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Applicabilité des systèmes agroforestiers

Gerardo Budowski
Centro Agronómico Tropical de Investigacion y Enseñanza (CATIE), Turrialba, Costa Rica

Résumé

A l'heure actuelle, I'agroforesterie souffre d'un handicap dû à la vogue excessive dont elle est l'objet et aux vœux pieux qu'elle suscite, au lieu d'être fondée sur une analyse objective de ce qu'elle peut et ne peut pas offrir Pour donner à cette discipline une crédibilité scientifique et en faire un instrument utile pour ceux qui veulent en promouvoir lapratique, les chercheurs doivent toujours comparer les potentialités de l'agroforesterie avec celles des monocultures, en pesant avec soin les avantages et inconvénients de l'un et l'autre système d'un point de vue tant biologique que socio-économique. Afin de faciliter cette comparaison, l'auteur présente une récapitulation des évaluations qualitatives, et de quelques évaluations quantitatives, basées sur l'expérience du Costa Rica, sur une analyse de labibliographie, et sur des discussions avec des praticiens de l'agroforestene. On espère que ces évaluations - qui devront être continuellement affinées serviront de guides pour des thèmes de recherche, des campagnes de promotion et de vulgarisation, et des évaluations a posteriori.

Introduction

Lors d'une réunion consultative récente du Conseil international pour la recherche en agroforesterie, qui s'est tenue à Nairobi et s'est achevée neuf jours seulement avant l'ouverture du présent colloque, j'ai eu le privilège de participer à l'un des quatre groupes de travail, qui était chargé de présenter une appréciation ainsi que des lignes directrices concernant la conduite des cultures dans les systèmes agroforestiers. Les discussions et les conclusions de ce groupe de travail, qui seront bientôt publiées en même temps que les mémoires afférents, se sont avérées extrêmement utiles pour le sujet qui m'avait été assigné par les organisateurs du présent colloque, et il était inévitable qu'elles m'amènent à remanier l'exposé que j'avais rédigé à Turrialba (Costa Rica) en mars 1981.

La leçon a en tirer est évidemment que l'agroforesterie se trouve à un stade dynamique de connaissance et de réévaluation, qu'elle est pleine d'embûches, et que son rôle pour améliorer le sort des populations rurales est souvent grossièrement surestimé. Comme le soulignent avec force les conclusions du groupe de travail de Nairobi, « l'agroforesterie ne doit pas être considérée comme une panacée propre à remédier à tous les maux de l'aménagement des terres, et elle n'est pas non plus applicable d'une manière uniforme. Elle est utile dans des domaines bien définis, par exemple pour restaurer des sols dégradés par une utilisation défectueuse, ou pour augmenter la production sur de bons sols dans des systèmes à investissements élevés, par des associations de cultures appropriées. Dans d'autres cas, d'autres systèmes d'utilisation des terres peuvent être préférables » (CIRAF, 1981).

Un conseil de prudence identique est donné par le nouveau directeur élu du CIRAF, le D' Bjorn Lundgren, dans un article récent (Lundgren, 1979: 526): Dans la promotion du concept d'agroforesterie, on n'a mis aucune limite à l'influence positive que l'on attribuait aux arbres, et qui a pris parfois une dimension quasi mystique - les « arbres miracles » dont on parle souvent en sont un aspect. Bien que cela puisse passer pour un manque d'imagination, il faut affirmer sans ambages qu'il n'existe pas d'influences miraculeuses des arbres sur les sols. On suppose souvent, de manière erronée, que n'importe quelle plantation arborescente a le même effet stabilisateur sur le sol que la forêt naturelle. C'est aussi faux que de dire qu'un champ de mais est écologiquement l'équivalent d'une savane.

D'autres images stéréotypées concernant l'agroforesterie demandent encore à être clarifiées. Estelle pratiquée seulement par les ruraux pauvres ? Son application est-elle restreinte aux terres marginales ? Peut-il être exact, comme l'affirme un rapport célèbre au CRDI (Bene et al., 1977: 43), que « plus de la moitié des terres situées sous les tropiques, bien que trop arides, trop accidentées ou trop rocheuses pour être classées comme terres arables, conviennent à la pratique de I'agroforesterie » ?

Plus on apprend au sujet de l'agroforesterie. plus on découvre qu'elle englobe des systèmes productifs et stables dans toutes sortes de conditions climatiques, édaphiques et sociologiques. Nombre de ces systèmes sont anciens, et s'appuient sur des siècles de connaissances empiriques. Ceux qui, ayant reçu une formation en matière d'agroforesterie, se sont trouvés en contact avec ses pratiques diverses. décrivent avec ardeur - ou plutôt découvrent- de tels systèmes, là où auparavant ils étaient passés sans même les remarquer (Budowski, 1981 a).

Bien qu'on ait le plus souvent parlé de l'agroforesterie comme étant pratiquée par les ruraux pauvres (Michon, 1981; Nao, 1981; Avila et al., 1979; Bishop, 1979; Fuentes Flores, 1979; Wilken, 1977), il paraît également de bonnes études de cas concernant des systèmes hautement productifs pratiqués par des petits agriculteurs (Beer, 1981; de las Salas, 1979). Après tout, les caféiers, théiers et cacaoyers, lorsqu'ils sont cultivés sous un ou plusieurs étages d'arbres « d'ombrage » qui produisent également du bois, apportent de la matière organique, recyclent les éléments minéraux, limitent la pousse des mauvaises herbes, et fournissent divers autres produits et services peuvent légitimement être considérés comme appartenant aux systèmes agroforestiers, qu'ils soient plantés dans de petites ou grandes exploitations privées, ou par des entreprises géantes telles que la Jari Florestal à Amapa au Brésil (Briscoe, 1981).

On peut par conséquent regarder l'agroforesterie comme une technique de mise en valeur des terres qui s'applique tout aussi bien à l'agriculture à faible niveau de capital et de facteurs de production orientée vers l'autoconsommation qu'aux exploitations à investissements élevés ayant pour objectif le rendement maximum possible; les deux systèmes ont en commun la recherche de la permanence, c'est-à-dire la nécessité d'une production soutenue.

En fait, comme l'ont souligné de nombreux auteurs, et notamment Lundgren (1979), « I'agroforesterie en tant que forme d'utilisation des terres est avant tout considérée comme un substitut ou une amélioration désirables de systèmes qui se dégradent du fait de la pression démographique accrue dans des régions où existent de faibles potentialités intrinsèques pour une agriculture intensive ». Il ajoute: « Sous les tropiques humides cela est souvent synonyme de régions soumises à diverses formes de culture itinérante ». Pour les régions tropicales humides d'Amérique on peut remplacer « culture itinérante » par « pâturage extensif »; car c'est là, par les superficies concernées, la cause principale de dégradation des sols, comme en témoignent les millions d'hectares de brousses secondaires sans valeur qui ont envahi les pâturages abandonnés, eux-mêmes taillés aux dépens de la forêt dense (Budowski, 1981 a).

Lundgren (1978a), dans un rapport sur l'Afrique occidentale, souligne en outre que « la production économique et alimentaire du sol ne doit pas seulement être maintenue aux bas niveaux actuels, mais doit être sensiblement accrue pour répondre aux besoins d'une population en expansion et aux aspirations croissantes de développement social et économique » - ce qui peut s'appliquer d'une manière générale à toutes les pratiques agroforestières à faibles investissements à travers le monde tropical.

Un étalon pour apprécier l'applicabilité

Pour être justifiée, l'agroforesterie doit donner des résultats au moins égaux à toutes les autres pratiques possibles, notamment les monocultures. Elle doit être jugée en fonction des aspirations tant économiques que sociales, à court terme aussi bien qu'à long terme; selon les besoins alimentaires et la répartition de l'utilisation des terres, les superficies vouées à l'agroforesterie pourront couvrir une portion plus ou moins grande des terres utilisées par les collectivités rurales.

L'agroforesterie comprend fondamentalement des systèmes agricoles dans lesquels des arbres viennent s'ajouter dans le temps ou dans l'espace, ou dans les deux, à des cultures annuelles ou pérennes, ou à des prairies, ou se combiner avec l'élevage (Combe et Budowski, 1979); les combinaisons possibles sont très nombreuses. Pour les évaluer correctement, il faut les comparer avec les monocultures annuelles ou pérennes sans ces arbres - ou encore avec les mêmes arbres en monoculture. La comparaison ne saurait être aisée, parce que souvent les monocultures n'ont pas de parallèle en agroforesterie ou vice-versa, ou, s'il existe de tels parallèles, ils peuvent ne pas se trouver côte à côte dans des conditions comparables. En outre, une telle évaluation est compliquée par diverses projections à court et à long terme concernant par exemple la valeur du bois, ou l'appréciation actuelle et future des dommages écologiques (par exemple érosion, utilisation de pesticides dans les monocultures) et, plus encore même, par l'appréciation des facteurs sociaux et culturels, eux-mêmes compliqués par une évolution dynamique dans un temps difficilement prévisible.

Néanmoins, cette évaluation est considérée comme un exercice très utile par tous ceux qui veulent promouvoir l'agroforesterie et par la suite transférer diverses de ses formes dans d'autres régions, sans risquer de se fonder sur un simple acte de foi au lieu d'une appréciation scientifique raisonnée. Comme l'exprimaient Steppler et Raintree (1981) à la récente réunion consultative du CIRAF sur la recherche végétale et l'agroforesterie « Le CIRAF se considère comme un honnête courtier en matière de promotion de l'agroforesterie. Si d'autres modes de mise en valeur sont plus appropriés, cela implique que le CIRAF le déclarera explicitement et s'abstiendra d'introduire des pratiques agroforestières là où elles ne sont pas justifiées ». Cette attitude devrait être le credo de tous ceux qui s'occupent d'agroforesterie. C'est avec cet objectif présent à l'esprit qu'a été établie la liste, présentée ici, des avantages et inconvénients des pratiques agroforestières par comparaison avec les monocultures, plus particulièrement dans les tropiques humides. Elle a pour objet de servir de base pour la discussion et pour de futures évaluations. Elle a été élaborée à partir de discussions avec des praticiens de l'agroforesterie et d'une analyse de la bibliographie existante (notamment de las Salas, 1979; Chandler et Spurgeon, 1980; Beer, 1981; Mongi et Huxley, 1980; Raintree, 1981; CIRAF, 1981).

Aspects biologiques

Avantages

Inconvénients

Aspects sociaux et économiques

Avantages

Inconvénients

Conclusions

Ces appréciations des avantages et des inconvénients sont évidemment incomplètes. En outre elles ne peuvent prétendre couvrir tout l'éventail des formes possibles d'agroforesterie. Néanmoins, elles peuvent fournir un cadre pour l'évaluation des systèmes existants et la conception de nouveaux systèmes, notamment par l'appréciation de leur applicabilité et de leurs chances de succès. Elles pourraient constituer une base pour une série de questionnaires lorsqu'on désire promouvoir certaines techniques agroforestières. Enfin, elles peuvent aider à définir une série de possibilités pour la recherche. Au fur et à mesure que la littérature s'enrichira de nouvelles descriptions plus homogènes de systèmes agroforestiers, ces appréciations préliminaires pourront alors être considérablement affinées, élargies, et mises à profit, au moins pour une part et dans la mesure où elles seront applicables, pour l'étude quantitative de ces systèmes, y compris leur mise à l'essai, leur validation et leur évaluation continue.


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