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Quatrieme partie:Rapports de synthèse et recommandations


Besoins et activités de formation sur les problèmes de gestion des terres arides
Rapport préliminaire à la discussion sur les éventuels programmes de recherches le l'UNU en Afrique francophone le l'Ouest
Recommandations finaIes du séminaire


Besoins et activités de formation sur les problèmes de gestion des terres arides

Paul Pélissier, professeur à l'Université de Paris-X

Situation actuelle

Les institutions actuelles de formation offrent, à travers les exposés présentés au séminaire, un tableau comportant à la fois des aspects positifs et des donnéss négatives. Les aspects positifs nous paraissent concerner essentiellement les trois points suivants.

Partout apparît le souci de donner aux responsables de la gestion des terres arides une formation pluridisciplinaire, intégrant les résultats des recherches sectorielles et permettant une approche globale des problèmes d'aménagement: on est désormais très loin de l'époque où des spécialités arrogantes prétendaient imposer leur vision et détenir le monopole des solutions.

Toutes les formations ont le souci de faire prendre conscience de la vulnérabilité des terres arides et subarides, de la fragilité des équilibres, de la nécessité de ne plus assimiler croissance de la production et développement, mais, au contraire, de sauvegarder l'environnement et de préparer l'avenir.

Enfin, dans toutes les institutions, s'est imposée la nécessité d'un contact intime et prolongé avec les réalités du terrain: stages et travaux personnels sont désormais partie intégrante des différentes formations proposées.

Inversement, les exposés présentés révèlent trois types d'écueil àcombattre et de difficultés à surmonter.

Le premier défaut à dénoncer est le cloisonnement croissant des formations et des recherches, la dispersion des initiatives et, par conséquent, I'apparition de doubles emplois coûteux.

Ce cloisonnement institutionnel provoque l'isolement des chercheurs, la faible diffusion des résultats de leurs expériences et de leurs travaux, I'émiettement de la documentation, un gaspillage préoccupant des énergies et des moyens.

Enfin, I'écoute attentive des communications et des interventions révèle les risques de résurgence des attitudes technocratiques et autoritaires de certains scientifiques dès lors qu'il s'agit d'évoquer la participation des populations dont le patrimoine technique et culturel et la capacité d'initiative sont largement sous-estimés.

Sur le contenu proprement dit des différentes formations, les rapports présentés au séminaire apportent peu de données pré cises et peu d'aperçus originaux. Partout l'on affirme associer sciences de la nature et sciences humaines, mais il est à craindre qu'il s'agisse parfois davantage d'une juxtaposition mal articulée de données que d'une recherche systématique des corrélations. L'élément le plus nouveau est sans doute le besoin exprimé et, dans certains cas, I'introduction dans les formations dispensées d'une dimension juridique approprée à l'administration et à la gestion de l'espace. Un certain nombre de questions restent posées et en particulier celles-ci.

L'énorme capital de connaissances et d'expériences détenu par les populations à propos du milieu aride et subaride et de son utilisation est-il systématiquement analysé et progressivement mobilisé ?

Les formations proposées comportent-eiles une initiation méthadologique à l'enquête sur les populations et leurs modes d'utilisation du milieu et un apprentissage de sa pratique?

L'utilisation méthodique et le traitement critique de toutes les sources disponibles, à commencer par la bibliographie, sont ils l'objet d'un enseignement systématique ?

Le séminaire a en effet été attentif au rappel de deux banalités trop oubliées: en premier lieu, existe désormais sur les terres arides et sub-arides un patrimoine scientifique important, mais dispersé et sous-utilisé. En second lieu, avant de transformer et de condamner, il faut, même si l'on n'a que le souci de l'efficacité, comprendre comment se justifient les pratiques existantes: ainsi l'on connaît bien les effets biologiques des feux de brousse, mais l'on n'a pas encore compris que leur disparition passe par celle des fonctions essentielles qu'ils remplissent au triple plan social, technique et économique.

Enfin, le bilan sur les formations ne peut manquer de poser la question des débouchés, c'est-à-dire de l'évaluation des besoins. Trois types de profils s'identifient à travers les exposés présentés sans qu'il soit possible d'avancer à leur sujet des estimations chiffrées. Les terres arides et sub-arides ont en premier lieu besoin de chercheurs qualifiés disposant de moyens appropriés Deux constatations s'imposent à ce sujet: d'une part, on ne manque ni d'idées, ni de projets, ni d'institutions, ni souvent de moyens, mais l'on manque avant tout d'hommes, c'est-àdire de chercheurs compétents et motivés; d'autre part, parmi les chercheurs disponibles, un nombre beaucoup trop faible est originaire des régions concernées et spécialement des pays du Sahel. La seconde cible des formations propres aux terres arides et sub-arides est constituée par les professionnels de

I'administration et de l'aménagement du territoire. Il s'agit de leur donner une approche globale des problèmes, de les initier à l'analyse des corrélations entre paramètres naturels, facteurs humains et décisions administratives, bref de décloisonner des formations techniques souvent trop spécialisées et les structures sectorielles héritées des modèles occidentaux. Enfin, le troisième profil défini par le séminaire intéresse la formation d'une catégorie particulière d'agents destinés à être situés à la charnière de la recherche et de l'application, c'est-à-dire d'analystes aptes à synthétiser et à traduire au service de l'action les résultats scientifiques obtenus par la recherche.

Suggestione en vue d'une action de l'Université des Nations Unies (UNU)

Compte tenu du dia,qnostic résumé ci-dessus, il semble que le rôle des universitaires, et spécialement de l'Université des Nations Unies, puisse consister, en premier lieu, à prendre des initiatives visant à épauler et à valoriser les travaux des institutions existantes, en second lieu, à développer un état d'esprit et des méthodologies mettant l'accent sur la dynamique des phénomènes et la responsabilité des sociétés d,ans la gestion du milieu, enfin, à définir quelques crénaux de recherche qui seraient tout à la fois des terrains de formation et des champs d'application des méthodologies préconisées.

Les initiatives les plus utiles à court terme sont sans doute celles qui doivent aider les institutions des pays sahéliens àlutter contre le cloisonnement et le repli sur soi, à diffuser les informations et les résultats des recherches conduites dans l'ensemble de la zone, à assurer les communications entre centres d'étude et entre chercheurs. Une aide utile serait celle qui contribuerait à l'édition et à la distribution des travaux de recherche dont un grand nombre sont de diffusion confidentielle voire totalement inutilisables (telles beaucoup de thèses dont les résultats scientifiques restent inaccessibles). Non moins précieux serait l'appui que pourrait apporter l'UNU àla diffusion des collections scientifiques existantes ou à la réimpression de travaux fondamentaux épuisés. L'UNU pourrait aussi aider au développement et au fonctionnement d'un grand centre de documentation pansahélien et, par conséquent, interafricain, à propos de la localisation duquel il revient aux Etats de s'entendre. L'attention du séminaire est, d'autre part, attirée sur l'importance des échanges d'information Est-Ouest: multiples sont les initiatives à prendre en vue des échanges d'expériences, de technologies, de variétés de plantes cultivées, etc. Mais la diffusion de l'information scientifique et des produits de la recherche ne doit pas rester limitée au monde des spécialistes. Un effort particulier de l'UNU pourrait contribuer à développer deux autres formes de communication. En premier lieu, celle qui doit intéresser les « décideurs », en direction desquels doit étre mis au point un système d'information pratique, assimilable, adapté à leur langage et à leur démarche intellectuelle. En second lieu, celle qui doit viser les populations en contribuant à la vulgarisation des résultats de la recherche. Ces tâches de «traduction», et de simplification, nécessairement accompagnées par une pédagogie appropriée, seraient justement valorisées par un appui qui marquerait l'attention que leur porte l'UNU.

Enfin, dans le domaine de l'enseignement postuniversitaire l'Université des Nations Unies ne devrait pas envisager d'initiative propre, mais s'attacher à épauler un certain nombre de formations nationales existantes ou en projet en sélectionnant les plus crédibles par la qualité et le sérieux de leurs cadres et en posant en principe que toute formation appuyée par elle est nécessairement ouverte aux étudiants originaires de tous les pays sahéliens. L'existence d'un (ou de plusieurs) creuset commun aux chercheurs et aux responsables de l'ensemble des pays sahéliens serait une telle source d'enrichissement réciproque, d'efficacité et d'avantages scientifiques qu'elle doit être l'un des objectifs de la coopération internationale.

L'appui de l'UNU aux institutions, aux formations et aux projets de recherches doit contribuer à la promotion de méthodologies nouveiles appliquées tant à l'analyse des systèmes de production en usage qu'aux résultats des initiatives techniques du développement et à leurs effets en tous domaines. Ainsi, I'une des particularités des formations dispensées devrait être de mettre l'accent sur les corrélations qui enchaînent étroitement tous les éléments d'un système de production. Un bon exemple est fourni par le rôle de l'arbre dans les civilisations sahéliennes et sahélo-soudaniennes. Toutes les politiques de reLoisement sont jusqu'ici conduites dans une perspective purement forestière alors que l'arbre est un élément essentiel et parfois la cheville ouvrière des systèmes agropastoraux de la zone à longue saison sèche. Alors que le forestier ne rêve que d'isoler l'espace forestier de l'espace pâturé ou cultivé, pour les Sahélo Soudaniens l'arbre est partie intégrante de l'espace agropastoral. Tandis que, pour le technicien, I'arbre c'est d'abord du bois, une matière première et une source d'énergie, à la rigueur un brise-vent, pour l'agropasteur, c'est essentiellement un pâturage de saison séche, un facteur d'enrichissement du sol, une source de produits de cueillette, enfin, lorsque la densité l'exige, I'instrument primordial de la sédentarisation des terroirs et de l'association de l'élevage et de l'agriculture.

L'ignorance de ces systèmes autochtones, de leur logique et de leur efficacité conduit à des politiques forestières dont on peut craindre qu'elles n'aient des effets catastrophiques sur tout l'équilibre de la zone sahélo-soudanienne: ainsi de la diffusion de l'eucalyptus, du neem, du cassia, plantes étrangères qui ne visent qu'à produire du bois, qui épuisent ou empoisonnent les sols, qui gaspillent leurs réserves hydriques, alors que sont délibérément ignorées, y compris par la recherche, les espéces autochtones, à commencer par les irremplaçables léqumineuses sahélo-soudaniennes. Si le rôle de l'arbre dans l'entretien de l'environnement et le fonctionnement des systèmes de production était clairement perçu grâce à la mise en lumière des corrélations que j'évoquais, c'est une politique entièrement nouvelle de l'amènagement et de la gestion de l'espace qui serait dessinée.

La méthodologie qu'on envisage devrait avoir aussi pour but la mise en lumière du dynamisme du milieu sahélien et, par voie de conséquence, d'attirer l'attention sur la responsabilité de l'homme dans son évolution. Elle devrait d'abord rappeler qu'aucune intervention technique n'est isolée ni innocente et ne devrait être décidée qu'après recherche attentive de tous ses effets induits prévisibles. Un intérêt particulier pourrait être apporté aux corrélations entre phénomènes naturels et données humaines, telles que le poids des densités et l'évolution démographique. De tels soucis rendraient présents à l'esprit des décideurs comme des chercheurs que les paysages sont le produit des civilisations et qu'en conséquence, leur évolution positive ou leur dégradation relèvent de la responsabilité commune des sociétés contemporaines, à commencer par les décisions de leurs cadres administratifs et les propositions de leurs scientifiques.

L'intervention de l'UNU pourrait enfin privilégier un nombre limité de thèmes de recherche à propos desquels elle contribuerait à la réalisation d'études comparatives, conduites selon des protocoles précis. Compte tenu de la diversité des travaux en cours et de la modestie des moyens, nous suggérerions volontiers que les domaines de recherche abordés par l'UNU ou avec son aide soient strictement limités à trois, étant entendu qu'à l'intérieur de ces domaines seraient précisés des thèmes répondant aux préoccupations nationales et aux urgences locales.

Le premier de ces domaines pourrait intéresser la sauvegarde et l'amélioration des pâturages sahéliens et sahélo-soudaniens. Il recouvre toute une série de thèmes du plus haut intérêt scientifique et pratique tels que l'enrichissement des pâturages naturels, tant annuels qu'arborés, I'étude de la rationalisation de leur exploitation et, plus généralement, d'une gestion ordonnée de l'espace pastoral, I'analyse de l'utilisation des points d'eau, et notamment des forages, etc.

Le second domaine de recherche que pourrait identifier l'UNU nous paraît devoir concerner ce paradoxe fondamental de l'Afrique à longue saison sèche: son ignorance de l'utilisation rationnelle de l'eau dans le domaine agricole alors qu'elle connait des systèmes de culture sous pluie d'une remarquable efficacité. Ce domaine de recherche paraît d'un intérêt tout particulier alors que se multiplient les projets de barrage sans que l'on sache grand-chose sur leur utilisation et leurs effets tant écologiques que sociaux et économiques. Que sait-on de l'évolution des sois sous irrigation en Afrique sahélienne ? De l'adaptation à l'irrigation d'agriculteurs pratiquant des techniques extensives sous pluie voire des cultures de décrue? Des conséquences foncières des aménagements? De l'intérêt économique de l'irrigation au niveau du producteur d'abord, de l'État ensuite ? Des effets sanitaires de la multiplication des barrages et des périmètres irrigués? En aucun autre domaine le progrès des techniques ne pousse les hommes à jouer avec plus d'assurance le rôle d'apprentis sorciers: il appartient aux scientifiques d'alerter les responsables et, si possible, de les éclairer.

Enfin, un troisième champ de préoccupations jusqu'ici trop négligé nous paraît concerner tout ce qui intéresse le stockage de la production. Un des moyens les plus efficaces pour lutter contre la détérioration des récoltes, I'insécurité alimentaire et la dépendance économique serait de doter les pays du Sahel d'une capacité de stockage leur permettant tantôt d'engranger les surplus de leur production, tantôt de pallier les conséquences des accidents climatiques. Or la plupart des États sont, en ce domaine, dramatiquement démunis et, par conséquent, très vuinérables. Mais le projet d'épauler leurs producteurs et de protéger leurs consommateurs grâce à leur équipement en moyens de stockage pose de difficiles questions techniques et de délicats problèmes de gestion et de financement qui méritent des études approfondies sur lequelles l'attention des spécialistes, des aménageurs et des économistes mérite d'être attirée. C'est, nous semble-t-il, en définissant un nombre limité de créneaux de ce type que l'Université des Nations Unies pourrait utilement épauler et compléter les efforts de recherche conduits à travers la zone sahélienne et ses bordures par les institutions nationales et régionales.

Rapport préliminaire à la discussion sur les éventuels programmes de recherches le l'UNU en Afrique francophone le l'Ouest

Jean Gallais, professeur à l'Université de Haute-Normandie

L'auteur de ce projet n'a aucun titre pour proposer, et encore moins pour préciser, ce que l'UNU pourrait entreprendre comme action de soutien aux organismes universitaires ou centres de recherche. Ce rapport a pour but de soulever un certain nombre de questions, d'alternatives suscitant des réactions des participants au séminaire: il s'inspire largement des rapports sur l'état de la recherche dans la zone aride qui ont été présentés par les représentants nationaux et peut-être davantage encore des discussions sur l'avenir des terres arides, tels que les stratégies nationales semblent le préparer ou l'admettre...

Il est indispensable, d'abord, d'émettre un certain nombre d'hypothèses banales qui canaliseront notre discussion.

L'action de l'UNU devra admettre certaines priorités de recherche relevant des problèmes les plus urgents et les plus fondamentaux des terres arides.

Les programmes devront être conçus en fonction de l'état de pauvreté particulier de l'Afrique de l'Ouest. Il est évident que certaines recherches applicables ailleurs sont hors de question ici. Si l'Arizona et Abou Dhabi s'intéressent au recyclage des eaux à usage agricole, ce problème semble déplacé dans le sous-continent.

Ces programmes doivent être en rapport avec les moyens limités de l'UNU et avec sa déontologie. Celle-ci, exprimée dans la charte, confère à l'UNU l'originalité de ne pas être un organisme intergouvernemental; elle ne dépend pas des gouvernements des Etats. Cela lui donne la possibilité de travailler librement en concertation avec les universités, centres de recherche, organismes internationaux.

Il serait très précieux que les recherches patronnées par l'UNU intéressent les organismes tels que l'UNSO, le CILSS, ne serait-ce que pour attirer leur aide matérielle, mais aussi pour éclairer certains aspects de leur action.

Ces hypothèses admises, nous nous trouvons devant une alternative redoutable. Nous avons tous dans l'esprit un certain nombre de domaines de recherches fondamentales et appliquées d'un intérêt essentiel pour les terres arides. Les rapports nationaux et celui de synthèse du professeur Pélissier ont passé en revue ces questions essentielles sur lesquelles la communauté scientifique travaille depuis des décennies, mais qui sollicitent encore plus de recherche.

Je rappelle que les besoins de recherche sur les terres arides ont fait l'objet d'un travail de l'Unesco (« Notes techniques du l'adoptionMAB, 10 ») sur lequel on peut s'appuyer en l'adaptant aux problémes particuliers de l'Afrique de l'Ouest.

Je regrouperai ces besoins de recherche sur cinq thèmes principaux.

  1. Le choix, la diffusion, l'adoption par les sociétés paysannes et pastorales, des plantes les plus utiles et adaptées àl'écologie des terres arides ou sub-arides. Choix implique recherche agronomique et observation botanique. Diffusion implique un système d'information et de collaboration internationale dans le sens Est-Ouest au profit d'espèces, de variétés de haut rendement, fournissant d'utiles services dans une région, ignoées ailleurs. Adoption suppose la recherche en conditions réelles, et non en laboratoire, de l'intégration de ces plantes au système de production ou de cueillette populaire. On sait que si les céréales alimentaires de base dans la zone sud-sahélienne sont quelquefois sacrifiées au profit des cultures commerciales, c'est parce que celles-ci ont une meilleure productivité grâce aux variétés intéressantes mises au point par la recherche agronomique, que celle-ci s'applique aux céréales de base et, plus particulièrement, à étudier les limites pluviométriques, pédologiques... dans lesquelles certaines variétés traditionnelles pourraient être diffusées. Chaque région sahélienne possède ses variétés traditionnelles de mil, sorgho, manioc, patate: aider la diffusion des meilleures. Certaines techniques de travail du sol mériteraient d'être aussi diffusées. Un petit exemple, ces cuvettes creusées dans l'horizon latéritique remplies de fumier et de sable en saison sèche, collectant l'eau de pluie, dans lesquelles les semis sont faits dans certaines régions. Il y a un capital énorme de connaissances traditionnelles et scientifiques qu'on peut s'ingénier à mieux appliquer. Sur ce thème, la difficulté pour nous serait de définir un créneau étroit à la mesure de nos moyens de recherche applicable et pouvant se situer en amont de l'action d'une organisation de développement.
  2. La réaction de l'environnement sub-aride aux aménagements d'irrigation. C'est une question fondamentale qui vient tout de suite à l'esprit à l'intérieur de laquelle certains points pourraient faire l'objet d'une étude concertée puisque la vallée du Sénagal et celle du Niger, les amènagements au cap Vert offrent des champs d'observation paralièles. Le thème est évidemment trop large, il faudrait l'aborder sur deux ou trois
    points précis. Là encore l'Unesco a sorti un document approprié 1« Notes techniques du MAB, 8 »). Sur beaucoup de points -réaction des plantes cultivées aux types d'irrigation, réaction des sols, conséquences sanitaires-les processus sont scientifiquement connus et le problème demeure: Comment, pratiquement et à quel coût économique, éviter les processus défavorables ? Par ailleurs, en face de ces problèmes généraux, les réactions des sociétés offrent un champ d'observations, très particulièrement en anthropologie économique. Haoussa, Sonra', Toucouleur, Peul ne sont pas prêts à intégrer l'irrigation de la même façon, au même rythme, dans leur système de production et de société. Il serait donc utile que le rôle de l'État, le type d'encadrement, les modes de faire-valoir... soient réfléchis selon ces paramètres socioculturels plutôt que d'être appliqués bureaucratiquement selon un système irréfléchi ou standard. Dans ce contexte, des études de cas organisées selon un protocole assez précis pour que les résultats soient comparables, et définissant résolument les modalités d'intervention, seraient les plus indiquées sur une base interdisciplinaire.
  3. Des expériences de reforestation et de sylviculture tentées un peu partout à des échelles et selon des modalités différentes, un bilan d'ensemble seraient nécessaires. Il y a beaucoup d'échecs, peu d'expériences réellement tentées en vraie grandeur au niveau des collectivités paysannes. Travail de recherche de longue haleine, avec des moyens puissants, et je ne vois pas très clairement ce que l'UNU pourrait aider dans le domaine de la recherche fondamentale. Par contre, le bilan critique offrirait une information intéressante, et l'étude de la réaction paysanne ou pastorale aboutirait peut-être à des conclusions utiles.
  4. On ne peut éviter d'évoquer le problème de l'évolution du nomadisme. C'est un domaine de décisions politiques dans lequel une recherche scientifique menée sous l'égide de l'UNU n'aurait pas à donner un avis normatif. Mais toute décision, ou toute absence de décision formelle, ce qui est une forme de décision, demande un lot d'informations comparatives qui n'existe pas au niveau du sous-continent. Nous disposons d'études, mais elles sont rarement comparables. Les conséquences de la sédentarisation spontanée ou décidée sont à étudier sur des cas précis selon un système d'approche identique et en reconnaissant un ensemble d'échelles semblables. Là encore, c'est une approche interdisciplinaire qui s'impose où collaboreraient spécialistes de l'environnement, médecins, sociologues, géographes, administrateurs, juristes, démographes... Pratiquement cela serait un domaine de recherche relativement facile à organiser et à coordonner avec des moyens raisonnables.
  5. La recherche sur les énergies renouvelables, et plus particulièrement sur l'énergie solaire, est certainement très lourde de conséquences pour l'avenir. Plusieurs institutions en Afrique de l'Ouest y travaillent. En d'autres parties du monde, il existe déjà des centres de recherche sur cette question aidés par l'UNU. Celle-ci pourrait faciliter une liaison pour une meilleure division du travail et pour aboutir à des résultats de bonne applicabilité dans les conditions socio-économiques de l'Afrique de l'Ouest.

Tous ces domaines de recherche sont vastes, interdisciplinaires et, à différents titres, nous trouverions dans les recherches déjà entreprises en Afrique de l'Ouest des appuis et des résultats. Tous sont d'une utilité pressante. Cependant, I'alternative dont je parlais au début est moins le choix entre ces domaines que celui auquel je vous propose de réfléchir entre cet ensemble de recherches classiques et celui que je soulève ci-après.

Ce second ensemble de recherches correspond davantage à l'appel que vient de lancer le nouveau recteur de l'Université des Nations Unies dans son discours du 1er décembre que je trouve assez remarquable. Pour le recteur Soedjatmoko, I'année 1981 est une année de transition ouvrant la deuxième phase de l'activité de l'UNU. Cette seconde phase sera organisée, pour reprendre son expression, « le regard étant tourné au-delà des années quatre-vingt vers le xx'. siècle ». Le recteur souligne que le monde entier est dans un état d'impréparation totale à la crise profonde qui va intéresser les deux dernières décennies du siècle et que l'UNU doit être un des instruments qui élargiront la capacité collective des hommes de préparer l'avenir. Le recteur recommande expressément comme domaine de recherche «I'humanité au seuil du XXIe siècle>>. Dans ces conditions ne serait-il pas logique et habile, si nous voulons que l'UNU consacre une attention aux recherches en Afrique de l'Ouest, de retenir comme programme « L'avenir sahélo-saharien en Afrique de l'Ouest « ou « Sahel 2000 ».

Cela nous sortirait du cadre précis du programme «L'utilisation des ressources naturelles'>, car il est bien évident que le programme « Changement social « serait aussi intéressé. Mais le recteur encourage à promouvoir des thèmes de recherche intégrant davantage les trois programmes actuels. Cette recherche pourrait être organisée de façon très décentralisée. La multitude de connaissances et de réflexions qu'une analyse de l'avenir intègre serait progressivement apportée selon une programmation très flexible par des chercheurs isolés ou groupés dans une institution auxquels on poserait une question très précise et qu'ils traiteraient librement. Un protocole de recherche général étant rédigé, une négociation aurait lieu, coup par coup, avec des unités de recherche. Cela donnerait une progression frontale des idées sur un ensemble de thèmes dont les confluences seraient organisées vers l'aval, même si elles n'apparaissent pas immédiatement. Autre condition: un horizon temporel défini àl'avance avec intercalation de rencontres périodiques peu coûteuses à organiser.

Cette recherche prendrait en considération les divers éléments suivants, entre autres, chacun d'eux requérant une méthode particulière d'approche.

L'observation des tendances, en particulier des transformations sociales, démographiques et techniques àpartir desquelles un exercice d'extrapolation peut être fait, ainsi que la prise en considération très attentive des tendances climatiques discernables.

La perception par l'individu de l'évolution de l'environnement qu'il s'agisse de la nature, mais aussi des rapports sociaux, perception qui, comme les sondages d'opinion, reflète ce qui est, mais aussi influence ce qui sera.

Les conséquences d'une mobilité interrégionale et internationale accrue, les migrations étant étudiées comme facteur de chagement global.

Le sens des actions et décisions extérieures agissant sur les terres arides. Au niveau national, les centres de décision sont pour la plupart extérieurs aux régions arides. Au niveau international, les pressions économiques et politiques. Par exemple, un point qui peut à tort paraître secondaire: la pression touristique et ses conséquences de plus en plus importantes d'ici à l'an 2000.

Le rôle des sociétés urbaines et de leurs véhicules éducatifs, culturels, sociaux sur les ensembles régionaux.

Les plans d'opposition et de conflit qui apparaissent et menacent de s'élargir entre États, ethnies, familles religieuses, pouvoirs sociaux, déjà en cours de multiplication dans la zone sahélo-saharienne et qui vraisemblablement se multiplieront.

L'avenir des moyens non bureaucratiques et décentralisés appliqués à la gestion de la transformation sociale et des ressources économiques. Les tentatives d'organisations communautaires ou coopératives émanant des sociétés populaires se multiplient dégageant un nouveau type social de leader. Ces tentatives apparaissent de plus en plus comme une
alternative possible à la gestion bureaucratisée de type européen dont la médiocre efficacité, voire la nocivité, est la principale leçon à tirer des deux dernières décennies.

Cela n'est pas un programme de recherches sur la question, mais quelques coups de projecteur sur un domaine de recherche que seule l'Université des Nations Unies peut entreprendre et mener à bien avec la collaboration active des centres de recherche africains, tout en ensemençant intellectuellement ces mêmes centres d'idées nouvelles pour des recherches complémentaires et latérales. Un tel programme retiendrait peut-ètre l'attention des organismes internationaux qui ont une part de responsabilité dans la définition des stratégies préparant le xx'. siècle sahélo-saharien, et bénéficiant peut-être de leur aide.

Telles sont mes réflexions préliminaires à la discussion sur les éventuels programmes de l'UNU en ce qui concerne la recherche sur les terres arides en Afrique de l'Ouest. Vos réactions seront certainement précieuses à l'UNU si chacun veut bien se dégager de ses propres préoccupations et se placer au niveau élevé de l'utilité générale.

Recommandations finaIes du séminaire

Constatations

1. Le séminaire a fourni l'occasion d'une vaste revue: a) des recherches sur le milieu aride; b) des organismes universitaires, internationaux ou étrangers; c) des thèmes les plus importants et qui conditionnent l'avenir des terres arides.

2. Il a permis de souligner les freins et obstacles pour une meilleure connaissance, parmi ceux-ci:

L'insuffisante harmonisation des activités de développement et des recherches entreprises par les différents organismes, en particulier les organismes internationaux et régionaux.

La faiblesse des moyens, surtout en ce qui concerne le fonctionnement au jour le jour de la recherche qui pourrait être réactivée. Des crédits modestes mis à la disposition des chercheurs permettraient à ceux-ci de sortir de la paralysie à laquelle ils sont souvent condamnés.

3. Il a été particulièrement montré que le capital de résultats de recherche existants n'est pas parfaitement disponible faute d'une diffusion efficace et d'un système de documentation réellement à la disposition de chercheurs dispersés.

4. Parallèlement, il est souligné que les décideurs et techniciens n'utilisent guère pour leurs prises de décision le capital scientifique disponible, faute de temps pour lire les rapports et ouvrages quelquefois longs et difficiles, quelquefois faute d'une attention réelle portée à l'aide éventuelle que leur fourniraient les résultats de ces recherches, quelquefois par l'insuffisante préoccupation des chercheurs et organismes à porter ces résultats au niveau des décideurs. A cet égard, il est à déplorer l'absence de structure de dialogues entre décideurs et chercheurs.

5. Il a été regretté le défaut de formation d'une catégorie de chercheurs et praticiens qu'on pourrait qualifier de «généralistes » en la connaissance et en la gestion des terres arides. Ces généralistes rendraient les services les plus éminents: Pour faciliter le traitement intégré des problèmes d'aménagement en milieu aride.

Pour servir d'informateurs éclairés aux décideurs et aux populations.

Pour identifier, si possible avec les populations, les problèmes prévus sur lesquels une recherche plus spécialisée serait utile.

Pour analyser et rendre accessibles aux décideurs les résultats déjà acquis.

Recommandations à l'UNU

  1. Coopération Coopérer étroitement avec les organisations internationales et régionales ainsi qu'avec les universités de la région.
  2. Formation Aider les universités de l'Afrique de l'Ouest àorganiser une formation supérieure (troisième cycle), afin de multiplier les généralistes et les documentalistes spécialisés dans l'étude des terres arides, notamment en créant un atelier mobile d'importance régionale.
  3. Documentation Contribuer au fonctionnement et au développement de centres de documentation et de diffusion sur les problèmes des terres arides. Ce rôle de diffusion exige une attention particulière du point de vue équipement.
  4. Recherches Aider les universités et les instituts de recherche dans l'organisation et le fonctionnement de travaux de recherches portant sur les thèmes suivants:
  1. Mise en place d'un réseau de projets pilotes de recherches écologiques intégrées pouvant servir par ailleurs de terrain d'études.
  2. Aménagement des ressources en eau et résultats économi ques de ces aménagements.
  3. Bilan du rôle de l'arbre dans l'environnement et dans les activités agropastorales et renforcement des recherches forestières et de la défense et restauration des sols.
    Evolution et problème du pastoralisme.
  4. Renforcement des programmes de recherches sur les éner gies renouvelables dans la zone aride.
  5. Amélioration de la connaissance de l'environnement sahélien, notamment par l'étude pluridisciplinaire des nappessableuses et de leur protection.
  6. Développement des projets de gestion de faune sauvage en fonction des besoins protidiques des populations locales.
  7. Recherches sur les plantes alimentaires africaines.

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