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Perspectives agroforestières au Bénin

A. G. Agbahungba
Département de la Recherche agronomique, Cotonou, Bénin

Résumé

Les ressources forestières du Bénin sont appauvries par vingt-cinq années d'exploitation par les scieries installées dans la région, les feux de brousse, les défrichements des sociétés et fermes d'État, la durée insuffisante des jachères, la sahélisation au nord du pays et lasavanisation au sud. Pour combler un déficit croissant en bois de chauffage, de charpente, de construction, le pays a recours à des importations. Pour améliorer l'économie forestière du Bénin, l'exposé décrit les objectifs d'un programme de recherche en agroforesterie.

Introduction

Situé sur le golfe du Bénin entre le Togo, le Nigeria, le Niger et la Haute-Volta, le Bénin, dont la superficie est de 112 000 km², est un pays à ressources forestières limitées.

Un bref aperçu des facteurs écologiques peut permettre de cerner de près la situation forestière au Bénin. La zone côtière et le Sud correspondent au continental terminal, avec des sols de qualité variable: plateau de « terre de barre », alluvions silico-argileuses, et terrains du crétacé évolués en vertisols (argiles noires de la dépression de la Lama). Plus au nord, ce sont les roches cristallines de la partie centrale du Bénin, granits issus du socle précambrien, avec des sols de type ferrugineux tropicaux, présentant parfois des concrétions latéritiques.

Selon les relevés de la FAO et du PNUD, 60 pour cent de la superficie du pays est occupée par des végétations naturelles non perturbées par les cultures, mais soumises chaque année à la pression des feux de brousse. La plupart des forêts classées sont dans le centre et le nord du pays. Il faut ajouter à ces données écologiques la grande extension actuelle des défrichements par les sociétés et fermes d'État, l'insuffisance des périodes de jachères naturelles sur la plupart des exploitations traditionnelles, le phénomène de sahélisation dans le Nord et de savanisation dans le Sud, et le développement des zones urbaines, pour cerner de près l'ensemble de la situation forestière et les problèmes engendrés.

L'ensemble du domaine forestier du pays couvre 2 millions d'hectares, soit 19 pour cent du territoire, mais les forêts, offrant un intérêt commercial ne représentent que 2 pour cent des terres. Les forêts classées comptent pour 1 580 028 ha, et les plantations, pour la plupart de teck, y occupent 10 000 ha. Ces plantations, de quatorze à trente ans d'âge, se trouvent surtout dans la zone sud du pays et sont destinées à la production de bois d'œuvre. Ii faut rappeler que le teck est exploité pour le bois d'œuvre en courte rotation vers quarante-cinq à cinquante ans, et en longue rotation vers cinquante-cinq à soixante-dix ans. Il faut ajouter au potentiel de ces teckeraies, ainsi évalué, l'existence d'une réserve naturelle dans le triangle DjougouBante-Beterou, mais qui ne peut fournir dans l'immédiat que quelque 35 000 m³ de grumes de Khaya grandifoliola et K. senegalensis, et 40 000 m³ d'Antiaris et Triplochiton. L'appauvrissement de cette réserve est dû à son exploitation par des scieries installées dans la région au cours des vingt-cinq dernières années.

Au nombre des plantations il faut ajouter 6 000 ha d'anacardiers, qui alimentent une petite unité de décorticage de noix de cajou à Parakou (capacité 1 500 t/an). Par ailleurs, si le volume de l'exploitation forestière est insuffisant pour alimenter le commerce extérieur, d'autres ressources forestières telles que le karité et l'anacarde (cajou) ont permis au Bénin des rentrées de devises substantielles, soit environ 542 millions de francs CFA pour 1977-1978. Cette production a fortement augmenté en 1979-1980. Les parcs nationaux et réserves de faune couvrent une superficie totale de 578000 ha.

Pénurie de bois

Les problèmes engendrés par la pénurie de produits forestiers s'expriment en termes de besoins. Le bois est le combustible domestique par excellence, utilisé pour la cuisson des aliments au Bénin. Il parvient aux ménages soit sous forme de charbon de bois. soit sous forme de bois de feu. On enregistre à l'heure actuelle une pénurie chronique d'approvisionnement dans toutes les villes, qui s'étend même aux zones rurales. Le district rural de Ouaké dans la province de l'Atacora, où l'on brûle les tiges de mil et les bouses de vache pour la cuisson des aliments, en est un exemple éloquent.

Dans le Sud, la diminution progressive de la durée des jachères naturelles actuellement observée sur la plupart des exploitations traditionnelles contribue à cette pénurie. Selon E. Huart (1976), du Groupe consultatif des industries forestières FAO/PNUD pour l'Afrique, la progression de ce déficit atteindrait 57 pour cent des besoins des villes telles que Cotonou et Porto-Novo pour un accroissement de 15 pour cent des terres emblavées dans la région (tableau 1).

TABLEAU 1. Besoins en combustibles, actuels et projetés

Équivalent bois de feu (en stères)

  Besoins actuels Besoins en 1990
Cotonou- Porto-Novo 360000 1 015000
Ouidah, Abomey, Bohicon, Parakou et Djougou 180 000 315 000
Milieux ruraux et autres localités 2 640 000 3 470 000
Total 3 180 000 4 800 000

Mais la pénurie de bois ne s'arrête pas au seul domaine des combustibles ligneux; le manque de bois d'œuvre est aussi général, et affecte toutes les couches de la population. Il faut ajouter à la consommation de bois d'œuvre 1 500 m³/an de contreplaqués et panneaux agglomérés provenant essentiellement de l'importation et correspondant aux besoins actuels. Cette étude fait ressortir un déficit annuel de 6 000 m³ de bois d'œuvre (sciages et contreplaqués) et 1 000 m³ de bois de service (bois ronds).

Perspectives de solutions agroforestières

Il s'agit en fait des tentatives d'intégration et de combinaison des systèmes agricoles, forestiers et pastoraux pour une meilleure gestion des exploitations en vue d'une production toujours accrue, sans grands risques de déboisement, et d'un rendement substantiel des terres marginales.

Ces expériences se concrétisent:

La scission entre l'agriculture, la foresterie et l'élevage n'existe pas au Bénin. C'est le même paysan qui sème le mais, plante l'arbre et élève les animaux dans la même ferme. Aussi les structures de développement du monde rural créées et mises en place par l'État béninois prennentelles en compte ce souci d'intégration des systèmes. Il s'agit des CARDER (Centre d'action régionale pour le développement rural), qui regroupent et intègrent toutes les activités de tous les services d'intervention en milieu rural.

L'intégration des populations rurales pour le développement des forêts a fait ses preuves au Bénin. La méthode de plantation taungya est l'un des systèmes de production agroforestiers qui associe les paysans à l'établissement des plantations domaniales. Elle a permis l'établissement d'environ 6 000 hectares de teck dans le sud du pays.

Cette pratique a connu beaucoup de variantes. Dans le Sud, c'est la culture du maïs qui est combinée à l'établissement des plantations de teck. Dans le Zou nord, mais ou arachides sont cultivés dans les plantations d'anacardiers. L'association la moins favorable est celle du cotonnier et de l'anacardier, car elle présente beaucoup de risques d'attaques parasitaires, notamment Heliothis, parasite du cotonnier qui cause beaucoup de dégâts sur les arbustes. Au Nord l'association milanacardier a été admise, celle d'igname-anacardier tolérée à la seule condition d'éviter que les tiges volubiles de l'igname ne s'enroulent autour des jeunes arbustes et n'empêchent leur développement.

D'une façon générale, on peut déduire de ces quelques observations que la méthode taungya est la base de l'expérience acquise par les populations rurales au Bénin en matière d'agroforesterie.

Objectifs de la recherche en agroforesterie

Compte tenu de la diminution de la durée des jachères enregistrée actuellement dans le sud du pays, et des problèmes qui s'ensuivent - baisse de fertilité des terres, diminution de la production de bois de feu des jachères naturelles- un programme de recherche pour l'insertion des essences forestières dans les rotations traditionnelles a été mis en œuvre en 1980 au Département de la recherche agronomique.

L'objectif est d'améliorer le niveau de fertilité des sols et de permettre une production forestière substantielle pendant une période de jachère relativement courte (3 à 4 ans). Acacia auriculiformis et Leucaena leucocephala sont en observation comme essences de jachère susceptibles de répondre à cet objectif. En conclusion, le succès du programme peut permettre à l'agroforesterie de jouer un rôle important dans l'amélioration de l'économie forestière au Bénin.

 

Résumé de la discussion: Systèmes agroforestiers traditionnels

Dans la discussion sur les systèmes agroforestiers traditionnels et sur les perspectives qu'ils offrent pour le développement, la remarque la plus importante qui ait été faite est que l'on ne prête pas suffisamment attention à l'amélioration des systèmes culturaux traditionnels, en bref que l'on ne se préoccupe pas de les rendre économiquement viables tout en répondant aux besoins en matière de subsistance. Poursuivre le divorce entre agriculture et forêt serait suivre une mauvaise voie, et cela est particulièrement vrai dans les tropiques humides. Un des participants a observé que la valeur des systèmes culturaux mixtes était amplement démontrée par les exemples qui nous sont présentés mais que nous avons été aveuglés par la réussite des monocultures dans la zone tempérée. On a plaidé avec force pour une approche par « systèmes agricoles ", tout en reconnaissant qu'une telle approche était relativement rare, et demandait pour être efficace des moyens importants en personnels compétents, difficiles à trouver.

On a souligné que l'accroissement rapide de la densité de population conduisait à des exploitations agricoles moins importantes, et que cependant celles-ci doivent pourvoir aux besoins élémentaires de subsistance tout en procurant un revenu en argent. Il faut développer des systèmes stables, et mener des recherches en vue de déterminer si l'agroforesterie procurera effectivement de plus grands avantages au petit agriculteur. L'assertion selon laquelle une plus grande diversité accroîtra la stabilité - autrement dit diminuera les risques - a été mise en question, du fait que les données dont on dispose ne sont pas encore parfaitement probantes. Il est certain que du point de vue de la gestion de l'exploitation le fait d'avoir une plus grande diversité de cultures rend difficile l'obtention d'un rendement maximal de chacune d'elles. La question de la compatibilité des cultures a également été soulevée, et l'on a noté de grandes variations dans les exigences des cultures annuelles en ce qui concerne la lumière, les éléments nutritifs, l'eau, etc. De même, la réponse des différentes cultures à des interventions telles que le désherbage est extrêmement variable. Cela signifie que chacun des éléments d'un système donné devra être testé indépendamment et sur le terrain pour permettre d'évaluer pleinement les potentialités du système en question. En raison de cette complexité intrinsèque, nous devons utiliser les systèmes existants comme points de référence, et n'expérimenter que des systèmes qui puissent s'adapter au milieu socioéconomique existant.

La question de l'architecture du système radiculaire des arbres a été soulevée, et l'on a reconnu qu'il existait une certaine compensation dans les tropiques humides entre la capture des éléments nutritifs par un système radiculaire superficiel dense et une concurrence accrue par les racines. Dans ce cas le problème se complique encore du fait que le système radiculaire des arbres est également influence par l'élément herbacé, et l'on peut s'attendre que l'équilibre varie en fonction de la pluviométrie, du type de sol, des techniques culturales, etc.

Plusieurs orateurs ont estimé que dans le passé on n'avait pas prêté suffisamment d'attention au développement et à la conduite de la composante arboricole. A cet égard on a observé à nouveau qu'il fallait travailler dans le contexte du système existant, en examinant les besoins propres de l'agriculteur, et en lui fournissant ensuite de nouveaux matériels végétaux ou d'autres facteurs de production dont on peut démontrer la supériorité. Les variétés améliorées de cocotier, et le Projet de diversification des cultures de Sri Lanka, ont été cités comme exemples hors d'Afrique. On a également émis l'idée qu'il serait possible de développer un type de jachère plantée susceptible d'accélérer la reconstitution de la fertilité du sol tout en fournissant des produits qui pourraient être récoltés à l'issue de la période de jachère.


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