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Les systèmes taungya: Aspects biologiques et productivité

Perspectives et limitations socio-économiques des systèmes taungya
Création de villages forestiers au Gabon
La taungya au Sierra Leone
Pratiques agrosylvicoles au Togo
Évolution des systèmes taungya dans les forêts humides de plaine du Nigeria entre 1975 et 1980
Rendement des cultures vivrières dans les plantations de gmelina dans le sud du Nigeria
Résumé de la discussion: Les systèmes taungya. aspects biologiques et productivité

Perspectives et limitations socio-économiques des systèmes taungya

E. E. Enabor, J. A. Okojie et 1. Verinumbe
Département de l'aménagement des ressources forestières, Université d'lbadan, et Institut international d'agriculture tropicale.

Résumé

Les systèmes taungya englobent de multiples méthodes de mise en valeur des terres comportant une association de production forestière et agricole. Sous les tropiques, la terre est un des facteurs de production les plus importants, et les populations en dépendent étroitement pour leurs moyens d'existence. L'introduction de la taungya a atténué les effets néfastes de la mauvaise utilisation des terres par les systèmes agricoles traditionnels, accru les disponibilités alimentaires et contribué de manière notable au bien-être socio-économique des populations rurales. Les auteurs montrent que les facteurs socio-économiques plaident en faveur de la taungya dans les tropiques, en particulier si une aide gouvernementale appropriée permet de pallier les limitations en matière de main-d'œuvre et de capital.

Introduction

La terre est un facteur de production essentiel, sinon le plus important sous les tropiques, où l'activité principale est l'agriculture qui emploie plus de 60 pour cent de la population active. L'agriculture constitue le secteur dominant des économies tropicales, non seulement en tant que principale source de nourriture pour la majorité de la population, mais également du fait de la part qu'elle occupe dans la production nationale, et qui excède souvent 50 pour cent. Pour de nombreux pays tropicaux, les perspectives de développement dépendent du prix des produits agricoles et forestiers sur les marchés internationaux.

Le parti pris en faveur des cultures destinées à l'exportation, et la primauté qui leur a été accordé dans le passé, ont été une des causes principales des pénuries alimentaires et de la malnutrition qui ont affecté les pays tropicaux, et dont on commence seulement maintenant à mesurer la dimension réelle (Okurume, 19701. Les données recueillies par la FAO (1976) indiquent que le taux d'accroissement annuel moyen de la production alimentaire par personne dans les pays en développement est tombé de 0,6 pour cent en 1961-1970 à 0,2 pour cent en 1971-1975. En Afrique, ce taux a été de 2,1 pour cent en 1971-1975, au lieu de + 0,4 pour cent en 1961-1970.

Si ces tendances ne sont pas renversées, les pays tropicaux en développement seront confrontés vers la fin du siècle au spectre de la pénurie alimentaire chronique, de la malnutrition généralisée et de la famine.

L'agriculture tropicale est particulièrement extensive, étant basée sur un système de culture itinérante ou de rotation selon lequel les agriculteurs cultivent une parcelle de terre pendant quelques années, l'abandonnent à la jachère pour qu'elle recouvre sa fertilité, et se déplacent pour aller cultiver une autre parcelle. Il se peut qu'ils cultivent ainsi successivement plusieurs parcelles avant de retourner à la première, à la fin du cycle cultural. La culture itinérante nécessite généralement une vaste superficie de terres par famille d'agriculteur, et son efficacité est subordonnée à des disponibilités pratiquement illimitées de terres pour une population agricole relativement peu nombreuse (Kio, 1972).

La population des tropiques a crû très rapidement au cours des vingt dernières années, le taux moyen d'accroissement étant de 2,5 pour cent par an, en comparaison d'un taux de 1 pour cent dans les pays développés de la zone tempérée (NU, 1979). Étant donné la faiblesse de leur secteur industriel et leur capacité limitée d'absorption de la maind'œuvre excédentaire par l'agriculture, les pays en développement ont connu un morcellement continu de leurs exploitations agricoles pour faire face aux besoins de nouvelles familles. Le cadre institutionnel de l'utilisation des terres dans la plupart des pays tropicaux encourage directement ce morcellement.

Le morcellement des exploitations et le cadre institutionnel en vigueur, qui ne considère pas pleinement la terre comme un facteur de production, ont contribué au déclin de la productivité agricole et aux pénuries alimentaires dans les pays tropicaux. Tout aussi importantes sont l'absence d'introduction de techniques appropriées (meilleurs instruments agricoles, variétés de semences améliorées et méthodes de production plus efficaces), et l'organisation inefficace de la production agricole. Les causes du déclin de la productivité agricole ont été bien analysées par Olayide (1973), en ce qui concerne plus particulièrement le Nigeria. Pour surmonter les contraintes, il faudrait une révolution dans la production agricole des pays tropicaux, événement qui n'a de chances de se produire que dans un avenir lointain.

Des remèdes aux défauts de la culture itinérante en tant que forme d'agriculture extensive ont été apportés par le système connu sous le nom de taungya, comportant une combinaison de productions forestières et agricoles sur les terres forestières. King (1968) constate que ce système a été pratiqué depuis longtemps, et a existé à une époque ou à une autre sur les cinq continents. Il indique par ailleurs qu'en dépit des différences dans les noms et les étiquettes qu'on lui attribue, le système taungya présente toujours certaines caractéristiques fondamentales, et exige pour être adopté que certaines conditions préalables soient réunies. Ces conditions, telles que pénurie de terres et faible niveau de vie de la population, sont manifestement de nature socio-économique. Le fait que ce système a pratiquement disparu dans les pays économiquement évolués corrobore cette affirmation.

L'environnement socio-économique est le pivot sur lequel reposent les perspectives et les limitations des systèmes taungya. King (1968) en arrive de fait à la conclusion qu'ils prennent fin d'eux-mêmes lorsque le pays atteint un certain niveau de développement économique.

Aspects socio-économiques du développement de la taungya

L'introduction du système taungya dans les tropiques humides répondait à divers problèmes socio-économiques. C'est ainsi qu'au Nigeria un des principaux objectifs était de remédier au coût élevé de la régénération des forêts (Enabor, 1979). Au Ghana, il s'agissait de résoudre le problème de la pénurie de terres sévissant dans les zones rurales (Amissah, 1978). Quelles que soient les raisons qui motivent l'introduction de la taungya, King (1968) insiste sur le fait que le succès de son établissement et de son développement est conditionné par l'existence d'une pénurie de terres, d'un sous-emploi et de bas niveaux de vie parmi les collectivités rurales. En dehors de ces trois conditions préalables, on peut mentionner parmi les autres facteurs socio-économiques intervenant dans le développement de la taungya la croissance démographique, la disponibilité de terres, l'offre de main-d'œuvre agricole, l'offre de denrées alimentaires, les potentialités de création de revenus, l'existence d'infrastructures et d'institutions appropriées.

En Birmanie, berceau de la taungya, celle-ci était employée surtout comme un moyen de régénérer à la fois les sols et la forêt, en utilisant et améliorant la culture itinérante. C'était essentiellement une méthode de culture itinérante, car la forêt était défrichée, cultivée pendant quelques années, et ensuite on la laissait se reconstituer pour que la fertilité se restaurât naturellement. C'était un système amélioré, parce que l'on plantait parfois des essences choisies, telles que Casuarina equisetifolia et Leucaena glauca, pour aider au rétablissement de la jachère forestière (Nao, 1978). Le succès de ce système exigeait semble-t-il une faible densité de population et une longue période de jachère. Avec les fortes densités de population actuelles on peut douter que sous sa forme originale ii puisse réussir dans de nombreux pays tropicaux.

Le système de taungya moderne diffère sensiblement du concept originel, semble-t-il. La pratique en a été réservée au domaine forestier, et la pression de populations rurales en expansion rapide a souvent forcé les forestiers à adopter la taungya dans les réserves forestières. Kio (1972) aboutit à la conclusion que tant que l'industrialisation dans les pays tropicaux ne sera pas suffisante pour absorber l'excédent de population rurale, la pression des agriculteurs sur le domaine forestier se maintiendra. Plus elle sera forte, et plus la taungya y aura sa place.

A l'époque où le domaine forestier actuel de nombreux pays tropicaux a été constitué, la terre était abondante, les forêts dominaient le paysage, et la culture itinérante était pratiquée avec succès. L'expansion agricole, l'introduction de cultures commerciales permanentes et la surexploitation des terres arables disponibles ont entraîné une détérioration rapide des sols et une baisse de rendement des cultures dans les zones non mises en réserve. Les forêts classées sont demeurées fertiles, constituant ainsi une réserve de terres très productives. Un tel déséquilibre entre zones classées et non classées en ce qui concerne la fertilité des sols peut favoriser le développement de la taungya. King (1968) rapporte qu'en Ouganda, en dépit de l'existence de terres inoccupées et non cultivées en dehors des réserves forestières, les agriculteurs participaient à la taungya en raison de la fertilité plus élevée des sols forestiers. De même, Lowe (1974) souligne qu'au Nigeria l'une des principales raisons de la participation des agriculteurs à la taungya était la possibilité de mettre à profit la fertilité résiduelle des terres nouvellement défrichées.

Avec l'expansion démographique, un nombre croissant d'agriculteurs éprouvent des difficultés à se procurer davantage de terres à cultiver. Les travailleurs immigrés nécessaires pour les diverses opérations forestières peuvent ne pas trouver de terres en dehors des réserves pour faire des cultures vivrières en vue de leur propre consommation et de celle de leurs familles. L'introduction de la taungya serait d'un grand secours pour eux. C'est ainsi que, dans certaines parties du sud-ouest du Nigeria, Ijalana (1979) a constaté que des pécheurs immigrés (llajes) représentaient environ 90 pour cent des cultivateurs en taungya, parce qu'ils ne pouvaient se procurer de terres en dehors des réserves. King (1968) fait de même mention de Nigérians se trouvant sur le chemin du pèlerinage de la Mecque ou en revenant.

En règle générale, là où la terre arable est trop rare pour permettre une utilisation exclusive par l'agriculture ou par la forêt, la taungya se développera. Depuis cinquante-quatre ans, l'adoption de ce système au Nigeria a servi efficacement à procurer aux agriculteurs davantage de terres, et en même temps à transformer la forêt naturelle en peuplements artificiels plus productifs, à un coût direct relativement peu élevé pour l'État.

Main-d'œuvre et autres facteurs de production

Le système taungya comporte à la fois des cultures agricoles et des cultures forestières. C'est une activité à forte intensité de main-d'œuvre, d'autant que les techniques agricoles modernes y sont à présent inexistantes. Pour que sa réalisation soit un succès, il faut assurer des disponibilités suffisantes de main-d'œuvre. A cet égard l'absence d'autres emplois non agricoles favorise également la taungya. Certains agriculteurs du sud-ouest du Nigeria étaient apparemment peu disposés à pratiquer la taungya parce qu'ils n'étaient pas sans emploi (King, 1968).

Certains auteurs, dont Mergen (1978) et Nao (1978), ont soutenu que le cultivateur de taungya était exploité, parce qu'il participait à l'installation de plantations sans être suffisamment rétribué. King (1968) va plus loin, en suggérant que les économies réalisées dans le coût de la plantation forestière soient partagées entre l'agriculteur et le forestier. Ces auteurs considèrent que s'il existe d'autres possibilités d'emploi dans les zones rurales les cultivateurs pourront leur donner la préférence.

Cependant, dans le sud-ouest du Nigeria, 99 pour cent des cultivateurs interrogés ont déclaré qu'ils gagnaient à participer à la taungya (Kio et Bada, 1981). Il apparaît que même si les cultivateurs sont exploités ils n'en ont pas conscience, et sont tout disposés à participer. La taungya, qu'elle soit traditionnelle ou effectuée en régie, est une entreprise ardue. La main-d'œuvre doit être prélevée sur l'effectif existant de travailleurs agricoles, parce que l'exode rural a fait disparaître les autres sources de main-d'œuvre. Tant que cet exode se poursuivra la taungya souffrira d'une déperdition dans la catégorie la plus productive de maind'œuvre, celle des jeunes hommes et femmes. Pour pouvoir maintenir le système, il faut rendre la vie rurale plus attrayante, et comparable à la vie dans les villes, afin de retenir la main-d'ouvre. Le succès de l'introduction de la taungya en régie dans le sud-est du Nigeria semble être un témoignage de l'importance de ce facteur (Enabor et Adeyoju, 1975). La question qui reste pour une large part non résolue est l'introduction de techniques agricoles améliorées, de sorte que le travail soit moins pénible et la productivité du système meilleure.

Production alimentaire et création de revenus

Nao (1978) estime qu'au Nigeria les systèmes taungya ont directement procuré suffisamment de nourriture à environ 700 000 personnes, ce qui représente environ 1 pour cent des besoins alimentaires du pays. En Thaïlande il apparaît que les cultivateurs en taungya produisent assez d'aliments pour se nourrir et vendre le surplus au marché, et en Chine les cultivateurs en taungya contribuent pour 5 à 6 pour cent à la couverture des besoins alimentaires du pays.

Ces chiffres n'indiquent pas clairement si les cultivateurs en taungya bénéficient d'un niveau de vie plus élevé que les autres. On soutient quelquefois que les cultivateurs seraient plus disposés à participer à la taungya si leur niveau de vie, mesuré en revenu, était amélioré. King (1968), affirme cependant que le revenu du cultivateur en taungya n'est amélioré que si on lui procure un emploi salarié dans la plantation forestière. A cet égard la taungya en régie satisfait cette exigence nécessaire à la réussite du système, parce qu'elle assure un revenu régulier comparable à celui qu'offriraient d'autres secteurs de l'économie.

Avec le système de taungya traditionnelle, la création de revenu est laissée entièrement entre les mains des cultivateurs, qui peuvent éprouver des difficultés à écouler leur production. Kio et Bada (1981) ont constaté cependant que, bien que la plupart des cultivateurs en taungya ne vendent que moins de la moitié du total de leurs récoltes, ils en tiraient entre 500 et 2 000 N5 par an. Lowe (1974) affirme pour ca part que, bien que la plus grande partie des denrées alimentaires produites en taungya soit consommée localement, les cultivateurs peuvent gagner entre 600 et 800 N par an s'ils se concentrent sur la production de taro; avec le mais et le manioc, le revenu estimé serait de 100 à 200 N. Selon une autre estimation faite par Énabor (1979), le revenu individuel des cultivateurs en taungya au Nigeria serait d'environ 72 N. ce qui est inférieur aux 90 N estimés pour les centres urbains, mais bien au-dessus des 30 N estimés pour les zones rurales.

En dépit de ces estimations d'accroissement du revenu des cultivateurs en taungya. Olawoye (1975) soutient que les conditions de vie de ceux qui pratiquent la taungua traditionnelle ne se sont pas améliorées par rapport à celles des autres villageois. En revanche, la taungya en régie a apporté aux cultivateurs des avantages appréciables, sous la forme d'infrastructures et autres agréments. Tant qu'il ne se produira pas d'amélioration, les agriculteurs les plus capables se tourneront vers la ville à la recherche d'un meilleur niveau de vie, laissant la pratique de la taungya aux travailleurs moins efficaces.

Infrastructures et bien-être social

Parmi les infrastructures qui peuvent influer sur le développement des systèmes de taungya, on peut mentionner les transports, la commercialisation et les installations de stockage. Pour des agriculteurs qui n'ont pas de moyens de transport et doivent se rendre à pied de leur domicile à leurs champs, la distance est un facteur déterminant important pour leur participation à la taungya. Dans les systèmes de taungya bien organisés, des facilités de logement à des emplacements favorables pourront être procurées aux agriculteurs.

Là où existent des facilités de transport, ou bien où l'on se heurte a une pénurie aiguë de terres, la distance aux champs cultivés importe moins pour déterminer la participation des agriculteurs. C'est ainsi par exemple que King (1968) indique que des agriculteurs de la Trinidad parcouraient jusqu'à 16 km pour participer à la taungua, parce que les transports étaient relativement faciles et bon marché. Dans le Kérala (Inde), il n'y avait pas de limite de distance en raison de la pénurie aiguë de terres et du bas niveau de vie des agriculteurs. Au Nigeria, Ijalana (1979) a constaté que les cultivateurs en taungya parcouraient de 3 à 6 km en véhicule à moteur ou à bicyclette pour se rendre aux champs.

La distance peut ne pas constituer une limitation à la participation, mais elle a sûrement un effet sur la productivité. Les cultivateurs qui parcourent de longues distances peuvent être déjà fatigués lorsqu'ils parviennent sur les lieux de travail; il se peut qu'ils arrivent tard, et n'aient pas beaucoup de temps pour participer aux travaux avant la fin de la journée. C'est pourquoi Mergen (1978) estime que la distance à parcourir à pied ne devrait pas dépasser 3 à 5 km.

L'amélioration du rendement des cultures obtenue par la taungya n'a pas d'intérêt s'il n'y a pas de moyens de stockage pour entreposer l'excédent des denrées alimentaires produites, ou de transport vers un marché pour le vendre. Les agriculteurs ne peuvent être encouragés à produire plus que s'ils en tirent un revenu appréciable.

La présence d'écoles et d'installations d'hygiène et de santé peut encourager les agriculteurs, notamment les jeunes, à rester dans les zones rurales et à participer à la taungya plutôt que d'émigrer vers les villes. En outre, de telles facilités accroîtront les capacités des travailleurs, en améliorant leur bien-être et leur productivité.

Un accès aisé au crédit permettra aux cultivateurs en taungua d'améliorer leurs méthodes de culture, et d'emmagasiner, traiter et vendre leurs produits en temps voulu pour en tirer le meilleur profit. Les facilités de crédit sont également nécessaires pour leur permettre d'acquérir des facteurs de production tels qu'engrais. herbicides et machines agricoles.

Perspectives et limitations

De nombreuses études confirment le rôle positif du système taungya dans l'accroissement des disponibilités alimentaires et l'amélioration des conditions socioéconomiques des collectivités rurales dans les pays tropicaux. Il a également joué un rôle décisif pour la préservation des forêts. Les perspectives de la taungya reposent sur l'intérêt soutenu que les agriculteurs et les forestiers porteront à son maintien. aidé par l'État.

Les perspectives socio-économiques des systèmes de taungya dans les tropiques dépendent de facteurs tels que les tendances du développement économique en général (et du développement de l'agriculture en particulier), la croissance démographique, le chômage, le potentiel de création de revenus, l'efficacité de la gestion forestière, les interventions de l'État en matière d'incitations nécessaires.

Les résultats décevants en matière de développement des pays tropicaux (UN, 1978) ont amené à repenser les stratégies de croissance afin de résoudre les problèmes montants de pauvreté, d'ignorance, de maladie et de malnutrition. Au cours des années quatre-vingt l'intérêt se porte sur l'indépendance économique et la croissance autoentretenue, dans laquelle une haute priorité est donnée à l'alimentation et à l'agriculture, aux matières premières, et à la mise en valeur des ressources naturelles (CEA, 1980).

La stratégie de croissance économique exige de la part de l'État des actions tendant à améliorer la productivité agricole et les revenus ruraux, à fournir des infrastructures et des services sociaux, et à favoriser la diversification de l'emploi, en vue de stabiliser les collectivités rurales.

A court terme, les mesures de stimulation du développement rural devront se concentrer sur les petits agriculteurs plutôt que sur des projets agricoles à grande échelle et à investissements élevés. Le système taungya devrait constituer un outil de développement idéal. Son adoption sur une grande échelle accroîtra considérablement les disponibilités d'aliments et de bois, étendra les possibilités d'emplois ruraux, et améliorera le niveau de vie. Une grande part des investissements nécessaires au succès du développement rural, tels que semences améliorées, engrais, infrastructures, services sociaux, sont des éléments complémentaires du système taungya.

Au niveau du petit agriculteur, les considérations de revenus sont la préoccupation dominante. Les perspectives de revenus dépendent elles-mêmes de facteurs tels que la fertilité des sols, les associations de cultures, les coûts de production, les prix, ainsi que l'efficacité dans la récolte, le transport et la commercialisation des produits. Alors que le cultivateur en taungya a initialement accès à des sols très fertiles dans les zones nouvellement défrichées (Lowe, 1974), cette fertilité peut être épuisée après deux ou trois ans, selon les associations de cultures et techniques culturales particulières, Il faut employer des engrais ou autres moyens pour maintenir la fertilité des sols et les hauts rendements. Il y aura lieu de rechercher quels sont les effets réciproques des cultures en association, ainsi que les conséquences pour la fertilité des sols en zones forestières. Il apparaît cependant qu'une plus grande souplesse est introduite dans le système, et dans certains pays les cultivateurs en taungua sont autorisés à faire des cultures fourragères et des cultures commerciales telles que cacaoyer et caféier, et à élever du bétail.

Les coûts de production influent également sur les perspectives de revenus. Dans le système de taungya traditionnelle la plus grande partie des coûts de production pour l'agriculteur est implicite, et consiste en travail fourni par lui-même et les membres de sa famille.

Les besoins en argent de l'agriculteur s'accroîtront vraisemblablement dans un système de taungya perfectionné, pour l'achat de semences améliorées, d'équipements et outils, et le paiement d'une maind'œuvre recrutée pour les gros travaux tels que la préparation du terrain et la récolte.

Avec la croissance démographique et l'amélioration des niveaux de vie, les prix des denrées alimentaires et des aliments du bétail sont appelés à augmenter. Les cultivateurs en taungya sont donc assurés de tirer un bon prix de leurs produits, surtout s'ils peuvent les transporter et les vendre eux-mêmes. Au Nigeria, où il existe un bon réseau routier desservant de nombreuses collectivités rurales, les agriculteurs peuvent maintenant aller vendre leurs surplus sur des marchés situés à une centaine de kilomètres, où ils obtiennent de bons prix, et retourner chez eux le même jour. Ils peuvent se passer des services d'intermédiaires, qui autrefois prélevaient la plus grande part du profit de leur travail.

Diverses estimations ont été faites pour évaluer le revenu des cultivateurs en taungya. Au Nigeria, les estimations de revenu annuel vont de 50 (Ball, 1977) à 500 (Okojie, 1975). En Zambie, le profit (valeur actuelle nette) tiré du maïs en association avec des pins en plantation industrielle s'est accru de 7 pour cent en un an par comparaison avec une plantation de pins pure (Kufakwandi. 1980). Bien que les chiffres varient dans de larges proportions, ils démontrent que les agriculteurs qui cultivent en taungya ont des revenus plus élevés que les autres. La majorité (55 pour cent) des agriculteurs interrogés dans l'État d'Oyo au Nigeria ont indiqué une nette amélioration de leurs revenus (Kio et Bada, 1981). La taungua est particulièrement profitable pour les agriculteurs qui bénéficient d'un emploi supplémentaire en forêt ou ont un accès privilégié aux forêts pour chasser, couper du bois pour la vente, récolter des fruits, des noix et autres produits forestiers. Même si l'on ne considérait que les possibilités de création de revenu, les perspectives de la taungya seraient brillantes.

La réussite des systèmes de taungya nécessite toutefois une disponibilité régulière de main-d'œuvre. Les estimations d'effectifs de main-d'œuvre agricole des pays en développement sont passées de 648,1 millions en 1965 à 709,2 millions en 1975 (FAO, 1980), représentant respectivement 31 et 34 pour cent du total de la population rurale. A l'heure actuelle une proportion élevée de la maind'œuvre agricole, dans les pays tropicaux, est en chômage ou sous-employée. Le système taungya offre une occasion unique et séduisante d'absorber cette main-d'œuvre; c'est notamment la seule voie qui s'ouvre aux paysans sans terre.

Ii est curieux de constater, cependant, que beaucoup d'agriculteurs sans emploi sont réticents vis-à-vis de la taungya. Tout d'abord, la majorité des jeunes ruraux trouve la vie dans les campagnes ennuyeuse et inintéressante; ils émigrent vers les centres urbains, où la vie est moins pénible et moins monotone, pour y chercher des emplois. L'exode rural à grande échelle a été encouragé par la détérioration des conditions des échanges entre villes et campagnes (FAO, 1980). C'est pourquoi la majorité des agriculteurs participant à la taungya dans les pays tropicaux sont des hommes âgés de quarante ans et plus (Kio et Bada, 1981). Ils sont dans une forte proportion mal nourris et en mauvais état de santé, de sorte que leur rendement est faible (Enabor, 1978). Certains agriculteurs sans emploi seraient disposés à participer à la taungya mais ne le peuvent pas, parce qu'ils manquent des moyens nécessaires pour cultiver les parcelles qui leur sont attribuées dans les réserves forestières. Les jeunes doivent être retenus dans les zones rurales par la création de conditions de vie plus attrayantes. Dans une certaine mesure, la mise en place de projets de taungya en régie, basés sur des villages forestiers intégrés pourvus de tous les services sociaux essentiels, a favorisé la participation de jeunes agriculteurs (Enabor et Adeyoju, 1975).

L'efficacité de la gestion forestière influe également sur les perspectives de la taungya dans les tropiques. L'objectif de l'aménagement des terres forestières basé sur la taungya est de tirer du sol un revenu maximal. Cela impose de considérer le système comme une entreprise intégrée en participation. On doit rechercher un profit maximal pour l'ensemble de l'entreprise plutôt que pour chacun de ses éléments (Enabor, 1978). A l'heure actuelle l'aménagement forestier sous les tropiques est encore embryonnaire et inefficace, et manque d'information nécessaire, de personnel compétent et de moyens financiers. Il n'est pas étonnant, par conséquent, que la plupart des forestiers se méfient des agriculteurs, qui de leur côté sont découragés par la multitude de règles restrictives dans les projets de taungya. Une solution possible à ce problème est le renforcement de la gestion forestière en l'appuyant par une législation appropriée et des investissements productifs. D'autres formules sont: 1. la taungya en régie, dans laquelle le service forestier reste propriétaire des récoltes agricoles aussi bien que du peuplement forestier; 2. I'agroforesterie, où c'est l'agriculteur qui en a la propriété.

King (1968) postule que le système taungya s'éteindra de lui-même lorsque les agriculteurs auront atteint un niveau suffisamment élevé. Cependant, une enquête dans l'État d'Ando a montré que les agriculteurs à hauts revenus étaient plus intéressés à l'agroforesterie que ceux à bas revenus (Ijalana, 1979). La taungya dans son sens moderne est une entreprise de production multiple plutôt qu'un système qui procure un revenu supplémentaire grâce à la culture de terres forestières. Il s'avère que la notion d'agroforesterie en tant que système de mise en valeur multiple rationnel et profitable éveille un intérêt croissant dans certains pays économiquement avancés (Anon, 1978).

La limitation la plus importante du système taungya est l'insuffisance des facteurs de production: terre, travail et capital. Des disponibilités suffisantes en terres sont particulièrement décisives pour la taungya traditionnelle cantonnée dans les réserves forestières, parce que dans la plupart des pays tropicaux les chances de nouvelle extension des superficies en réserve sont minces en vérité. En pratique, seule une partie du domaine forestier sera effectivement disponible pour la taungua. Avec le temps apparaîtra forcément une pénurie de terres due à l'accroissement de population des collectivités vivant de la taungya. Là où la disponibilité physique de terres pour la taungya n'est pas un facteur limitatif, ce sont les difficultés de transport qui limiteront la surface que les agriculteurs peuvent effectivement cultiver.

Le problème de pénurie de main-d'œuvre pour la taungya dans les tropiques a été mentionné plus haut. Les données dont on dispose montrent que de plus en plus d'agriculteurs ont recours à une main-d'œuvre salariée pour accomplir les travaux essentiels. D'un autre côté, un bien plus grand nombre d'entre eux ne peuvent se permettre de payer des salaires élevés en argent, et par suite consacrent plus de temps à leurs cultures vivrières; ils ont par conséquent moins de temps pour planter et entretenir des arbres forestiers dont ils ne reçoivent aucun revenu direct. Des ressources financières accrues permettraient aux agriculteurs de recruter la main-d'œuvre salariée nécessaire pour cultiver effectivement la surface optimale en taungua. Des prêts à cet effet devraient être accordés aux agriculteurs par le service forestier, qui est en mesure de se faire rembourser au moment de la récolte et de la vente des produits.

Une autre limitation des systèmes de taungya est celle que créent la gestion et l'encadrement. pour lesquels on manque cruellement des fonds et du personnel compétent qu'exige une action efficace. Les informations nécessaires sur le rendement de diverses associations de cultures et leurs effets sur le sol sont inexistantes. C'est pourquoi les forestiers peuvent préférer revenir à la monoculture, avec laquelle ils sont plus familiarisés, ou à la régénération naturelle. Certaines études récentes (Kio, 1978) ont conclu que les systèmes de régénération naturelle étaient au moins aussi productifs que les plantations artificielles, sans entraîner de risques de perte d'avantages écologiques vitaux.

Les limitations des systèmes de taungya dans les tropiques résident davantage dans les contraintes opérationnelles que dans des problèmes conceptuels. Avec un progrès économique réel, ces contraintes devraient graduellement disparaître, de telle sorte que les pratiques puissent être rationalisées pour constituer un système de mise en valeur des terres permanent et profitable.

Les facteurs socio-économiques favorisent la survie et l'expansion des systèmes de taungya dans les tropiques, au moins jusqu'à la fin du siècle, à la condition qu'ils soient appuyés par une aide suffisante de l'État. Comme le souligne Adeyoju (1980):

« L'avenir de l'agroforesterie ne dépend pas simplement de la quantité et de la valeur de l'ensemble des produits obtenus, mais pour une large part de l'assemblage de stratégies socio-politiques qui auront été incorporées dans les programmes. »

 

Création de villages forestiers au Gabon

J. Leroy-Deval et Faustin Legault
Service du reboisement, Libreville, Gabon

Résumé

Les forêts denses constituent la principale ressource naturelle du Gabon. L'essence dominante est l'okoumé (Aucoumea klainiana), qui a tait l'objet d'une exploitation intense. C'est pourquoi le gouvernement gabonais a élaboré un programme de reboisement des peuplements naturels. Les auteurs décrivent les moyens mis en œuvre pour atteindre cet objectif, et les résultats des premiers efforts. Dans leurs conclusions ils présentent des recommandations en vue d'améliorer le programme.

Le Gabon, pays forestier

Le Gabon est recouvert sur 75 pour cent de sa superficie par la forêt dense humide sempervirente de basse et moyenne altitude, tandis que les savanes occupent 15 pour cent du territoire. Pays producteur de bois (en particulier d'okoumé, Aucoumea klainiana), ses forêts ont été soumises à une exploitation intense depuis plus d'un demisiècle. Aussi le gouvernement a-t-il élaboré depuis de longues années un programme de reboisement des forêts surexploitées et un programme d'amélioration des peuplements naturels denses d'okoumé.

« Les forêts vacantes et sans maître du Gabon ainsi que les périmètres de reboisement appartiennent à l'État, et font partie de son domaine privé. » Tel est le cadre juridique de base qui régit les forêts. Les collectivités rurales, qui représentent 86 pour cent de la population, exercent leurs droits d'usage coutumiers dans le domaine forestier de l'État, cet exercice étant strictement limité à la satisfaction des besoins personnels et collectifs des usagers (ramassage de bois de chauffage et de bois de construction, cueillette de plantes médicinales et de plantes alimentaires, etc.).

A cet égard la forêt est un réservoir dans lequel les ruraux puisent l'essentiel de leurs moyens de subsistance. C'est également dans cette forêt que sont pratiquées les différentes cultures vivrières. Cette situation, qui remonte à l'époque pré-coloniale, n'a malheureusement pas évolué; elle est à l'origine du retard du monde rural. Pour des raisons financières évidentes, les forêts sont livrées systématiquement à une exploitation solidement installée avec des moyens très importants. Les activités forestières des grandes entreprises ne répondent pas au principe fondamental du développement des collectivités rurales, qui veut que la structure de base de toute action de développement soit le village.

La réglementation forestière en vigueur au Gabon a prévu un type de permis forestier qui permet aux ruraux d'acquérir un certain nombre de pieds d'arbres, à des conditions d'attribution relativement faciles. Ces dispositions ont effectivement favorisé le développement de certaines régions qui sont géographiquement bien placées. En effet, ces permis dénommés coupes familiales n'intéressaient que les zones riches en okoumé et situées à proximité immédiate d'une voie d'évacuation. Ainsi l'exploitation était peu onéreuse et faisait appel à une main-d'œuvre exclusivement rurale.

Au fil des années, cependant, l'action conjuguée de la pression démographique et de l'intensification de l'exploitation a fait reculer la forêt. Les zones favorables se sont éloignées et deviennent rares. De nos jours, ce type de permis a perdu son caractère original. Il a été détourné dans la pratique au profit du contrat de fermage, qui en se généralisant a fait du titulaire de lot un rentier de la forêt, ce qui va à l'encontre du souci de faire naître au Gabon une classe d'entrepreneurs autochtones des zones rurales.

Centres de reboisement

L'activité essentielle des centres de reboisement est la création de peuplements artificiels d'okoumé. Des études et recherches tant sur l'écologie forestière que sur la biologie des espèces ont permis de mettre au point une technique sylvicole élaborée. La régénération artificielle des peuplements de cette essence ne pose plus de problèmes majeurs; 26 000 hectares de plantations d'okoumé ont pu être réalisés.

L'implantation d'un centre de reboisement commence toujours par la mise en place de l'infrastructure routière et la construction de logements. En temps normal, chacun de ces centres emploie un personnel variant de 100 à 400 personnes; avec les familles, on compte environ un millier de personnes vivant dans un centre. Ce personnel comprend une proportion de 70 à 80 pour cent d'ouvriers sans qualification, 15 à 25 pour cent de techniciens (spécialistes), 5 pour cent de personnel d'encadrement.

Afin de remédier à l'insuffisance de rendement des cultures vivrières exploitées par des populations villageoises âgées et par les familles des personnels qui recherchent principalement une autosuffisance familiale, les responsables de la Direction du reboisement en sont venus à envisager d'introduire des cultures intercalaires dans les parcelles de reboisement. Dans les essais tendant à mettre sur pied une méthode agroforestière, ils visaient un double objectif, social et économique. L'objectif social était d'inciter la population à participer aux travaux de régénération artificielle de la forêt, et de chercher par là une solution aux conflits d'intérêts opposant souvent les forestiers aux agriculteurs, qui se considèrent frustrés de leurs terres de culture et qui ne tirent aucun profit des travaux de reboisement. L'objectif économique était de valoriser rapidement les peuplements artificiels.

On s'est donc orienté vers une solution agroforestière, en cherchant à valoriser les plantations par une production agricole provenant de cultures intercalaires. On avait le choix entre deux types de cultures: les cultures vivrières traditionnelles telles que manioc, taro, mais, et les cultures riches industrielles telles que caféier, cacaoyer, palmier à huile, bananier.

En ce qui concerne les cultures vivrières, des essais ont été entrepris dans la réserve de la Nkoulounga située au nord-est de Libreville. Le taro et le manioc ont été plantés entre les lignes de plantation d'okoumé, soit l'année même de la mise en place de celles-ci, soit l'année suivante. Les plants d'okoumé étaient à l'espacement soit de 3 x 3 m, soit de 5 x 5 ou 6 x 6 m. On a également fait un essai d'introduction d'okoumé dans une plantation de manioc d'un an, en placeaux situés à 12 x 12 m d'écartement. Rapidement on s'est rendu compte que les exigences écologiques contradictoires de l'okoumé et des cultures agricoles conduisaient à une impasse. L'okoumé demande, pour croître dans de bonnes conditions, le maintien d'un écran latéral de recrû forestier pour protéger son fût, tandis que les cultures agricoles, qui sont exigeantes vis-à-vis du sol. doivent être parfaitement entretenues et débarrassées de la concurrence de la végétation adventice. Or les travaux culturaux d'entretien dans les plantations d'okoumé aboutissent dans les plantations denses à favoriser le développement du houppier des okoumés qui finissent par surcimer les cultures, et dans les plantations à faible densité (plantations en placeaux et à l'équidistance de 5 x 5 m ou 6 x 6 m) à dénuder pendant des années les fûts des arbres mis en place, provoquant ainsi l'apparition de branches gourmandes et de défauts technologiques rédhibitoires dus au manque d'élagage naturel.

Une bonne sylviculture de l'okoumé semble donc inconciliable avec l'introduction de cultures intercalaires. On a été conduit ainsi, d'une part à prévoir des enclaves dans les zones de reboisement destinées aux cultures vivrières, d'autre part à rechercher des cultures industrielles installées à demeure. Pour l'avenir, cependant, on peut concevoir une sylviculture de l'okoumé associée aux cultures vivrières traditionnelles, permettant aux populations des centres de reboisement et à celles des villages voisins de bénéficier d'une autosuffisance alimentaire. On utilisera les terres laissées en jachère par les villageois après le cycle de cultures. Ces terres seront soit complantées en okoumé, soit préparées pour être régénérées naturellement si la présence d'arbres semenciers, que l'on aura su conserver, le permet.

Les essais agroforestiers orientés vers les cultures riches ont porté finalement sur les quatre cultures dont on connaît les exigences essentielles: cacaoyer, caféier, palmier à huile et bananier.

La recherche d'une solution pour concilier les exigences écologiques de l'okoumé, essence caractérisée par ses difficultés d'élagage et la conformation de son fût, sensible aux différences d'éclairement et exigeant donc le maintien d'un recru forestier entre les lignes de plants, et celles des cultures riches choisies, qui sont des espèces dites de pleine lumière et qui nécessitent pour se développer la suppression du recrû forestier durant le premier stade de leur croissance et l'élimination de tout le couvert au stade suivant, pose deux problèmes d'ordre technique: celui de l'équidistance de plantation tant de l'okoumé que des autres cultures, et celui du mode de transplantation des okoumés, compte tenu des différences de tempérament des espèces en présence. Des essais ont donc été conduits avec différents types de mise en place: disposition en placeaux, en plein, par bandes, etc.

Finalement les résultats les plus intéressants ont été obtenus avec le bananier, de la variété Gros-Michel. En effet, les essais de production ont donné un rendement moyen de 10 tonnes à l'hectare au cours du premier cycle, vingt-cinq à trente mois après la mise en place. C'est peu pour une culture industrielle, mais suffisant dans l'optique de plantations extensives intercalaires dans les plantations d'okoumé et avec l'objectif de faire participer la population à ces activités agroforestières.

Conclusion

On doit envisager, pour l'avenir, le développement des centres de reboisement en centres de développement rural intégrant aux activités agroforestières des unités de transformation du bois de type artisanal qui permettent la participation de la population locale aux activités économiques. Celle-ci sera alors prête à être intégrée à la vie des centres. Il importe, par ailleurs, de porter à un niveau plus élevé la formation professionnelle actuellement dispensée sur place pour certaines spécialités (conducteurs d'engins, aides-mécaniciens diésélistes, chauffeurs, pépiniéristes, etc.), pour l'encadrement subalterne (contremaîtres, surveillants de travaux forestiers, etc.) et, pour l'encadrement moyen venant des écoles techniques et n'ayant encore reçu qu'une formation théorique, par des stages sur le terrain.

On amorce ainsi un processus qui aboutira à la création de forêts privées à partir des plantations forestières créées par les villageois grâce à la méthode agroforestière. De tout cela on doit retenir que la forêt ne peut jouer un rôle efficace que si les objectifs d'aménagement tiennent compte du profit réel des collectivités rurales. A cet effet, les plans d'aménagement doivent être simples et adaptés au milieu. Ils doivent être conçus de manière à permettre aux ruraux de participer à leur application et d'en tirer le maximum de profit.

La création dans les villages de petites industries de transformation entraînera une exploitation plus intensive de la forêt, et une utilisation plus rationnelle du bois. Les villageois pourront ainsi disposer de matériaux de construction semi-finis pour l'amélioration de leurs habitations. Source d'emploi et de revenu, ces industries artisanales pourraient devenir de véritables pôles d'attraction et d'activité autour desquels pourraient se greffer une multitude d'autres activités annexes.


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