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Aiah P. Koroma
Division des forêts, ministère de l'Agriculture et des
forêts, Freetown, Sierra Leone
Résumé
L'auteur décrit brièvement l'agriculture et l'élevage, la méthode de reboisement en taungya, et l'évolution de la sylviculture et de l'agroforesterie au Sierra Leone.
Deux facteurs ont conduit à l'introduction de l'agroforesterie: le déboisement rapide des forêts non classées dû à l'expansion de l'agriculture, et la réticence des propriétaires terriens à mettre en réserve de nouvelles terres pour y conserver la forêt, qui ne procurait aucun revenu immédiat en argent.
Afin d'alléger la pression croissante sur les terres forestières, on applique des méthodes d'aménagement et des techniques sylvicoles modifiées, comportant diverses cultures agricoles en sous-étage dans les plantations forestières. L'idée est de conserver la végétation, réduire au minimum l'érosion des sols, et encourager une participation active des agriculteurs à la production simultanée d'aliments et de bois sur lamême surface de terre.
Introduction
Le Sierra Leone a un climat tropical, avec des températures élevées, une forte humidité, et des pluies abondantes. La saison des pluies va de mai à octobre, avec un maximum de pluviométrie en juillet et août. La pluviométrie décroît de la côte vers l'intérieur; elle est par exemple de 3 800 mm à Freetown, sur la côte, et de 2 100 mm à Kabala, dans l'extrême nord-est.
Topographiquement, on peut diviser le pays en trois grandes zones: 1) la plaine côtière marécageuse; 2) le plateau intérieur, d'une altitude de 450 m environ; 3) les montagnes du nord-est, dont les sommets dépassent 1 800 mètres.
La superficie totale du Sierra Leone est de 72 326 km², se répartissant comme suit: terres agricoles, 60 %, pâturages, 18%, mangroves et marécages continentaux, 8 %, forêt, 4,25 %, autres, 9,75 %.
L'agriculture est le secteur le plus important de l'économie, mais en dépit des mesures économiques et sociales appliquées c'est celui qui a le niveau de revenus le plus bas. La productivité par travailleur est estimée à 100 Le, par an, soit moins de la moitié de la moyenne nationale pour tous les secteurs (220 Le). Par comparaison, elle est de 880 Le dans les mines, et de 330 à 900 Le pour les autres secteurs. La faible productivité du secteur agricole montre qu'il est nécessaire de lui appliquer des conceptions et des techniques plus efficaces. Les systèmes agricoles actuels doivent être réévalués et améliorés.
Systèmes agricoles
Dans la moitié nord du pays, la longue saison sèche limite la production aux bovins et aux cultures annuelles, tandis que le climat et la pluviométrie du Sud conviennent à la culture du cacaoyer, du caféier et du palmier à huile, qui à eux trois fournissent l'essentiel des exportations agricoles. Les principales cultures vivrières pratiquées au Sierra Leone sont le riz, le sorgho, le mil, le mais, le manioc, les patates douces, l'arachide et le sésame, le riz restant de loin la plus importante; il représente plus de 75 pour cent des superficies de cultures vivrières, et emploie plus de 80 pour cent de la population agricole. La production annuelle est actuellement évaluée à 800 000 tonnes.
La superficie totale cultivée en riz de montagne était en 1970 d'environ quatre fois celle des rizières inondées (236 400 ha contre 60 800 ha), bien que ses rendements moyens soient généralement très inférieurs, et accusent une tendance à la diminution par suite du raccourcissement des périodes de jachère.
Traditionnellement, la culture en sec consiste principalement en un système de jachère arbustive ou herbacée, dans lequel une période de culture de quelques années est suivie d'une jachère qui dure huit à douze ans dans la Province orientale, quatre à six ans dans la Province du Nord. A l'issue de la période de jachère, la végétation naturelle est coupée et brûlée. Les semences de riz sont mélangées à celles d'autres cultures en sec telles que mais, sorgho, mil, sésame, pois d'Angole, gombo, haricots, etc., et semées à la volée en bandes séparées. Le riz est récolté d'abord. Le manioc, principale racine alimentaire cultivée dans le pays, est planté en dernier lieu dans la rotation, avant la mise en jachère.
Bien que les rizières inondées s'avèrent plus rentables que les cultures en sec, beaucoup d'agriculteurs répugnent à les adopter, soit parce qu'ils n'en connaissent pas la technique, soit parce qu'ils préfèrent la culture en sec pour la variété de produits qu'elle fournit.
Le café, le cacao et l'huile de palme sont les principales exportations agricoles; l'arboriculture est par conséquent une importante source de devises étrangères. La superficie totale de palmeraies est estimée à environ 4,5 millions d'hectares en peuplements naturels, dont la densité varie de 15 à 150 pieds à l'hectare. Il y a environ 2 240 ha de cacaoyères, limitées principalement à la Province orientale. Comme autres cultures arborescentes on trouve le colatier, I'anacardier, le cocotier, les agrumes.
La culture du tabac est d'introduction assez récente. En 1961 on comptait 24 planteurs de tabac, et en 1971 plus de 15 000. Cette culture, cantonnée à l'origine dans la Province du Nord, a été récemment introduite dans la Province méridionale.
L'élevage est centré sur les bovins, dont les populations se concentrent principalement dans la partie nord du pays où l'on trouve de vastes superficies de pâturages de savane naturelle entremêlées de zones en pente douce. La douceur du climat et la faible densité de population favorisent une production potentielle élevée. Le troupeau, de race N'dama, est estimé entre 250 000 et 300 000 têtes. Le nomadisme est un problème social et économique fondamental, et les projets de sédentarisation de la Division de l'élevage ont échoué.
Les effectifs totaux de petit bétail étaient estimés en 1975 à 62 000 ovins et 175 000 caprins. Ils sont répartis à travers le pays, mais les plus grands troupeaux appartiennent aux éleveurs de bovins de la Province du Nord.
Agroforesterie: des débuts modestes
Vers le milieu des années quarante les administrations locales commencèrent à s'intéresser à la forêt, et à planter des essences à bois d'uvre, souvent le long des routes en bandes n'excédant pas 170 m de large. Cela les amena à se pencher sur les techniques de reboisement, et à chercher les moyens de réduire le coût du défrichement de la jachère arbustive préalablement à la plantation, et à raccourcir la longue période d'attente entre le moment où la plantation est installée et celui où elle commence à produire un revenu.
La taungya était considérée comme un moyen de réduire le temps et le coût nécessaires pour installer le peuplement forestier. La première tentative réelle de plantation forestière selon le système taungya fut faite vers la fin des années trente, avec 50 pour cent d'essences indigènes et 50 pour cent d'exotiques: Gmelina arborea, Tectona grandis et Cassia siamea. On constata que ce mélange n'était pas judicieux, car les essences exotiques poussaient plus vite que les essences indigènes.
Par la suite, on essaya de planter des essences locales sous le couvert de peuplements en place de Gmelina. L'idée était que si certaines des essences indigènes de plus grande valeur montraient des signes de réussite, on recourrait plus tard à l'éclaircie pour les favoriser. D'une manière générale c'était une réaffirmation de la politique donnant la préférence aux essences indigènes sur les essences exotiques. Mais le Gmelina, essence à croissance rapide, finit par submerger toutes les essences indigènes.
Dans les premières années d'application du système, une tentative notable a été faite pour réduire le temps entre l'installation de la plantation et son exploitation, grâce à l'introduction d'un sous-étage de cacaoyer. Des parcelles de démonstration et d'observation furent mises en place, avec des conditions d'éclairement variées. Les résultats furent heureux, et l'on étendit progressivement les reboisements selon ces principes, au fur et à mesure que les pépinières administratives locales produisaient davantage de plants. Le cacaoyer, qui remplaçait en partie le sous-étage naturel, fournissait rapidement un revenu en argent, sous forme de menus produits forestiers. Malheureusement, à la suite des changements de personnel et de la difficulté de faire pousser le cacaoyer dans des sols qui ne lui convenaient pas, ces essais furent négligés et finalement interrompus.
Le système taungya, toutefois, est toujours en vigueur; il est fondé sur une coopération entre l'administration et les agriculteurs. Chaque année les zones de plantation sont délimitées en décembre ou janvier, et des invitations sont envoyées par l'intermédiaire des chefs suprêmes aux agriculteurs qui possédaient précédemment les terres; ce sont eux qui ont un droit prioritaire de cultiver la terre en échange du défrichement de la jachère arbustive, et du respect des directives de plantation fixées par les autorités. Seul le propriétaire originel de la terre peut rejeter l'offre de cultiver, et transmettre ses droits à quelqu'un d'autre.
Lorsque la brousse est coupée, on la laisse sécher, et on la brûle ensuite vers mars-avril. Le service forestier établit une liste des cultures autorisées, et fixe les autres conditions à respecter. En juin-juillet, les jeunes plants forestiers sont mis en place par le personnel forestier, après que l'agriculteur a installé ses propres cultures.
L'espacement des arbres forestiers varie selon la station et selon l'essence employée. La tendance générale est aux larges écartements, par exemple 2,5 x 2,5 m, 3 x 3 m et 4,5 x 4,5 m pour Gmelina arborea, Terminalia ivorensis, T superba, Cordia alliodora et Nauclea diderrichii.
La principale culture agricole utilisée en taungya est le riz, mais les agriculteurs sont autorisés à semer du maïs, du sorgho, des pois, du manioc, des gombos. Ils entretiennent les jeunes arbres en même temps que leurs cultures.
Après la seconde année, ou parfois la troisième, l'agriculteur se voit attribuer une autre parcelle. Dans la plupart des cas, là où il n'y a pas pénurie de terres, et dans les zones écartées où le service forestier est obligé de reboiser rapidement, les cultivateurs sont les salariés forestiers. Des villages sont construits pour eux, et toutes les cultures agricoles qu'ils font leur appartiennent.
L'idée d'une production simultanée de bois et de cultures agricoles sur une même superficie de terres a été remise en honneur à la suite de certains faits nouveaux apparus au cours de la mise en uvre du premier plan quinquennal de développement. Il s'agissait de la disparition rapide de la forêt dans les zones non réservées par suite de l'accroissement démographique, du retour à la terre d'hommes travaillant précédemment dans les mines, et de l'accent mis par le gouvernement sur l'augmentation de la production des cultures vivrières et commerciales afin d'économiser et de se procurer de précieuses devises étrangères.
Les terres du pays sont collectives en majeure partie, avec un droit d'usufruit individuel; il n'existe pas de régime foncier formel, sauf dans la péninsule de Freetown, c'est-à-dire sur le territoire de l'ancienne colonie. D'autre part, le sentiment s'est répandu de plus en plus dans le pays que les propriétaires qui avaient abandonné leurs terres pour qu'elles soient classées en réserves forestières n'avaient pas reçu de compensation immédiate ou suffisante. Il devenait, par la suite, extrêmement difficile pour l'État de se procurer de nouvelles terres à reboiser ou même de conserver le domaine forestier existant.
Le service forestier, en conséquence, commença en 1976 à introduire des cacaoyers, des caféiers et des. colatiers en sous-étage dans les plantations de Terminalia ivorensis et T. superba. Les premiers essais qui avaient été faits dans la forêt classée de Kasewe vers la fin des années cinquante s'étaient avérés satisfaisants, et il semble que le caféier soit appelé à devenir la principale espèce de sousétage sur de vastes surfaces de plantations à large écartement dans les forêts classées et dans les plantations en layons des forêts des administrations locales.
Ces cultures pérennes sont introduites en sous-ètage à des espacements de 7,5 x 7,5 m, 9 x 9 m, 10,8 x 10,8 m, ce qui donnera une densité finale de 178, 121 et 85 plants à l'hectare respectivement, lorsque les plantations seront âgées de douze à quinze ans. Lorsque ces cultures auront atteint leur âge limite, soit environ trente ans, on compte exploiter toute la surface en coupe à blanc et replanter en taungya. L'entretien, à partir du moment où les cultures agricoles seront plantées, sera effectué par l'agriculteur- le propriétaire ou occupant primitif - à qui la plantation sera affermée moyennant une redevance annuelle fixée par accord mutuel. On a également, depuis peu, introduit du manioc et des patates douces dans des plantations presque adultes de Terminalia ivorensis, T. superba, Cordia alliodora et Gmelina arborea. Aucune mesure de rendement n'a jusqu'à présent été prise.
Pratiques agrosylvicoles au Togo
O. Nadjombé
Directeur général de l'Office de développement et
d'exploitation des forêts (ODEF), Lomé, Togo
Résumé
Le présent rapport expose succinctement l'évolution, sous la pression démographique, des pratiques agroforestières au Togo. Dans une première partie, il fait état de l'équilibre qui a existé entre le mode traditionnel d'exploitation des terres et leur faculté de régénération naturelle à une époque où la densité de population était encore faible. Mais avec l'augmentation de la population et la nécessité d'une production agricole accrue, cet équilibre a été rompu, ce qui a entraîné la destruction des écosystèmes forestiers et mis en échec du même coup le respect des règles coutumières d'exploitation des terres. La deuxième partie décrit le système taungya tel qu il a été introduit au Topo pour la première fois en 1954, et son évolution jusqu'à ce jour.
Introduction
Le Togo compte environ 4 794 km² de forêts denses semidécidues, généralement morcelées en massifs de moins de 5 000 hectares, en grande partie envahis par les cultures de caféier et de cacaoyer. Les pratiques agroforestières actuelles sont en relation étroite avec le mode traditionnel de tenure des terres.
Le régime foncier coutumier découle de l'organisation clanique de la population togolaise, caractérisée par l'occupation en territoires autonomes des collectivités constituées par tous les descendants d'un ancêtre commun. Le principe de base de ce régime foncier coutumier est la propriété collective, qui fait que la terre n'appartient à personne; toutes les terres comprises dans les limites territoriales d'un clan constituent une entité à la disposition de tous les membres du clan. Le régime foncier coutumier est parfaitement adapté à l'agriculture extensive nomade pratiquée jusqu'à nos jours par les populations intéressées.
Par suite de l'augmentation de la population et de l'accroissement des besoins des centres urbains, les superficies cultivées se sont étendues progressivement au détriment des superficies boisées, livrées à des défrichements inconsidérés. On assista à la destruction progressive et inéluctable des forêts, dont le processus a été d'autant plus rapide et irréversible que la densité des populations était plus forte.
Pendant que les réserves de terres boisées des clans s'amenuisaient, la capacité de régénération naturelle des terres « savanisées » était compromise par les feux de brousse. Seules quelques essences forestières contribuant à la vie des populations rurales étaient sauvegardées et même cultivées. Cette action a marqué spectaculairement le paysage des régions fortement déboisées; c'est ainsi qu'on rencontre aujourd'hui des peuplements de karité (Butyrospermum parkii ou Vitellaria paradoxa), de néré (Parkia biglobosa), de baobab (Adansonia digitata). etc., entretenus à cause de leur contribution à la vie dans les collectivités locales.
L'agroforesterie, définie comme la culture des arbres en association avec l'agriculture pour l'obtention de produits ligneux, n'existe pas en tant que système agricole au Togo. Il faut signaler que l'ombrage des grands arbres de la forêt humide, au sud-ouest du pays, a favorisé la culture du caféier et du cacaoyer, de sorte qu'actuellement tous les massifs forestiers de cette région sont remplacés par les plantations de café et de cacao.
Les systèmes taungya
L'administration forestière, consciente des graves menaces de disparition des forêts classées aux alentours des agglomérations rurales, avait pensé à utiliser le système taungya comme compromis entre le déclassement et le statu quo. Dès 1954, la culture en forêt classée avait été autorisée dans quelques zones du territoire sous la condition que les parcelles cultivées soient simultanément plantées en teck, essence forestière introduite à l'époque de la colonisation allemande et qui s'est parfaitement bien adaptée au Togo.
Au début, le système consistait à laisser le soin à chaque paysan de choisir librement son lieu d'implantation en forêt classée et la superficie désirée selon ses critères propres et sa capacité de travail. Il préparait le terrain avec ses moyens traditionnels et assurait la mise en place et l'entretien des plants fournis par l'administration forestière sous le contrôle de laquelle étaient effectuées, en principe, toutes les opérations. Les récoltes appartenaient en totalité au paysan, qui était autorisé à ouvrir de nouvelles parcelles suivant ses besoins et après la prise en charge des anciennes parcelles par l'administration forestière lorsque le couvert des jeunes plants commençait à gêner le développement des cultures vivrières. En ce qui concerne les cultures vivrières pratiquées, le soin d'en décider selon son expérience empirique était laissé également au paysan, à l'exception des cultures pérennes comme le palmier à huile, les agrumes, le caféier, le cacaoyer, etc., qui lui étaient interdites.
Par la suite et après une évaluation des résultats par l'administration forestière, certaines modifications ont été apportées à cette première formule de taungya. Déjà en 1958 l'obligation existait pour les paysans de disposer leurs parcelles de façon qu'elles soient contiguës les unes aux autres, en formant des blocs d'un seul tenant. Ce souci de regroupement était motivé par les difficultés de gestion dues aux petites dimensions des parcelles, à leur hétérogénéité, à leur dispersion géographique dans une même forêt, et à leur mauvaise distribution par classes d'âge.
En ce qui concerne les cultures à pratiquer, il était recommandé de n'utiliser que le maïs, l'igname et le haricot en association avec le teck. Cette option n'était dictée que par la simple observation de la croissance du teck dans les autres cultures comme le manioc, le cotonnier, le sorgho, etc., sans qu'aucune expérience scientifique ait justifié cette recommandation.
Malgré de larges concessions faites par l'administration forestière, permettant aux individus de pratiquer des cultures vivrières en forêt classée, l'hostilité des usagers coutumiers à l'égard du principe du classement des forêts a grandi, et s'est finalement traduite par un envahissement massif et incontrôlable des forêts classées par les tenants de la coutume, qui se sont même permis d'installer des cultures prohibées - palmier à huile, café, cacao, etc. Cette situation a amené le service forestier à suspendre le système taungya peu après l'accession du pays à l'indépendance, afin de défendre le domaine forestier contre tout empiècement
Il faut souligner que l'hostilité manifestée par la population à l'encontre de ce « programme taungya » procédait du mécontentement provoqué par le principe de classement systématique sans justification, puisqu'on n'avait réalisé aucun aménagement par la suite dans les forêts ainsi classées.
Avec l'aide de la FAO (Organisation pour l'alimentation et l'agriculture), l'Office de développement et d'exploitation des forêts (ODEF), organisme d'État créé en 1971 pour dynamiser les activités de reboisement, a repris en 1972 sur ses chantiers la pratique du système taungya, en y introduisant des éléments nouveaux tels que l'octroi de primes en espèces et en nature, pour encourager les paysans. Le montant de la prime en espèces avait été fixé à 6 000 Fr CFA (en 1981, 400 Fr CFA = 1 $US), à quoi s'ajoutaient des vivres PAM pour une valeur de 23 000 Fr CFA au cours de la première année d'exécution du contrat. Ces moyens d'incitation ont permis la réalisation de plus de 1 200 hectares de plantations de Terminalia superba avant que le système ne se heurtât à des difficultés qui l'ont, de nouveau, plongé dans l'abandon: - Pour le Terminalia superba, les plantations en système taungya sont mises en place sur des terres recouvertes de forêts denses semidécidues très recherchées pour le défrichement en vue des cultures vivrières par les paysans. En effet, la culture vivrière principale en système taungya étant le mars, celuici, au Togo, est généralement installé sur défrichement de forêt et ne vient pas en tête d'assolement en savane où on ne l'installe qu'en deuxième position sur une avant-culture d'ignames. Les terres sous forêt étant épuisées et l'ODEF n'étant pas disposé à pratiquer des assolements dans le système taungya, les paysans ne trouvaient plus aucun intérêt à s'engager dans ce système, étant donné que les terres sous savane sont disponibles partout aux alentours des forêts classées. - Les plantations de T superba et de teck sont généralement remises à l'administration forestière après deux années de culture par les paysans. Les chantiers étant éloignés des agglomérations humaines, la main-d'uvre fait défaut pour poursuivre l'entretien et les travaux connexes à l'entreprise du reboisement. Cette situation a laissé un grand nombre de ces plantations dans un état déplorable.
Dès lors que le système taungya se heurtait à des difficultés presque insurmontables sur les plans sociologique et technique, il fallait y remédier en trouvant une nouvelle formule. Ainsi l'idée de faire effectuer en régie tous les travaux, dans les plantations forestières en association avec les cultures vivrières, a été lancée sur un chantier semi-mécanisé de reboisement en eucalyptus près d'un grand centre urbain pouvant fournir la maind'uvre complémentaire nécessaire. Cette formule devrait permettre de résoudre le problème du manque de maind'oeuvre et celui de l'utilisation des terres sous savane qui a mis en échec la poursuite du système taungya pour les plantations de T. superba.
Pour la première fois au Togo, le principe de rendement brut maximal de la terre dans une association de la forêt et de l'agriculture a été avancé pour la mise en place de cette nouvelle formule. Certes, ce principe existe également dans le système taungya utilisant les paysans, mais la différence fondamentale vient du fait qu'on cherche d'une part, dans le système classique, à faire produire à la terre le maximum de bois et de vivres quel que soit le coût - ce coût non comptabilisé étant en fait constitué principalement par le travail du paysan - alors que d'autre part dans la régie, pour le même objectif de production, il faut prendre en considération le coût de production. Des essais ont été entrepris et se poursuivront en mettant l'accent sur l'amélioration des rendements et sur l'étude des techniques appropriées (par exemple densité des cultures vivrières intercalaires dans les plantations forestières).
Actuellement le coût de production des cultures vivrières réalisées au moyen de la régie en association avec les essences forestières excède les limites acceptables. Cette situation n'est pas particulière à l'agroforesterie, mais s'applique à toutes les cultures vivrières dans l'agriculture togolaise. C'est le résultat du système agricole traditionnel, fondé sur l'obtention des produits essentiels par la mise en uvre de moyens en énergie humaine à coût négligeable.
En dehors de ces efforts tendant à résoudre partiellement par le système taungya le problème de l'insuffisance de terres fertiles et de la pénurie de bois, un programme d'expérimentation visant à raccourcir la durée des jachères par leur enrichissement est mis en place dans le Nord Togo. Dans cette région du pays où la densité de population (40 habitants/km²) ne permet plus de compter sur la durée de vingt-cinq ans jusqu'ici observée pour les jachères, il s'agira de trouver et d'appliquer des techniques forestières de reconstitution rapide du couvert forestier afin d'accélérer la régénération naturelle des sols dont les usagers sont incapables de maintenir la fertilité par des apports d'engrais chimiques.