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Un exempIe de recherche intégrée en miIieu sahélien : la Mare d'Oursi (Haute-Volta)
Jacques Claude, hydrologue, directeur du Centre ORSTOM, Ouagadougou
En Haute-Volta, I'opération « Mare d'Oursi », menée par l'ORSTOM en collaboration avec quatre autres instituts de recherche français, constitue un exempie d'étude intégrée orientée vers la mise en valeur des terres arides.
Cette opération de recherche, décidée en 1975, à la suite de la sécheresse des années 1972-1973 dans le Sahel, financée par la Délégation générale à la recherche scientifique et technique française ( DGRST), s'est déroulée de 1976 à 1979 et se poursuit dans ses applications à l'heure actuelle. Elle s'était fixé pour objet d'étudier les potentialités agro-sylvo pastorales d'un écosystéme représentatif du Sahel voltaïque pour orienter des stratégies de lutte contre les effets de la sécheresse.
Le bassin versant de la Mare d'Oursi fut choisi comme représentatif de cette zone, par la diversité de ses sols et de leur exploitation, par la présence d'un point d'eau pérenne drainant une importante transhumance et par sa situation à la limite de l'habitat nomade et de l'habitat sédentaire.
Il fallait donc commencer par dresser l'inventaire des ressources de cette zone, c'est-à-dire procéder à la description du milieu physique et biologique, puis analyser le système actuel d'exploitation de ces ressources par l'homme à travers ses deux activités principales, I'agriculture et l'élevage, afin de définir l'évolution de ces ressources en fonction des facteurs spatio-temporels variables qui les conditionnent et auxquels doivent s'adapter les modes d'exploitation.
Programmes de recherches
C'est autour de ce schéma que se sont articulés les divers programmes de recherches intégrées dans l'opération « Mare d'Oursi ».
La caractérisation du milieu physique s'est faite par:
La description du cadre géomorphologique incluant les proces
sus géodynamiques actuels: carte géomorphodynamique établie
par le Laboratoire de géographie dynamique de l'Université
Paris-VII. L'inventaire des sols: une carte pédologique au
1/50000 a été
dressée par le Service national des sols de Haute-Volta.
L'inventaire des ressources en eau: étude hydrologique de 7 bassins versants, alimentant la Mare d'Oursi, étude de la pluviométrie et du ruissellement confiée à la section hydrologique de l'ORSTOM.
L'inventaire des ressources végétales: carte agrostologique réalisée par l'lnstitut d'élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux (IEMUT), inventaire floristique fait par le CEPE, évaluation de biomasse fourragère (ORSTOM).
L'analyse des systèmes de culture et d'élevage a été essentiellement menée par un agronome, un économiste et un démographe de l'ORSTOM, qui ont d'abord établi une carte de tous les faits d'occupation humaine de la zone, puis par enquêtes distinctes, décrit l'adaptation des ressources produites (céréales, troupeaux, artisanat) aux besoins des populations en fonction de leur mode de vie et des variations annuelles de ces ressources.
L'évolution des ressources naturelles est liée à de nombreux facteurs qui doivent être mesurés de concert par plusieurs disciplines, ainsi:
La géodynamique mettant en jeu les processus d'érosion et de ruissellement (mesurés sur parcelles par le CTFT).
L'agroclimatologie qui s'est attachée à mettre en évidence les liaisons entre les termes du bilan hydrique de différents sols et la production primaire de biomasse.
La batanique qui associe la structure et la composition des formations végétales à leur production, elle-même dépendante de facteurs climatiques et qui étudie l'efficacité de diverses méthodes de régénération (mise en défens, régénération spontanée, semis, bouturages, etc.).
Les résultats acquis par une discipline sont utiles à plusieurs autres et les confrontations entre chercheurs souvent fructueuses.
Résultats et conclusions
L'ensemble des études multidisciplinaires entreprises pendant quatre ans sur la région de la Mare d'Oursi permet de formuler un diagnostic sur un milieu sahélien jugé représentatif. L'estimation des potentialités de production et des contraintes pesant sur les ressources naturelles conduit à définir les conditions d'un équilibre de l'écosystème étudié et ensuite àindiquer des actions à entreprendre pour réduire les contraintes et augmenter les potentialités. Bien sûr la réalité n'est pas aussi schématique et s'il est relativement facile de dire sur quel paramètre il faudrait agir, la meilleure pratique à mettre en uvre est souvent loin d'être évidente.
Après le traumatisme causé par la sévère sécheresse du début des années soixante-dix, un certain nombre de faits et d'indices laissent à penser que l'écosystème de la Mare d'Oursi est revenu à un état d'équilibre entre les ressources naturelles et leur exploitation. Cet état d'équilibre se situe probablement à un niveau inférieur à ce qu'il était auparavant, certaines dégradations étant irréversibies, mais force est de constater qu'avec un retour à une pluviométrie normale ou subnormale, les ressources du milieu ont de nouveau progressé. C'est ainsi qu'on a pu constater la régénération de certains pâturages même en des endroits qui avaient été soumis à une quasi-désertification. Toutefois, cet apparent équilibre auquel est revenu le système est très fragile, un certain nombre de ses composantes sont à la limite de viabilité et les facteurs de dégradation apparaissent actifs et nombreux et la pression de l'homme toujours plus lourde:
La densité des troupeaux est devenue supérieure en de nombreux endroits à la charge supportable par les pâturages parcourus ce qui entraîne un état général déficient chronique chez les animaux.
Les zones surpâturées sont en même temps déboisées par suite de l'élagage pratiqué par les éleveurs, ce qui favorise l'apparition de plages dénudées où les premières pluies ruissellent abondamment sans parvenir à augmenter suffisamment la réserve hydrique utilisable des sols.
Ces eaux de ruissellement pourraient constituer des réserves d'eau intéressantes, mais les possibilités de stockage naturel sont rares et la technologie d'une maîtrise de l'eau par ouvrages de petite hydraulique inconnue des populations nomades. Quant aux ressources en eaux souterraines, elles sont très faibles et ne sont guère exploitables que pour l'alimentation humaine.
Les modes d'exploitation actuels du milieu par l'homme sont caractérisés par leur extensivité tant en ce qui concerne l'élevage que l'agriculture. Ils deviennent de plus en plus incompatibles avec une pression démographique croissante. On constate parallèlement un accroissement du cheptel et une augmentation des terres cultivées, cette extension se faisant sur des terres sensibles à l'érosion où les rendements sont plus faibles que sur les terrains sableux traditionnels où, d'ailleurs, les jachères sont de plus en plus rares.
Les résultats de l'opération « Mare d'Oursi » mettent en évidence certaines réalités du Sahel voltaïque plus ou moins connues de tous, ou du moins ressenties, ils fournissent un nombre de données chiffrées aux aménagistes et projeteurs, mais devraient surtout attirer leur attention sur l'importance àaccorder à la perception des besoins et désirs réels des populations des diverses zones sahéliennes.
A plus d'un titre l'opération « Mare d'Oursi » est un exemple de ce que peuvent être les interventions de l'ORSTOM pour les terres arides, mettant en jeu à la fois un potentiel logistique important et des équipes de chercheurs multidisciplinaires ouvertes à la collaboration inter-organismes. La souplesse d'un tel dispositif permet de s'adapter aux besoins nouveaux en matière de recherche dans les régions arides.