère, il faut prendre des dispositions pour réduire la charge à la saison sèche, ou apporter un complément de fourrage. Les forêts sont généralement établies dans des zones marginales de faible fertilité naturelle, ou dégradées par la culture et le surpâturage et par l'érosion qui en résulte. De telles zones produisent des fourrages de médiocre qualité, ne permettant qu'une faible croissance des animaux. Il faut corriger les déficiences en macro- et oligo-éléments nutritifs pour que l'élevage dans les zones boisées puisse réussir.

Au lieu d'un aménagement associant sylviculture et élevage, on peut recourir à une autre formule qui consiste à amodier les forêts aux éleveurs à des époques déterminées de l'année, normalement au début des pluies lorsque la végétation est la plus vigoureuse et la plus nutritive. Un effort d'organisation important sera encore nécessaire de la part du gestionnaire forestier afin de limiter les dégâts, mais il n'y aura plus de nécessité d'investissements élevés de la part du service forestier.

Le pâturage incontrôlé en forêt peut entraîner une incidence accrue des feux, la coupe illicite d'arbres et de bois de feu, des dégâts aux jeunes arbres, et une dégradation du sol due au surpâturage. Bien que les décisions concernant les droits individuels de pâturage en forêt échappent souvent aux forestiers, l'existence d'un aménagement pastoral raisonné équilibrant les besoins des éleveurs et ceux des forestiers est susceptible de rendre à ces derniers la maîtrise du pâturage en forêt.

L'un des principaux obstacles à l'intégration du bétail à la forêt est sans doute l'hésitation des forestiers à introduire de nouvelles complications dans un système de monoculture qu'ils maîtrisent bien. L'introduction dans l'enseignement forestier de cours d'aménagement pastoral pourra permettre de surmonter en grande partie cette réticence.

Intégration de l'élevage dans les plantations arboricoles

L'utilisation du bétail, et notamment des bovins, dans les plantations arboricoles pour limiter la pousse de l'herbe et des broussailles a souvent été recommandée (Thomas, 1978); elle permet de réduire les coûts d'entretien, tout en fournissant un revenu supplémentaire. Les animaux assurent un recyclage rapide des éléments nutritifs par leurs déjections, et la fertilité du sol peut être accrue. Là où l'on plante des légumineuses entre les arbres, celles-ci fournissent une nourriture supplémentaire pour les animaux, de même que les sous-produits des cultures arboricoles tels que graines d'hévéa, et tourteaux de palmiste et de coprah. Le pâturage dans les plantations arboricoles peut être particulièrement bien observé dans les cocoteraies littorales de la zone humide d'Afrique occidentale.

Dans une étude sur l'élevage dans les plantations, Thomas (1978) note que celles-ci ne fournissent pas un affouragement constant. Il faut un apport de nourriture pendant les périodes les plus sèches de l'année et, comme les plantations sont généralement réalisées en un temps relativement court, les quantités importantes de fourrage disponibles lorsque les arbres sont encore jeunes diminuent fortement au fur et à mesure que ces arbres se développent, et n'augmentent à nouveau que lorsqu'ils atteignent leur maturité et leur taille adulte. Souvent les organismes qui font des plantations en monoculture n'ont ni le personnel compétent, ni les moyens, ni un intérêt suffisant pour mener avec succès de telles opérations. ll se peut que le bétail fasse tomber les godets de saignée dans les plantations d'hévéas, fasse baisser les rendements par suite du tassement du sol, foule les sols glaiseux, accroisse l'érosion et exporte des éléments nutritifs.

Bien que les grandes plantations commerciales de palmier à huile sur sols lourds puissent ne pas être très adaptées à l'élevage, de tels systèmes suscitent un certain intérêt (Aseidu, 1978; Boyé, 1968; Renault, 1968), et une application à échelle commerciale est possible. La SODEPALM en Côte-d'lvoire élève des bovins dans ses palmeraies depuis 1973, et avait en 1977 un troupeau de 4 000 têtes (Koua Brou, 1977; voir aussi l'exposé de Tchoumé dans le présent volume, p. 124). Des recherches effectuées sur les ovins ont montré que ceux qui paissent dans les plantations de palmiers à huile ont un rythme de pâturage moins influencé par les fortes chaleurs et la pluie battante que ceux qui se trouvent dans des enclos dépourvus d'abri (Aseidu, 1978).

Le peuplements semi-spontanés de palmiers à huile dissémines autour des villages d'Afrique occidentale offrent également d'excellentes possibilités de développement du pâturage. Les sols souvent plus légers de ces palmeraies réduisent les risques de tassement et de destruction de la structure, et le couvert clairsemé permet une meilleure pénétration de la lumière. Il faut évidemment un minimum d'aménagement pour éviter le surpâturage, et un complément fourrager, par exemple sous la forme de ligneux à brouter, pour la saison sèche.

On a rapporté des exemples d'intégration réussie de l'élevage d'ovins et de bovins à la cocoteraie dans de nombreux pays, tels que la Tanzanie (Childs et Groom, 1963), le Sri Lanka (Appadurai, 1968), les Philippines (Guzman et Allo, 1975). Aux Philippines, 22 pour cent des cocoteraies sont pâturées, principalement par les bovins, et dans certaines régions cette proportion atteint 60 pour cent (Barker et Nyberg, 1968). Les petits ruminants sont mentionnés comme convenant aux petites exploitations et aux terres en pente, et on recommande un disquage ou un sous-solage tous les quatre ou cinq ans pour éviter une baisse de rendement en fourrage et en noix due au tassement du sol (Guzman et Allo, 1975). L'intégration des bovins à la cocoteraie a amené une augmentation du rendement en noix de coco (Childs et Groom, 1963).

On indique des rendements faibles pour la production animale en association avec toutes ces cultures arboricoles, mais l'emploi d'engrais et d'espèces fourragères améliorées a amené une augmentation de rendement tant des cocotiers que du bétail (Barker et Nyberg, 1968). La plantation en sous-étage de légumineuses fourragères, que l'on coupe pour nourrir les animaux à la saison sèche, peut permettre d'accroître la production animale sans nuire à celle des arbres. Une autre solution possible consiste à réserver des parcelles pour l'affouragement en saison sèche.

L'introduction d'herbivores dans les vergers fruitiers pour limiter la pousse de végétation ligneuse et herbacée entraîne une certaine diminution des récoltes de fruits, en particulier dans le cas des bovins, qui élaguent les basses branches et consomment les fruits à leur portée. Les dégâts au feuillage des arbres fruitiers seraient bien moindres avec des moutons ou des chèvres, bien que ces dernières puissent endommager l'écorce de certaines espèces. Dans les systèmes paysans où l'agriculteur recherche plus la souplesse dans les revenus que l'intensification de monocultures, la perte de production en fruits pourra être plus que compensée par l'économie de temps, d'argent et d'énergie pour le débroussaillement, et par la plus grande souplesse financière offerte par le système.

Culture en allées

L'installation de prairies sur des terres de culture épuisées, avec des espèces ligneuses de légumineuses plantées en haies, conduit tout naturellement au système de « culture en allées », dans lequel on fait des cultures agricoles entre les rangées d'arbres. Lorsque la fertilité et la structure du sol auront été améliorées par l'association herbe/arbres, les allées entre les arbres pourraient être cultivées pendant une ou plusieurs années, après quoi le terrain ferait retour à la prairie. Au cours du cycle de culture, les végétaux ligneux seraient utilisés soit en engrais vert toute l'année, soit en engrais vert au début de la saison des pluies et en fourrage coupé pendant le reste de l'année, soit encore en fourrage coupé pendant toute l'année, le fumier étant retourné au sol pour les cultures agricoles. Un obstacle possible à un tel système pourrait être le système radiculaire traçant des végétaux ligneux, pouvant rendre le travail du sol difficile et concurrencer la culture vis-à-vis de l'eau et des éléments nutritifs.

Recherches en cours

Les recherches en cours au Programme petits ruminants du CIEA comprennent des enquêtes dans les villages pour déterminer les contraintes à la production animale, l'effet des soins vétérinaires sur la mortalité du bétail, et la mise en place d'unités de production agricole qui mettront au point les systèmes de gestion appropriés pour l'élevage des petits ruminants avec des fourrages herbacés et ligneux. Des essais préliminaires portant sur 23 espèces indigènes de fourrages ligneux utilisées par les villageois sont prévus. La valeur comparée d'un certain nombre de systèmes agricoles, tant du point de vue de l'exploitant agricole que du maintien de la fertilité du sol, sera testée. Les traitements étudiés comprendront: prairie permanente avec fourrages ligneux en haies, rotations culture en allées-pâturage, culture en allées en utilisant le feuillage des végétaux ligneux comme paillis, et culture continue sans allées. Les espèces ligneuses fourragères utilisées seront Leucaena leucocephala et Gliricidia sepium.

 

Associations agrosylvicoles de cacaoyer et bananier avec terminalia superba dans le mayombé (Republique populaire du Congo)

J. P. Koyo
Centre technique forestier tropical, centre du Congo

Résumé

Le massif forestier du Mayombé est situé à 70 km au nord-est de Pointe-Noire, capitale économique et seul port de mer du Congo. Initialement très riche en Terminalia superbe, ce massif a fait l'objet d'une exploitation très intensive.

En 1950, un vaste programme de plantations artificielles de limba (Terminalia superba) y fut entrepris en vue d'assurer une production soutenue de cette essence. Par ailleurs, des essais d'association limba-cacaoyer et limba-bananier furent mis en place dans des placettes échantillons. L'association limba-bananier a donné des rendements encourageants pour les deux espèces, mais il n'en est pas de même de l'association limba-cacaoyer. Après une quinzaine d'années des difficultés surgissent pour la sylviculture du limba - notamment éclaircie - ainsi qu'une concurrence au niveau des racines entre les deux espèces.

Les agriculteurs font souvent des cultures vivrières en association avec T. superba. Il convient de les encourager, à condition qu'ils prennent suffisamment de précautions durant le défrichement et l'incinération.

Des recherches sont nécessaires pour déterminer les facteurs susceptibles d'influer sur la réussite des nouvelles techniques. Enfin, un effort doit être fait pour éduquer et informer les populations sur ces nouvelles méthodes de plantation.

Introduction

Le Mayombé est une zone forestière très accidentée située à environ 70 km au nord-est de Pointe-Noire, et se prolongeant au Zaïre et en Angola (enclave de Cabinda). La station forestière du Mayombé a été créée vers 1927 sur les premiers contreforts à environ 80 km de la côte. Le climat est du type subtropical semi-humide. La saison des pluies commence en novembre et se termine en avril, avec une interruption de durée variable entre décembre et février. La pluviométrie varie entre 1 300 et 2 300 mm, mais est le plus souvent autour de 2 000 mm. Le maximum de précipitations se situe généralement en novembre ou en mars-avril. La saison sèche se caractérise par 4 à 5 mois écologiquement secs, de juin à octobre. Elle est également marquée par un faible déficit de saturation, et par l'abondance de brouillards matinaux. Les températures oscillent faiblement autour de 25 °C. En saison sèche, elles sont relativement basses, environ 18° à 22 °C.

La végétation naturelle est constituée par une forêt semidécidue initialement très riche en limba (Terminalia superba). Les essences de l'étage dominant fréquemment rencontrées en association avec le limba sont: Desbordesia pierreana, Dacryodes pubescens, Irvingia gabonensis, Combretodendron africanum, Gambeya africana, Standtia stipitata, Pentaclethra macrophylla, Baillonella toxisperma, Dialium sp., etc.

Jusqu'en 1950, les travaux effectués à la station concernaient essentiellement la mise en place d'un arboretum de près de 20 ha, et l'étude du comportement de quelques essences autochtones. En raison de l'exploitation intensive à laquelle a été soumis le limba, notamment après la Deuxième Guerre mondiale, un vaste programme de plantations artificielles fut entrepris. Entre 1950 et 1961, 6435 ha de plantations de limba furent réalisés, en vue d'assurer une production soutenue en bois de cette essence. Ces plantations ont été faites à partir de deux centres assez voisins: N'boku - N'situ, situé à 4°26' de latitude Sud et 12°16' de longitude Est, et Bilala, situé à 4°30' S et 12°13' E.

Les plantations du Mayombé ont été installées sur des sols extrêmement variables. On rencontre par exemple des peuplements sur sols appauvris d'anciennes cultures vivrières, sur sols alluvionnaires relativement frais et fertiles, et sur sols très fertiles issus de roches schistocalcaires et schisto-gréseuses. Le limba affectionne les sols forestiers argileux et frais présentant un bon bilan hydrique.

La pression démographique est particulièrement forte dans la zone couverte par les plantations de limba. Compte tenu d'une part de la forte densité de population et de l'intense activité agricole, et d'autre part de la superficie importante occupée par les peuplements artificiels de limba, les paysans n'ont pas toujours les terrains voulus pour leurs cultures, et ils sont amenés à planter des bananiers, du manioc et du taro sous le limba.

Le Centre technique forestier tropical du Congo évalue tous les quatre ans le comportement de ces peuplements, à travers des placettes échantillons fixes d'un hectare chacune, dont certaines comportent des essais d'association limba-cacaoyer et limba-bananier.

Les méthodes d'enrichissement de la forêt par les interventions susceptibles de favoriser la régénération naturelle n'ont pas été retenues. Il en est de même de certaines méthodes artificielles qui ne donnaient pas au limba la possibilité de profiter au maximum et de manière régulière de la lumière, d'autant que le limba est une essence très héliophile. C'est ainsi que la méthode des layons a été écartée. La méthode taungya n'avait pas été retenue non plus, même si par la suite quelques associations timides ont été testées. La méthode qui a été choisie en définitive consistait à créer artificiellement, après destruction totale de la forêt préexistante, des peuplements purs équiennes de limba à écartement en général définitif: 10 x 10 m, 12 x 12 m, 12 x 11 m. La méthode comporte en général les opérations suivantes:

Association limba-cacaoyer

Un essai d'association limba-cacaoyer a été entrepris sur une parcelle de 450 ha. Les conditions édaphiques de cette parcelle sont parmi les meilleures du périmètre. L'ouverture et la préparation du terrain ont été effectuées suivant la méthode décrite plus haut. La mise en place du limba a eu lieu en novembre 1954, à l'écartement de 12 x 11 mètres. Le cacaoyer a été planté en 1963-1965 entre les limba à l'écartement de 3 x 3 m (1 100 plants/ha).

Le limba est une essence très exigeante vis-à-vis du sol. Dans la forêt naturelle, on le rencontre généralement à l'état grégaire sur des sols à texture fine de structure convenable et ayant une bonne perméabilité à l'air et à l'eau. C'est une espèce indicatrice de sols fertiles, information largement exploitée par les paysans dans le choix de terrains pour leurs cultures.

Le cacaoyer est une culture pérenne dont les exigences édaphiques sont énormes. Il préfère des sols à profil profond, de bonne structure permettant une bonne aération et une perméabilité à l'eau convenable. Au Congo, c'est dans les sols argileux rouges dotés d'une économie en eau favorable que le cacaoyer vient le mieux. Outre une réserve suffisante en éléments minéraux, la teneur en matière organique revêt pour le succès de la plantation une importance primordiale.

L'association a dès le départ été très bénéfique pour le limba, qui a vu sa croissance dépasser celle de toutes les autres parcelles dans le jeune âge. La concurrence du recrû était supprimée, le sol étant parfaitement propre sous les cacaoyers. C'est à partir de 1969 que l'on a constaté un net ralentissement de la croissance en circonférence et en volume moyen des limba sur cacaoyer, par rapport à des placettes comparables en fertilité. Cette diminution relative de croissance est plus marquée sur les 39 plus beaux arbres de la placette. Il semble donc d'après ces résultats qu'au bout d'une quinzaine d'années le cacaoyer soit en situation de concurrence aiguë au niveau des racines avec le limba.

La cacaoyère n'ayant pas été convenablement suivie, il ne nous a pas été possible de disposer de données fiables sur le comportement du cacaoyer sous limba. Pour une superficie d'environ 10 ha, la production des quatre premières années (1970-1973) a été de 49 kg/ha, 67 kg/ha, 31 kg/ha et 16 kg/ha. Ces productions on ne peut plus maigres sont probablement dues d'une part aux conditions écologiques tout à fait marginales du Mayombé pour la culture du cacaoyer, et d'autre part aux effets dépressifs de l'association.

Association limba-bananier

Ce type d'association est très largement pratiqué à la fois par l'Office congolais des forêts (organisme national chargé du reboisement) et les populations de Bilala, Bilinga et des alentours. La préparation du terrain destiné à recevoir le bananier consiste à détruite totalement le recrû existant sous les limba âgés. Sans incinération préalable, la trouaison et la mise en place de rejets interviennent au début de la saison des pluies à l'écartement de 4 x 4 m. L'espèce la plus couramment plantée est Musa sapientum, variété Gros-Michel. Ce genre d'exploitation extensive avait déjà été testé avec succès dans le Mayombé zaïrois (à Luki) vers les années 1950 (INEAC).

Les rendements sont de l'ordre de 3 tonnes de régimes par hectare et par an. Le limba profite pleinement des travaux d'entretien effectués en faveur de la bananeraie. La concurrence au niveau des racines est faible, compte tenu d'une part du caractère traçant de l'enracinement du bananier, et d'autre part de la durée de vie de la bananeraie, qui est d'environ dix ans.

Association limba-autres cultures

En raison de la forte pression démographique dans la zone considérée, il arrive assez souvent que les populations mettent en association plusieurs cultures vivrières sous limba: manioc, bananier (plantain), taro, maïs, igname, légumes, etc. Ces cultures n'étant ni pérennes, ni à enracinement profond, les risques de concurrence sont très limités. Il faut cependant noter que le manioc est susceptible d'acidifier les sols.

Les grands dangers de l'association du limba avec des cultures vivrières résident dans le fait que traditionnellement ces cultures sont pratiquées sur brûlis. Les paysans ont donc tendance à incinérer leur terrain avant la plantation sans précautions préalables pour le limba. Les limba sont donc quelquefois atteints par le feu et dépérissent très rapidement, l'espèce étant très sensible à la flamme.

Conclusion

L'agrosylviculture est une méthode de régénération qui a fait ses preuves dans de nombreux pays tropicaux: Birmanie, Java, Inde, Malaisie, Nigeria, etc. Sa réussite au Congo passe d'abord par la solution de certains problèmes d'ordre technique et d'éducation.

Sur le plan essentiellement technique, il est primordial que les forestiers et agronomes choisissent judicieusement les espèces à associer. Ce choix doit naturellement tenir compte du tempérament, des exigences et des conditions écologiques optimales des espèces agricoles et forestières considérées. A ce point de vue l'association limba-cacaoyer au Mayombé est à proscrire pour diverses raisons:

Par contre, l'association limba-bananier semble donner des résultats relativement encourageants dans la mesure où le bananier est une plante moins pérenne que le cacaoyer et a un enracinement très superficiel.

Lorsque le choix des espèces est effectué, il est important de mettre au point les techniques de plantation (ouverture du terrain, incinération ou non, moment de la mise en place des deux espèces, type d'entretiens, etc.), conditions nécessaires à la bonne réussite de l'opération. A priori l'incinération est à proscrire.

Le principe de cette méthode de régénération étant étroitement lié au monde rural, il est capital qu'un travail d'éducation et de vulgarisation soit mené envers les populations afin de leur faire sentir l'intérêt et les conditions de réussite des nouvelles techniques de plantation.


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