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Les cinq dernières années ont vu se produire une véritable explosion d'intérêt pour l'agroforesterie. Ce concept, parti de quelques anthropologues, forestiers et agronomes, s'est développé au point de devenir un sujet prioritaire pour un certain nombre d'organismes nationaux et internationaux. Comme c'est le cas de tous les termes nouveaux et devenus d'usage courant, on en trouve de nombreuses définitions plus ou moins pertinentes. Sans chercher à arbitrer ce débat, nous emploierons ici le mot « agroforesterie » dans une acception qui englobe tout système agricole associant des arbres aux cultures et/ou à l'élevage, soit dans l'espace soit dans le temps. Ce concept s'est avéré un cadre commode dans lequel on peut faire entrer des éléments aussi divers que les pieux de clôture vivants, les arbres dans les pâturages, les systèmes de taungya, et toute la variété de fermes et jardins potagers que l'on peut trouver à travers les tropiques humides.
Certains ont pu être tentés de considérer les systèmes agroforestiers comme une panacée pour toutes les « terres marginales », susceptible de guérir les maux dont souffre en particulier l'agriculture des pays en développement. Certes, l'introduction des arbres dans divers systèmes de culture peut avoir un certain nombre d'effets écologiques favorables importants, mais le profit net social, économique et écologique ne sera pas nécessairement plus élevé du seul fait que l'on aura introduit des arbres dans les pâturages, les terres de culture ou les jachères. Il faut voir les systèmes agroforestiers comme un remède à l'emprise excessive de la monoculture, pouvant s'appliquer dans tous les types d'exploitations agricoles, depuis la petite ferme à faible niveau d'investissements jusqu'aux grands complexes agricoles à capitaux élevés. Il est urgent, en particulier, d'étudier et de tester des systèmes agroforestiers qui puissent s'appliquer à des zones souffrant déjà de dégradation,
Par conséquent, ceux qui emploient le terme d'agroforesterie doivent trouver un équilibre entre les promesses de tels systèmes productifs intégrés et une évaluation réaliste des coûts et avantages d'un point de vue humain, économique et écologique. Toutefois, la science de l'agroforesterie en est encore à un stade si peu avancé, et la diversité des systèmes agricoles est telle, qu'il pourrait s'écouler de nombreuses années avant que l'on puisse apprécier exactement quelle proportion des terres est réellement plus propre aux pratiques agroforestières qu'aux monocultures. Les combinaisons possibles d'arbres et de cultures agricoles sont pratiquement infinies, et si l'on tient compte de la variation concernant l'espacement, la fertilisation, les types de sols, etc., on ne peut s'empêcher de se sentir accablé devant l'ampleur de l'espace inexploré. Tout au moins a-t-on pour guides les systèmes agricoles traditionnels, qui fourniront des informations précieuses pour l'orientation des premières tentatives.
C'est sur cette toile de fond que s'est tenu le colloque sur les systèmes agroforestiers en Afrique tropicale humide L'impulsion initiale est venue tant de l'Université des Nations Unies, qui projetait d'organiser un colloque régional en Afrique pour faire suite à des réunions analogues tenues en Amérique latine et dans le Sud-Est asiatique, que du Centre de recherche pour le développement international (CRDI), qui voulait rassembler tous les chercheurs travaillant à des projets agroforestiers en Afrique occidentale. Ces deux organisations contactèrent ensuite le Conseil international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) à Nairobi, qui accepta de s'associer à l'organisation du colloque et de prendre en charge de nouveaux participants. De même, des contacts furent établis avec la Commission économique pour l'Afrique, le Programme des Nations Unies pour l'environnement, la FAO, I'Unesco et la Banque mondiale, qui tous acceptèrent de prendre en charge un ou plusieurs participants. En même temps des discussions se tinrent avec l'Université d'lbadan, l'Institut international d'agriculture tropicale, et le Département fédéral des forêts du Nigeria, et ces trois institutions acceptèrent généreusement de prendre en charge conjointement l'organisation du colloque. S'il convient d'adresser des remerciements tout particuliers à l'Institut international d'agriculture tropicale qui a fourni le centre de conférence et les installations d'hébergement, toutes les trois n'en ont pas moins apporté un appui essentiel pour le succès de cette réunion.
Le colloque a réuni plus de 60 participants de 14 pays africains, et des représentants de 9 organisations internationales. Le fait que de si nombreux scientifiques ont pu se rencontrer pour discuter d'agroforesterie est la preuve tangible de la coopération existante et de l'intérêt porté à l'agroforesterie tant au niveau national qu'international. Tout aussi important a été l'échange d'information entre chercheurs anglophones et francophones, et la publication de ces comptes rendus dans les deux langues devrait contribuer à faciliter de nouveaux contacts et échanges.
Le nombre élevé de participants a eu pour conséquence que plus d'une trentaine d'exposés ont été présentés en trois jours, ce qui a sérieusement limité le temps disponible pour les trois groupes de travail ainsi que pour les discussions au cours des séances plénières. A cet égard les comptes rendus reflètent bien ce fait, en n'incluant qu'un bref résumé de la discussion qui a suivi chaque série d'exposés. Il n'a pas été inclus de compte rendu séparé de la journée d'excursion sur le terrain, étant donné que la matière peut en être trouvée pour la plus grande part dans les exposés. Le temps disponible pour les groupes de travail n'a été que d'une après-midi, et les rapports correspondants ont été discutés au cours d'une séance plénière juste avant la clôture du colloque. En conséquence, ces rapports représentent l'expression d'une position commune sur les trois sujets: recherche, formation et vulgarisation, et sur l'aménagement des systèmes agroforestiers. plutôt qu'un ensemble de recommandations spécifiques.
L'abondance de matières présentées créait en elle-même un problème: comment maintenir le volume de ces comptes rendus dans des limites raisonnables ? Il a donc été décidé que toutes les matières déjà publiées par ailleurs ou ne se rapportant pas directement au thème de l'agroforesterie en Afrique tropicale humide ne seraient pas incluses, et certains textes ne sont présentés que sous forme de résumés. Ceux de Peter Poschen et de Madické Niang, notamment, qui traitent principalement d'agroforesterie en dehors de la zone tropicale humide d'Afrique, sont présentés sous une forme très abrégée.
En préparant ces textes pour la publication, il était par ailleurs nécessaire de les regrouper dans un ordre différent de celui dans lequel ils avaient été présentés à la réunion. Les classifications trop rigides étant généralement une vue de l'esprit, on a établi d'une manière très libre cinq rubriques principales. La première section « Principes d'agroforesterie », renferme cinq exposés qui appellent la réflexion et touchent toutes les discussions sur l'agroforesterie. Ils sont suivis de sept exposés qui, partant de divers systèmes agroforestiers traditionnels d'Afrique tropicale humide, discutent des perspectives d'évolution future. La troisième section, comprenant six textes, est consacrée aux systèmes taungya au Nigeria et dans trois autres pays d'Afrique occidentale. Les dix exposés qui suivent sont groupés sous le titre « Activités actuelles en agroforesterie »; ils présentent l'essentiel des recherches qui ont été menées sur diverses combinaisons entre arbres, cultures et élevage dans sept pays allant du Rwanda au Cameroun. Le dernier groupe d'exposés comprend quatre études de cas se situant dans différents pays, certaines n'étant présentées que sous forme de résumés, et deux textes exposant les préoccupations de la FAO et du PNUE en matière d'agroforesterie.
Nous exprimons également notre gratitude pour la présence à cette conférence d'Amy Chouinard, de la Division des communications du CRDI, dont les conseils et l'assistance ont été précieux pour la mise en forme de cette publication.
Bien que ces comptes rendus se rapportent essentiellement à l'agroforesterie en Afrique tropicale humide, les concepts qui y sont discutés s'appliquent tout aussi bien à d'autres systèmes agroforestiers, et même beaucoup des exposés spécifiques pourront être utiles à ceux qui travaillent sous les tropiques dans le Nouveau Monde ou en Asie. Les essences forestières et les espèces pastorales ou agricoles peuvent évidemment ne pas convenir aux conditions d'autres régions, mais les dispositifs expérimentaux, et les problèmes posés par le développement des systèmes traditionnels, resteront souvent applicables.
Notre souhait sincère est que ces comptes rendus reçoivent la diffusion la plus large possible, car le besoin primordial est d'informer les chercheurs, les planificateurs et les administrateurs sur les possibilités de l'agroforesterie, et cette publication fournira à tous ceux qui travaillent dans le domaine de la mise en valeur des terres la base conceptuelle et technique indispensable.
Gilles Lessard,
Directeur associé, sciences forestières,
Centre de recherche pour le développement international
Lee MacDonald,
Administrateur de programme,
Programme sur l'utilisation et la gestion des ressources
naturelles,
Université des Nations Unies