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Troisième partie :Principes de gestion et développement des terres arides
Stratégies pour la gestion des terres arides
Le developpement des terres arides au Niger:
organisation des pouvoirs et stratégies
Quelques problèmes relatifs à la gestion des
terres arides en Haute-Volta
Quelques principes de gestion en milieu
soudanien : l'action du service forestier en Gambie
La politique d'aménagement dans la partie aride
de la vallée du Niger au Mali, région de Gao
Le rôIe des organisations internationaIes le
développement dans les terres arides de l'Afrique de l'Ouest
Stratégies pour la gestion des terres arides
Jean Dresch, professeur honoraire à l'Université de Paris-VII
La partie méridionale des régions arides tropicales en Afrique occidentale et centrale est occupée par des populations qui ont su remarquablement utiliser des ressources naturelles limitées et fragiles. Celles-ci augmentent et ont une moindre irrégularité interannuelle dans le mesure où l'on s'éloigne du Sahara vers la savane: la biomasse est inférieure à 400 ou 500 kg/ha dans la steppe de transition saharo-sahélienne où les précipitations moyennes sont inférieures à 200 mm. Elle peut s'élever à 2000 kg/ha, voire 6 tonnes dans les pâturages de bourgou, dans la steppe sahélienne proprement dite où les précipitations moyennes sont entre 200 et 400 mm. Quand celles-ci sont de 350 3 400 mm, I'agriculture sous pluie devient possible et la charge des pâturages peut dépasser 1 UBT (unité de bétail tropical, un zébu de 250 kg ou son équivalent) pour 6 ha. Dans la steppe soudano-sahélienne où le chiffre des précipitations moyennes s'élève jusqu'â 600 mm, la biomasse, très variable selon les sols, est de 800 à 3000 kg/ha, I'agriculture se diversifie et peut comporter des cultures industrielles; elle voisine ou est associée avec un élevage bovin. C'est ici que se rencontrent pasteurs et paysans.
Stratégies traditionnelles
Les systèmes de production pratiqués par les divers groupements humains et les stratégies adaptées traditionnellement pour faire face aux menaces de sécheresse sont bien connues.
La pauvreté, la discontinuité, I'inégalité de la valeur des pâturages dans l'espace et dans le temps, selon les saisons et les années, I'éloignement variable des points d'eau contraignent les pasteurs au nomadisme; un nomadisme en gros de direction méridienne comme le déplacement du soleil et de la mousson, infiniment complexe dans le détail. Les chameaux, les moutons et les chèvres sahariens utilisent les pâturages herbacés, mais aussi les arbres, pâturage complémentaire ou ultime réserve, qu'atteignent chameaux ou chèvres ou dont les branches sont coupées. Les bovins ont besoin de pâturages plus riches, de ressources en eau plus abondantes; aussi leurs migrations sont-elles encore plus variées. Maures, Touareg et même Toubou, Peul pasteurs de bovins accumulaient du bétail en période humide, tout en le dispersant et en en modifiant les migrations selon les circonstances écologiques et politiques. Ils le commercialisaient en fonction de l'état des pâturages et du troupeau. Sécheresses, disettes et famines, épidémies avaient pour conséquence d'augmenter la mortalité des animaux comme des hommes. Mais la démographie des uns comme des autres redevenait positive en années humides et un équilibre se rétablissait entre les ressources et l'occupation humaine. Aussi bien, après la disparition des empires du Ghâna, puis du Mali et Songhaï, les nomades sahariens, Maures et Touareg surtout, ont étendu leurs migrations ainsi que leur contrôle politique et économique vers le Sahel et la savane, où les Peul, au XIX siècle, ont constitué des empires proprement sahéliens.
Les agriculteurs ont eux aussi adapté leurs modes de production aux conditions du Sahel. Ils ont su multiplier les variétés de mil, de sorgho, étendre les cultures de manioc ou de riz en utilisant les sols des dunes, les bords de mares, de marigots et de rivières pour des cultures de crue et surtout de décrue, varier leurs ressources alimentaires, les commercialiser dans les marchés, les stocker dans les greniers des villages en prévision des sécheresses. Ils en étaient victimes eux aussi, mais ils poussaient leurs défrichements vers le nord quand les années humides se succèdaient.
Les structures sociales rigoureuses de communautés paysannes comme des nomades assuraient, avec les techniques de production, la maintenance de l'occupation du sol. Mais, pour amples que soient les inégalités dans les structures sociales, les uns et les autres sont pauvres: le poids de viande par bovin est de 13 3 15 kg, les rendements en mil sont très faibles, les alternances de pénurie et d'abondance sur les marchés ont toujours déterminé d'énormes variations des prix, surtout du bétail, principale valeur de référence. Actuellement encore, les pays du Sahel sont parmi les plus pauvres du monde. Pour discutable que soit, en économie essentiellement d'autosuffisance régionale, le calcul du revenu moyen, celui-ci, par habitant et par an, est (en 1978) inférieur 3 340 dollars, mais celui des Sahéliens proprement dits serait dix fois moindre!
Crises
Le partage colonial, prolongé par la création d'Etats indépendants, a aggravé les dangers, naturels, sociaux ou politiques, dont sont menacées les populations du Sahel. Les États du Sahel intérieur (Mali, Haute-Volta, Tchad) sont éloignés des débouchéç maritimes et, par suite, enclavés; les liaisons avec les voies de transport du marché international et même les relations régionales inter-États sont longues et coûteuses. Ces difficultés sont aggravées parce que les Etats et les économies nationales sont toujours sous la dépendance des États développés et des multinationales. Ils sont encore obligés de participer au marché international en commercialisant des matières premières, sources de devises. Mais celles-ci sont utilisées pour l'achat de produits alimentaires, ou de produits fabriqués, source de déséquilibre des termes de l'échange. Enfin, 3 I'intérieur même des États soudano-sahéliens, la zone proprement sahélienne est marginale, moins bien équipée en moyens de communication et en services, car elle ne participe pas 3 la production d'exportation. C'est pourquoi elle fournit beaucoup plus de revenus fiscaux aux Etats qu'elle ne reçoit d'investissements: 8 % contre 2 %.
Les progrès de l'ordre colonial et les mesures sanitaires ont eu pour résultat une croissance de la population humaine comme du troupeau, surtout des bovins, grâce aux vaccinations, Les contraintes politico-sociales qui réglaient les migrations pastorales sont devenues moins pesantes: les Peul, par exemple, ont pu allonger leurs parcours vers la bordure saharienne pendant l'hivernage et participer 3 la cure de sel. Au surplus, le système colonial a déterminé une évolution, parfois des changements profonds, dans les structures sociales, surtout chez les nomades: les «castes» dominantes, imajaren ou imrad chez les Touareg, ont perdu de leur autorité. Les anciens captifs ou fils d'« esclaves., libérés, se fixent dans le Sahel, cultivent la terre tout en restant éleveurs, et leurs fils, éventuellement 3 I'école, acquièrent des parchemins, sources nouvelles d'autorité. En conséquence, la surface cultivée augmente non seulement sur les dunes, mais aussi le long des fleuves et marigots, cultivés en décrue ou en riz flottant; et la durée de la saison des cultures augmente dans la mesure, par exemple, où s'étendent les surfaces cultivées en coton récolté en décembre. Autant de pâturages, parfois excellents, qui deviennent inaccessibles.
Aux dangers d'une extension abusive des cultures et d'une surcharge pastorale, les administrations n'ont pas su opposer des mesures efficaces. On a foré des puits, on les a munis d'éoliennes, vite hors d'usage, puis de pompes. On sait que trop souvent le résultat en a été une concentration du bétail et une destruction du pâturage environnant parce qu'une discipline des parcours n'a pu être adoptée, ou du moins appliquée, malgré une réglementation administrative qui peut apparaître policière. On a tenté de limiter les conflits entre cultivateurs, progressant vers le nord en bonnes années, et pasteurs 3 la recherche de pâturages de saison séche. Au Niger, particulièrement, dès avant l'indépendance, puis après 1961, I'administration fixa une limite septentrionale à l'extension des cultures, approximativement vers l'isohyète 350 mm; elle coupa ce front pionnier de couloirs méridiens ouvrant aux pasteurs l'accès aux pâturages de saison séche. Mais ces mesures n'évitèrent pas les conflits, d'autant moins qu'elles furent moins appliquées. Des techniques modernes de gestion des pâturages et de sélection du bétail bovin ont été expérimentées dans quelques ranchs. Mais les clôtures de barbelés et des disciplines opposées aux coutumes traditionnelles ont compromis le succés de la plupart de ces expériences. Il eût fallu également organiser les marchés, celui des céréales nourricières et celui du bétail, petit et surtout gros, la ressource principale de la zone sahélienne. Mais abattoirs et organisation des transports supposent des investissements et les bovins ont continué 3 être conduits vers les marchés de la savane en de longues et éprouvantes étapes.
C'est dans ces conditions de crise que les années de sécheresse de 1960 3 1974, plus ou moins longues et sévères selon les régions, ont provoqué 3 la fois des mesures nationales, une aide internationale et une réflexion sur la désertification et sur les stratégies au Sahel. L'opinion a découvert que le désert progresse-et l'on a avancé 3 ce sujet des chiffres effrayants- que la cause n'en est pas climatique, car les séquences d'années séches antérieures avaient été aussi graves, que l'homme en est responsable par la surcharge pastorale, I'extension des cultures et la diminution des jachères et par ses besoins en bois, que l'environnement naturel est menacé, la déforestation aggravée, I'érosion du sol accélérée, I'érosion par les eaux courantes, mais surtout l'érosion éolienne qui revivifie les dunes. Les aides nationales et internationales, tardives, entravées 3 la fois par le sous-équipement et les structures socio-administratives n'ont pas empéché une forte mortalité du bêtail, la menace de famine, les migrations du désespoir vers la savane et les centres urbanisés. Il est apparu que, si les successions antérieures de périodes séches et humides n'empêchaient pas le maintien d'une vie sahélienne, d'une relative stabilité de l'environnement naturel dans le cadre de systèmes de production et de structures sociales qui en permettaient la préservation, les périodes sèches nouvelles risquaient de provoquer la ruine et la disparition des communautés humaines du Sahel.
Quelles stratégies?
Il convient donc de rechercher des stratégies nouvelles. Mais lesquelles ?
Une solution radicale consisterait 3 évacuer le Sahel, comme font les Sahéliens eux-mêmes en période de sécheresse: replier toute la population, toute activité économique vers la zone de la savane, moins menacée. Mais la savane a souvent des sols ferrugineux pauvres, elle n'est pas elle-même à I'abri des sécheresses, Et les Sahéliens sont attachés au Sahel.
Du moins apparaît-il désormais qu'une stratégie pour le Sahel devrait s'intégrer dans une nouvelle économie internationale, dans une économie nationale moins dépendante, « autocentrée», plus apte 3 satisfaire les besoins, en particulier alimentaires, des populations, 3 associer toutes les régions au développement national. Or un Sahel équipé en moyens de communications et en services qui éviteraient la marginalisation actuelle pourrait apporter sa contribution àl'économie nationale, sinon par ses ressources minières, le plus souvent encore 3 découvrir, du moins par ses ressources en céréales et autres cultures alimentaires, et plus encore en bétail. Une stratégie de développement agropastoral permettrait de maintenir la population au Sahel et d'éviter la migration vers les villes.
Mais l'élevage sahélien nomade est considéré par beaucoup comme l'héritage d'un passé révolu. Dans l'État moderne, conçu selon les concepts occidentaux, un nomade sans domicile fixe n'est qu'un vagabond; il ne peut être touché par le collecteur d'impôts, le gendarme, le médecin ni l'instituteur; il ignore frontières et règlements. C'est pourquoi tous les gouvernements d'États où est pratiqué un élevage nomade, les États bédouins eux-mêmes, se sont efforcés d'accélérer la sédentarisation des nomades du désert et de la steppe. C'est dans le Sahel sud-saharien qu'ils sont encore les plus nombreux. D'aucuns souhaitent leur survie parce qu'au Sahara et au Sahel, le nomadisme est le moyen le plus rationnel d'exploiter des pâturages pauvres et discontinus, et que la «civilisation bédouine » est attachante et, comme toute «civilisation », digne de respect. On peut du moins admettre diverses formes de modernisation permettant, outre le maintien de l'occupation humaine du Sahel, une valorisation des troupeaux. Les techniques, toujours perfectibles, sont connues, comme celles qui conservent et même enrichissent les pâturages. Mais ce qui parait devoir changer, c'est la gestion du pâturage et du bétail. Si la multiplication des points d'eau, les expériences de ranching ont été, dans l'ensemble, bien décevantes, parce que les mesures adoptées étaient à la fois partielles, limitées, et néanmoins destructrices des structures sociales traditionnelles, I'échec ne saurait faire renoncer à creuser des puits et à établir des réserves. On a proposé de dissocier naissance au Sahel et embouche en savane où les pâturages sont plus riches et les centres de consommation proches. On peut aussi, en fonction des ressources régionales, développer des cultures fourragères, irriguées ou non, et engraisser sur place, orienter l'élevage vers le petit bétail... De toute façon, rien ne saurait être obtenu sans participation des éleveurs, sans l'équipement du Sahel, I'organisation du marché, la création d'une industrie de la viande, sinon du lait, une sédentarisation au moins partielle et l'aménagement de centres commerciaux et de services.
Une stratégie de l'élevage est au surplus inséparable d'une stratégie agricole. Les cultures propres du Sahel peuvent être améliorées, valorisées par rapport aux cultures commerciales pratiquées dans le sud. Des variétés hâtives de mil, de sorgho, de riz sont connues, peuvent être répandues, expérimentées, sélectionnées. Il en est de même pour les tubercules. Il est possible d'associer l'expérimentation moderne et celle qui a été accumulée pendant des siècles par les agriculteurs eux-mêmes, d'associer agriculture et élevage, de développer la pratique de la culture attelée, de mobiliser toutes les ressources en eau pour étendre les surfaces irriguées, etc.
Mais il est aisé d'énumérer des mesures destinées à éviter l'abandon du Sahel. Une exploitation améliorée de ses ressources suppose en même temps, à la fois la conservation de ces ressources, le maintien d'un équilibre délicat entre les densités des occupants, hommes et animaux, modes de production et les conditions écologiques, la lutte contre l'érosion par le ruissellement et le vent, le contrôle des feux de brousse, dans l'espace et surtout dans le temps, la reforestation et la fourniture aux villageois du bois nécessaire àleur cuisine et à la construction, fût-il d'eucalyptus. Enfin, il faut bien prévoir le retour de catastrophes climatiques, hélas encore aussi inévitables qu'imprévisibles. Un désenclavement du Sahel atténuera la gravité de leurs conséquences. Jadis les pasteurs multipliaient le nombre de leurs animaux en les dispersant, les cultivateurs multipliaient les greniers. Il existe des procédés plus modernes de stockage.
Stratégies multiples, indissociables, à moduler régionalement, car elles diffèrent selon les lieux, selon les gens, selon les besoins et les possibilités de l'Etat. Elles sont désormais étudiées, proposées sous des formes diverses par de multiples bureaux d'étude, dans des colloques et des conférences, accords bi- ou multilatéraux. L'environnement sahélien est connu. Il doit toujours faire l'objet de recherches scientifiques, continues, comme tout environnement, fût-il en pays développé, parce que les écosystèmes ne sont pas figés et que les stratégies adoptées doivent être scientifiquement préparées et suivies avec minutie. Il est non moins important d'assurer la diffusion des connaissances hors des cercles de spécialistes, auprès des décideurs et des utilisateurs, d'en préparer l'application éventuelle en formant des cadres de différents niveaux.
Mais la réflexion, le choix des stratégies reviennent évidemment aux administrations et aux gouvernements. Et le succès de leur application est impossible sans l'information, la compréhension, I'acceptation, I'association, la participation des bénéficiaires. C'est là la leçon des échecs et des retards accumulés. Décision d'une part, participation de l'autre sont, il est à peine besoin de le souligner pour conclure, des problèmes politiques.
Le developpement des terres arides au Niger: organisation des pouvoirs et stratégies
Harouna-Hamadou Sidikou, Université de Niamey
Comme tous les pays insuffisamment développés nouvellement indépendants, les impératifs du développement ont toujours tenu une place importante dans la mise en place des institutions gouvernementales du Niger, pays que l'on peut considérer comme globalement aride sur toute l'étendue de son territoire (1 267000 km2). Mais, comme partout ailleurs, le problème n'est pas tant de faire des déclarations d'intention en vue de changer une situation complexe que de concevoir et exécuter les stratégies les mieux adaptées pour parvenir à un véritable développement.
Place et rôle asslgné aux préoccupations du développement dans les institutions Etatiques
On ne peut pas parler de développement au Niger sans faire une rétrospective de la place accordée à ce développement àtravers la mise en place des institutions administratives nationales. Les tâtonnements inévitabies qu'on y décèle sont la preuve que plus qu'une véritable stratégie, il s'agit en fait de tactiques de développement.
Même si, globalement, les institutions gouvernementales ont
pour tâche de conduire le pays à un certain développement,
leur mission se situe à des degrés divers et traditionnellement
certains départements ministériels ont un rôle beaucoup plus
important à jouer que d'autres. Ce qui frappe en premier lieu
àl'examen de l'évolution de la structure des principales
institutions gouvernementales, c'est la place particulière
primitivement accordée aux problèmes ruraux et, en
conséquence, la place apparemment réduite faite au
développement en tant qu'instrument moderne de promotion
économique et sociale; puis, I'équilibre et surtout les liens
organiques établis entre les deux stratégies en vue d'aboutir
àun véritable développement. En effet, à la fin de l'année
1958, àl'aube de l'avènement de la république, le gouvernement
du Niger comprenait à la fois un Ministère de l'élevage, un
Ministère de l'agriculture et des forêts et un Ministère de
l'économie et du plan (arrèté n° 58-645 du 20 décembre
1958). Suivant le jeu et les impératifs politiques du moment,
les compétences de ces trois ministères de base seront
élargies ou réduites démontrant par là même que la
stratégie du développement qui est à priori une affaire
d'efficacité peut être également liée à des considérations
humaines totalement ou partiellement étrangères aux impératifs
qui la commandent.
Ainsi, en octobre 1959, deux mois avant que la colonie du Niger ne devienne une république, furent créés simultanément un Ministére des affaires économiques et du plan, un Ministère de l'élevage et des industries animales et un Ministère de l'agriculture et des forêts (décret n° 59-175 du 18 octobre 19591. En décembre 1960 (décret n° 60-276 du 31 décembre 1960), quelques mois après la proclamation de l'indépendance (3 août 1960), fut créé le Ministère de l'économie rurale qui regroupe les attributions des anciens ministéres de l'élevage, de l'agriculture et des forêts tandis que naissent deux nouveaux ministères: le Secrétariat d'État à la présidence chargé de la coutume et des affaires domaniales et le Ministère des affaires sahariennes et nomades dont le titulaire résidait théoriquement à Agadez à près de 1 500 kilométres de la capitale où siège le gouvernement.
Ensuite, furent créés successivement ou simultanément:
Le Commissariat général au plan (18 juin 1960) qui deviendra, au 31 décembre 1965, Commissariat général au développement.
Le Commissariat général à la promotion humaine (29 février 1964) qui sera transformé quelques mois plus tard (31 décembre 1965) en un simple service.
Le Ministère du développement et de la coopération (décret n° 72-102 du 17 août 1972) dont les attributions seront déterminées par le décret n° 72-131 du 26 septembre 1972 en application du décret n° 72-129 du même jour créant un Ministère de la promotion humaine et un Ministère des mines, de la géologie et de l'hydraulique.
La situation politico-économique particulière du pays a été àl'origine du changement de régime intervenu en avril 1974. Les militaires qui ont pris le pouvoir vont faire une place importante aux problèmes du développement comme le montre la composition du gouvernement provisoire. Ainsi, de par l'ordonnance 74-2 du 22 avril 1974 portant composition du gouvernement provisoire, apparaissent un Ministère de l'économie rurale, du climat et de l'aide aux populations éprouvées (sous-entendu par la sécheresse), un Ministère du développement, dont les attributions sont celles des anciens ministères du développement et de la coopération (avec rattachement de la coopération au Ministère des affaires étrangères) et de la promotion humaine. En juin 1974 nîtra un Ministère d'État au développement, des mines et de l'hydraulique renforcé par un Secrétariat d'État spécialement chargé du développement (décret n° 74-134 du 8 juin 1974). La situation économique et sociale évoluant favorablement, dès novembre 1974 (décret n° 74306 du 30 novembre 1974) le Ministère de l'économie rurale, du climat et de l'aide aux populations éprouvées perd ses attributions relatives à l'aide aux populations éprouvées, mais les structures du Ministère d'État chargé du développement, des mines et de l'hydraulique demeurent inchangées. En février 1976 (décret n° 76-24 du 21 février 1976), le Ministère de l'économie rurale devient Ministère du développement rural avec un Secrétariat d'Etat, tandis qu'apparît pour la première fois un Ministère du plan. Enfin, deux aménagements très intéressants dans la voie du développement sont à signaler. D'une part, en octobre 1979, fut instituée une commission nationale de mise en place d'une société de développement. Cette commission, dont la composition associe aux représentants des différents ministères toutes les catégories socioprofessionnelles du pays à raison de quatorze membres par département lau nombre de sept), a pour tâche de faire au gouvernement dans un délai de deux ans des propositions relatives à la forme de développement la plus équilibrée et la plus harmonieuse qu'elle estime convenir le mieux aux conditions spécifiques du Niger. D'autre part, le dernier remaniement gouvernemental (décret n° 80 69 du 16 juin 1980), tout en maintenant les ministères du plan et du développement rural (dont le Secrétariat d'État a disparu depuis deux ans), crée deux ministères distincts dont les attributions étaient jusqu'alors confondues: le Ministère des mines et le Ministère de l'hydraulique.
Aussi, on peut écrire que, techniquement et en attendant les
conclusions des travaux de la commission nationale de mise en
place de la société de développement, la stratégie du
développement relève plus spécialement de la compétence des
ministères du plan, du développement rural (agriculture,
élevage, eaux et forêts), des mines et de l'hydraulique.
Concernant le Ministère du plan, notons qu'il a procèdé à une
décentralisation de ses structures avec la création au niveau
central d'un Service du développement régional et de
l'aménagement du territoire, qui est devenu, à partir de 1977,
Service de la planification régionale et qui, tout en
contrôlant les services départementaux du plan qui en
dépendent, doit leur fournir l'appui technique, administratif et
financier nécessaire. C'est à ce titre qu'il lui revient
théoriquement de programmer et de coordonner toutes les études
et travaux àentreprendre dans le cadre de la planification
régionale, de veiller à leur exécution et à leur intégration
harmonieuse aux impératifs de la planification nationale. Dans
la pratique, les services départementaux du plan conçoivent et
exécutent eux-mêmes leurs études ou le font faire par des
bureaux d'étude utilisant au mieux et outrepassant peut-être
leurs attributions telles que définies par l'arrêté n° 1/MP
du 4 janvier 1977 qui les charge tout particulièrement: « De
tous les travaux de recherche et études de planifications
régionales et aménagement du territoire; de rassembler,
exploiter et diffuser toute la documentation sur la région en
matière de développement; d'élaborer les projets de plan et
programme de développement régional; d'assurer la cocrdination
intersectorielle
au niveau du département des actions de développement; de
l'évaluation des effets économiques et sociaux des actions de
développement et du contrôle de l'exécution du plan; de
l'établissement des rapports périodiques sur le développement
du département. »
Globalement, la stratégie du développement s'inscrit dans le cadre de plans de développement.
Les différents plans nigériens de développement
L'indépendance aussitôt acquise et en attendant de définir une politique de développement à long terme, le Niger s'est doté d'un plan triennal intérimaire couvrant la période 1961-1963. Le but était d'abord de recueillir les données économiques et humaines indispensables à l'élaboration d'une politique cohérente de développement à long terme dans un pays alors dépourvu de véritables structures administratives qu'il faut créer et mettre en place. Puis, furent publiées les perspectives décennales de développement 1965-1974 dont le plan quadriennal 1965-1968 constitue en fait la première phase. Sur le plan du développement économique, les objectifs primordiaux indissociables de ces perspectives décennales étaient de trois ordres: unité nationale; élévation du niveau de vie des masses; indépendance économique.
Le début des années soixante-dix a vu l'élaboration d'un plan décennal provisoire de développement qui n'a jamais été rendu public. En janvier 1976 fut publié le programme triennal 19761978 qui définissait de simples objectifs et les prévisions du point de vue des investissements prioritaires à entreprendre pour atteindre ces objectifs. Enfin, le dernier plan de développement économique et social 1979-1983 est a l'aboutissement de réflexions et de consultations réciproques entre le gouvernement, les administrations centrales, les organisations représentatives et les régions»'.
Le plan de développement économique et social 1979-1983 vise à atteindre pleinement trois objectifs essentiels; les mémes que ceux définis dans le programme triennal 1976-1978, à savoir l'autosuffisance alimentaire, I'instauration d'une société de développement et l'indépendance économique.
L'autosuffisance alimentaire
Il s'agira, à court terme, de satisfaire les besoins alimentaires fondamentaux des populations et, à long terme, de parvenir àun « équilibre solide d'autosuffisance pour parer à l'éventualité d'un retour des mauvaises conditions climatiques ». Pour ce faire, la recherche d'une plus grande productivité constitue l'une des options fondamentales. D'où, d'une part, la mise en place ou l'extension de projets ruraux intégrés, dits projets de productivité (projets productivité de Niamey, Dosso, Maradi, Badéguichiri et 3 M concernant les arrondissements de Mirriah, Magaria et Matameye dans le département de Zinder), de projets céréaliers et semenciers et, surtout, l'exploitation de toutes les terres aménageables, notamment celles des grandes vallées et des grandes plaines dont certaines ont vu fleurir des aménagement hydro-agricoles permettant non seulement d'augmenter les rendements, mais aussi une double récolte annuelle. Il s'agit essentiellement du projet Konni dont les 3000 hectares vont être aménagés grâce à la construction d'un certain nombre d'ouvrages Ibarrages, dont celui de Zango d'une capacité de 15 millions de mètres cubes, canaux d'irrigation et de drainage, digues de protection et pistes d'accès) et surtout des aménagements hydro-agricoles de la vallée du fleuve Niger (4153 hectares cultivés en 1977-1978 par 6466 paysans dont 2196 hectares en saison des pluies) et des aménagements hydro-agricoles du département de Tahoua 11252 hectares cultivés en 1977-1978 par 1 166 exploitants dont 1 020 hectares en saison des pluies). Le projet le plus ambitieux du programme d'aménagement des terres concerne certainement le futur barrage de Kaindadji sur le fleuve Niger: 140000 à 145000 hectares pourront être irrigués et cette disponibilité aurait pu être fortement augmentée si un pays voisin avait accepté la construction du barrage à la cote appropriée.
Parallèlement aux efforts entrepris dans le domaine agricole, I'élevage, la principale richesse du pays après l'uranium, fait l'objet de toutes les attentions. Le programme de modernisation de la zone pastorale (délimitée par une loi de 1961 et couvrant approximativement 235000 km2) est notamment poursuivi. Il prévoit:
La création de centres de multiplication du bétail dont quatre sont actuellement achevés.
La réorganisation du monde des éleveurs qui vont être initiés au système du crédit en milieu pastoral.
L'extension du système du ranching de réelevage.
La modernisation des abattoirs dans les grands centres urbains. C'est dans le cadre de cette stratégie générale en matière de production animale qu'ont été définies trois zones écologiques principales: a) une zone pastorale septentrionale dite d'élevage naisseur; b) une zone intermédiaire de réélevage; c) une zone méridionale de finition correspondant àla zone des cultures.
C'est en application de ces dispositions que trois projets pastoraux en voie d'exécution ont été élaborés. ll s'agit d'ouest en est:
Du projet d'élevage « Sud-Tamesna ». Il coûtera 550 millions de francs CFA; sa durée est de trois ans (juillet 1980-juillet 1981). Le projet intéresse une zone de 9 000 km2 du département de Tahoua habité par DOOO pasteurs détenant environ 42000 bovins, 18000 ovins, 31000 caprins et 6000 camelins, soit environ 47740 UBT.
Le projet « Sud-Tamesna» est un projet pastoral pilote, expérimental, dont les interventions doivent porter à la fois sur le milieu physique et sur le milieu humain et le cheptel afin d'aboutir à une meilleure gestion des pâturages et des troupeaux et, conséquemment, à l'élévation du niveau de vie des pasteurs.
Du projet « Gestion des pâturages du Niger central» (siège
provisoire, Maradi). Ce projet intéresse plusieurs
départements: Tahoua, Zinder, Agadez et, surtout, Maradi. Sa
durée est de trois ans (1979-1981); son coût total de 5829300
dollars, le Niger participant pour 400000 dollars. C'est un
projet qui vise essentiellement à augmenter le revenu des
pasteurs, à assurer le bien-être des populations de la zone
concernée tout en présentant l'écosystème.
Du projet de développement de l'élevage dans le Niger centre est (départements de Maradi, Zinder et Diffa). Sa durée est de cinq ans (1979-1983). Ses objectifs sont multiples: a) augmenter les revenus des pasteurs par un accroissement de la production animale; b) faire participer les pasteurs à la gestion harmonieuse de leur milieu (pâturages et ressources en eau) et de leurs troupeaux; c) augmenter la capacité d'intervention de service de l'élevage en utilisant trois moyens essentiels: une meilleure couverture sanitaire tant pour les animaux que pour les hommes; la délimitation d'unités pastorales basées sur les structures traditionnelles d'exploitation de l'espace et couverture de ces unités pastorales par cinq services pastoraux fournissant un ensemble complet de prestations parmi lesquelles la sensibilisation jouera un rôle prépondérant; d} enfin, la mise en place d'infrastructures administratives, de gestion et de commercialisation.
L'instauration d'une société de développement
Il s'agit de réfléchir, en y faisant participer toutes les couches sociales du pays, sur le meilleur type de développement adapté aux conditions particulières, notamment géographiques et géopolitiques de ce pays. Cette société de développement àstructure pyramidale aura pour base les cellules de développement mises en place ou revalorisées au niveau des villages et des campements (coopératives de production et organisations traditionnelles de jeunesse appelées samaria) et sur lesquelles doivent s'appuyer les conseils régionaux de développement correspondant aux unités départementales. La commission nationale de mise en place de cette société de développement créée à cette occasion doit déposer ses conclusions dans le courant de l'année 1981. A cet effet, cinq sous-commissions ont été créées: Sous-Commission ainformation et sensibilisation»; Sous-Commission sociale; Sous-Commission chargée des mouvements coopératifs; Sous-Commission des structures de l'organisation à travers les samaria lorganisations traditionnelles de jeunesse); Sous-Commission des structures administratives.
L'indépendance économique
Il s'agira de réaliser et de maîtriser un type de développement original ouvert sur l'extérieur et qui tienne compte de façon réaliste des conditions de cet environnement.
Les stratégies adoptées pour faire aboutir le plan sont: I'intervention de l'État dans l'orientation économique; le redressement économique, qui doit s'appuyer sur les éléments dynamiques potentiels de ce développement que sont les richesses minières, I'exploitation des amènagements hydroagricoles et la mise en place d'agro-industries; la coopération régionale et le désenclavement impératif du pays par l'amélioration et le renforcement des infrastructures de communication. Ii s'agira aussi de neutraliser les éléments notoires de blocage décelés, grâce à des actions spécifiques et appropriées dans le domaine de l'agriculture traditionnelle, I'accélération de la formation des cadres et par une nécessaire reconversion des mentalités qui doivent évoluer vers des comportements de développement.
Au Niger, pays vaste et presque intégralement aride, les impératifs du développement revêtent un caractère particulier compte tenu précisément de cette aridité. Les stratégies pour faire face aux besoins de ce développement doivent non seulement tenir compte des conditions écologiques de ce milieu fragile, mais aussi des caractéristiques particulières des sociétés nigériennes dont la prise en compte apparaît fondamentale sinon décisive dans la réussite de toute action de développement.